MONTRÉAL – La dernière fois que Demetrious Johnson s’est battu au Canada, il en est reparti avec une marque quelque peu insolite. À l’UFC 186, tenu au Centre Bell, « Mighty Mouse » avait réussi la soumission la plus tardive de l’histoire de l’organisation en passant une clé de bras à Kyoji Horiguchi alors qu’il ne restait qu’une seconde à écouler avant la fin du cinquième et dernier round.

Un record beaucoup plus prestigieux sera à la portée de Johnson le 9 septembre prochain à Edmonton. S’il défait Ray Borg en finale de l’UFC 215, le champion de la division des poids mouches défendra son titre pour la onzième fois consécutive, abattant la référence qu’il partage présentement avec l’ancien roi des poids moyens Anderson Silva.

Le combattant de 30 ans, qui n’a pas perdu depuis bientôt six ans et qui est déjà considéré comme l’un des plus talentueux pugilistes de sa profession, ne cache pas que l’accomplissement revêt une signification particulière à ses yeux. « Je crois que c’est le record le plus remarquable qui puisse être détenu dans notre sport », a-t-il affirmé en entrevue avec RDS mercredi.

Mais Johnson avoue du même souffle ne pas être obsédé par les nombreuses autres distinctions qui sont à sa portée. Deux autres victoires pourraient par exemple lui permettre de dépasser les douze de Georges St-Pierre en combats de championnats. Quatre autres et il en aura accumulées seize de façon consécutive, imitant ainsi un autre exploit de Silva.

Qu’importe, répond-il, puisque ces palmarès sont sans cesse en reconstruction et qu'il est peu intéressé à en suivre la constante évolution. Johnson se fixe plutôt des objectifs qui laisseraient une marque dans son compte en banque, pas dans les livres d’histoire.

« Mon but a toujours été de gagner un million de dollars pour un seul combat », rappelle-t-il quand on lui demande quelle sera sa cible après une éventuelle victoire contre Borg.

Johnson, qui a touché 440 000 $, incluant un boni de performance de 50 000 $ et 40 000 $ en commandite de l’équipementier Reebok pour sa plus récente victoire contre Wilson Reis, n’est pas le premier combattant de l’UFC à militer pour de meilleures conditions salariales, à viser de plus gros chèques de paie. Conor McGregor s’est improvisé boxeur le temps de toucher une petite fortune avec son combat hautement médiatisé contre Floyd Mayweather. Conscients de leur popularité, les frères Nick et Nate Diaz ont décidé de jouer le jeu selon leurs propres règles et d’attendre une offre qu’ils jugent équitable avant de revenir dans l’octogone. Le champion de la division des poids moyens, Michael Bisping, continue de repousser la défense de son titre dans l’espoir qu’un combat contre Georges St-Pierre se matérialise.

Johnson, lui, ne désertera pas pour un autre sport, ne menacera pas de rester à la maison et ne courra pas après un méga-combat. Celui qui se considère comme un « champion modèle », qui retire une fierté certaine de la domination qu’il est parvenu à établir au sein de sa division, a non seulement l’intention de rester fidèle à ses principes, mais il entend se battre pour les faire respecter.

« Je ne crois pas que le salaire d’un combattant devrait être dicté par l’identité de son adversaire, décrie le détenteur d’une fiche de 26-2-1. Je crois plutôt qu’il devrait être dicté par ses accomplissements et son talent. Tout ça est plus important pour moi que n’importe quel superfight. »

« Quand Mayweather s’est battu contre Manny Pacquiao, le combat a été acheté par quatre millions de personnes à la télévision à la carte. Son combat suivant, contre Andre Berto, a été acheté seulement 300 000 fois. Il a donc fait moins d’argent, et ce, même si sa carrière progressait. Personnellement, c’est contre mes principes, explique Johnson. Je crois que quel que soit votre métier – que vous travailliez chez McDonald’s ou Costco –, votre salaire devrait augmenter proportionnellement à votre ancienneté. Si je ramène tout ça à mon domaine, c’est quelque chose qui me dérange depuis un bon moment et que j’essaie de changer. C’est plus important pour moi que de me mettre à la recherche du partenaire de danse idéal pour réussir à toucher le gros lot. Ça, c’est de la merde. Ça ne devrait pas fonctionner comme ça. »

Parce que ses idéaux diffèrent de façon significative de celle de ses patrons, Johnson a récemment été impliqué dans un vilain différend avec Dana White. Le président de l’UFC tenait à ce que Johnson accepte de défendre son titre contre T.J. Dillashaw. Devant la réticence du champion, White a opté pour une tactique qui lui est chère : il a emprunté la ligne dure en sortant sur la place publique pour dénigrer Johnson, entachant l’image de son champion en lui faisant porter l’odieux de la situation.

Johnson a répliqué par la publication d’une longue réponse manuscrite dans laquelle il justifiait sa décision et dénonçait l’intimidation dont il jugeait être victime.

« Durant toute ma carrière, je me suis fait dire contre qui je devais me battre. Je crois que c’est vraiment stupide », a-t-il renchéri lors de son entretien avec RDS.

« J’ai déjà travaillé dans un magasin de chaussures, illustre Johnson pour bien faire passer son message. Mon patron me répétait sans cesse de m’assurer de vendre une paire de bas quand je vendais une paire de souliers. Et je lui répondais : "Dude, le client peut entrer dans la boutique et se diriger directement vers ce qu’il veut acheter. S’il ne veut pas acheter de bas, il n’en achètera pas. Je suis prêt à lui en proposer poliment, mais s’il dit non, c’est non!" C’est comme ça que je vois ça. »

White et Johnson doivent se rencontrer en fin de semaine à Anaheim, où aura lieu l’UFC 214. Il s’agira de leur première discussion en personne depuis leurs engueulades par médias interposés.

« Tout ça n’est qu’un gros malentendu, assure le combattant. On va se rencontrer, remettre les pendules à l’heure et regarder vers l’avant. Tout va bien. »  

Malentendu ou pas, « Mighty Mouse » semble déterminé à mener le reste de son parcours selon ses propres termes.