De joyeux adieux à un triste record
UFC mardi, 9 juil. 2019. 08:00 vendredi, 13 déc. 2024. 18:03MONTRÉAL – Dès que le genou de Jorge Masvidal a touché la mâchoire de Ben Askren, Jonathan Goulet s’est instinctivement mis à célébrer. C’était peut-être ce soir-là que son nom allait enfin disparaître du livre des records de l’UFC.
En 2006, Goulet s’était fait coucher par le premier coup de poing que lui avait lancé l’Américain Duane Ludwig. La durée officielle du combat avait alors été généreusement enregistrée à onze secondes. Cinq ans plus tard, le président de l’UFC, Dana White, avait ajusté le tir en reculant le cadran de cinq secondes.
À retardement, Goulet était ainsi devenu la victime du K.-O. le plus rapide de l’histoire de l’organisation.
« Ça ne me dérangeait plus, j’en faisais même des blagues, affirmait Goulet lundi, deux jours après que la victoire en cinq secondes de Masvidal à l’UFC 239 eut effectivement effacé son nom des registres. Il y avait encore des haters qui m’écrivaient sur Internet. Il y a six mois, je pense, quelqu’un m’avait dit que j’avais laissé ma trace dans l’histoire parce que j’étais reconnu comme le deuxième pire menton dans l’histoire de l’UFC. Je lui avais répondu que j’aurais bien aimé obtenir la première position pour une fois dans ma vie, mais qu’il fallait croire que c’était impossible ».
Goulet avait 26 ans et flottait sur un nuage quand Ludwig s’est retrouvé sur son chemin en janvier 2006. Il avait remporté ses dix combats précédents, dont son premier à l’UFC trois mois plus tôt. Il avait battu de gros noms. Il se sentait invincible. En plus, Ludwig était un poids léger naturel catapulté chez les mi-moyens. Ça devait être de la tarte.
Le Québécois a répondu au signal de l’arbitre en prenant le centre de l’octogone. Ludwig a tourné sur sa droite, Goulet l’a traqué et a lancé un jab sans couvrir ses arrières. Le direct en contre-attaque l’a atteint directement au menton et il est tombé tête première au tapis. Il a perdu la carte pendant quelques secondes. À son réveil, l’arbitre avait mis fin au combat.
« Je n’ai jamais été fâché parce que si Ludwig n’avait pas été arrêté par l’arbitre, il aurait pu m’achever comme il faut. Oui, je me suis relevé vite, mais si j’avais reçu un ou deux autres coups, ça aurait pu être vraiment grave », reconnaît-il aujourd’hui.
Goulet sait trop bien ce qu’Askren devra surmonter au cours des prochaines semaines. La douleur physique passera, mais la honte et la colère seront des démons tenaces. Il y a toutefois un lendemain et s’il fait les choses de la bonne façon, « Funky » devrait se remettre sans trop de séquelles de cette première défaite à sa fiche.
« Tu es gêné. Tout le monde t’en parle. Je me suis fait achaler. J’ai eu tellement d’intimidateurs qui m’ont énervé après ça sur internet. Mais ça ne m’a pas arrêté, raconte fièrement Goulet. Je me suis remis à l’entraînement et je suis devenu un meilleur lutteur. J’ai commencé à m’entraîner avec l’équipe olympique à Montréal. Même que j’avais fait une capture d’écran peu de temps après, je crois que j’étais classé quatrième à l’UFC pour le meilleur taux de succès contre les amenées au sol. »
« Et tout de suite après, j’ai eu un bonus pour le ‘combat de la soirée’ contre Luke Cummo. Donc ça ne m’a pas arrêté, ça m’a même motivé à devenir meilleur. Mais j’étais vraiment stressé de manger des coups de poings après par exemple. Ça m’a resté pour le reste de ma carrière. »
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Celui qu’on surnommait à l’époque le Road Warrior a été mis K.-O. dix fois dans sa carrière et la vérité, c’est que celui qui a marqué les esprits contre Ludwig n’a pas été le pire.
Comme Askren, il lui est arrivé de passer de longues minutes au sol, inconscient, après avoir encaissé un impact. Le combat contre Tony Fricklund, à Rimouski, lui revient en tête. Ce qu’il se souvient de celui contre Chris Clements, le dernier de sa carrière, aussi.
Comme Askren, il a vécu l’affront d’être humilié par un rival qu’il avait harangué en amont du combat. Encore aujourd’hui, sa défaite contre Mike Swick lui noue la gorge.
« Premièrement, je l’avais défié sur Internet, je l’avais traité de pas bon. Il m’avait battu en 90 secondes. Juste là, ça m’avait fait mal à l’orgueil. Mais il y avait pire. J’étais en plein milieu du ring, on m’avait assis sur une chaise et le docteur me posait des questions. Il voulait savoir la date et l’endroit du combat. J’avais les réponses, mais je n’étais pas capable de les prononcer. J’ouvrais la bouche, mais je n’étais pas capable de passer la première syllabe. J’ai versé une larme. Le médecin a mis une main sur mon épaule et m’a dit de prendre mon temps, qu’il allait revenir plus tard. Ça m’avait vraiment fait de quoi. »
S’il n’a pas oublié les douloureuses sensations que lui a fait vivre le sport qu’il a pratiqué comme métier pendant neuf ans, Goulet est aujourd’hui capable de rire de ses vieux malheurs. Et les autres aussi!
Au lendemain de la victoire historique de Masvidal, Goulet a publié une vidéo de la fin du combat sur son compte Instagram et a écrit : « J’attendais ce moment depuis 2006! »
L’un des premiers commentaires qu’il a reçus venait de l’arbitre Jason Herzog, celui-là même qui s’est interposé entre Masvidal et Askren. « You’re the man, Jonathan! », a-t-il reconnu.