TORONTO – À l’heure convenue, Max Holloway est sorti des coulisses du Massey Hall, la mythique salle de spectacles de la rue Victoria, à Toronto. De timides applaudissements ont souligné son émergence des ténèbres. Le frêle Hawaïen a brandi les poings. Droit devant lui, aux abords de la scène, un jeune garçon espérait attirer son attention.

Holloway s’est avancé aussi loin que la loi de la gravité le lui permettait et s’est penché pour tendre le poing à son admirateur, qui a répondu en appliquant timidement ses phalanges sur celles du combattant. De l’autre main, Holloway a empoigné la casquette de l’adolescent et y a apposé sa signature.

Puis, il lui a fait signe de le rejoindre. Holloway venait de décider que ce spectateur émerveillé lui servirait de partenaire d’entraînement pendant les quelques minutes au cours desquelles il devait se délier les muscles devant les lentilles de caméra. Sans se faire prier, le blondinet a accepté l’invitation, est monté sur les planches et, question de se mettre à l’aise, a enlevé son épais chandail à capuchon.

Aussitôt soulagé, aussitôt démasqué. Sur le t-shirt de l’élu du jour était imprimé en lettres majuscules le nom d’Anthony Pettis. Sans le savoir, Holloway venait de faire une fleur à un supporteur de son prochain adversaire.

« Je n’avais pas de t-shirt à mon nom avec moi. Si j’en avais eu un, vous pouvez être sûr que je lui aurais fait enlever le sien immédiatement, rigolait Holloway au terme de l’exercice. Disons qu’il s’en est bien tiré pour cette fois-ci. Et il a sorti quelques bons coups en plus! »

Holloway aurait peut-être réagi différemment s’il n’avait pas l’habitude de passer deuxième. Quand on gagne neuf combats de suite sans pouvoir convaincre qui que ce soit qu’on est digne d’un combat de championnat, on développe une patience et une sérénité qui nous permettent de voir la vie du bon côté.

Celui qu’on surnomme « Blessed » n’a pas perdu depuis plus de trois ans. Le dernier homme à l’avoir vaincu est un certain Conor McGregor. Depuis un an, il a battu quatre adversaires classés dans le top-10 de sa catégorie de poids. Et pourtant, la reconnaissance tarde à venir.

Mais à quelques jours de se donner en spectacle dans le combat principal de l’UFC 2016, Holloway est plus près que jamais du moment où ses aspirations ne pourront plus lui être refusées. Pettis est le seul obstacle qui se dresse entre lui et le titre de champion intérimaire de la division des poids plumes.

« C’est sur cette prémisse que j’ai bâti mon camp. On est maintenant rendu au point où tout le monde devra se mettre d’accord et admettre que je suis l’homme à battre, le meilleur combattant sur cette planète », clame avec une confiance débordante l’athlète de 25 ans.

Holloway a ceci d’inspirant qu’il carbure au positivisme. Dans un sport où plusieurs cherchent un raccourci vers le sommet et jalousent les privilèges accordés à leurs concurrents, le jeune vétéran avance sans s’encombrer d’amertume et de desseins empoisonnés.

Par exemple, Holloway a confirmé mercredi que son gérant avait récemment reçu un appel de l’UFC pour lui offrir un combat contre le Coréen Doo Ho Choi en finale d’un gala à Portland. L’Américain aurait eu toutes les raisons de se sentir insulté qu’on pense à lui pour affronter un rival qui compte seulement trois combats d’expérience en ligue majeure. Mais il dit avoir accepté sur le champ.

« Si vous voulez prouvez que vous êtes le meilleur au monde, pourquoi passeriez-vous votre temps à pleurnicher? Arrêtez de vous plaindre et de chialer pour tout et rien! »

Armé de la même mentalité, Holloway ne perd pas de temps à essayer de comprendre la décision abracadabrante de l’UFC de dépouiller McGregor de son titre, de le remettre à José Aldo et d’organiser un combat éliminatoire pour connaître l’identité du prochain aspirant.

« Je n’ai pas de temps à perdre à critiquer le système. J’ai Anthony Pettis devant moi, un ancien champion. Sa face est sur les boîtes de céréales, son nom fait parler depuis longtemps. Il a ce que je veux et j’ai bien l’intention de lui prendre. »

Légèreté et rapidité

Pettis a peut-être un nom, mais dans la division des poids plumes, c’est encore un petit nouveau. Après avoir subi trois défaites successives chez les légers, la division sur laquelle il a jadis régné, « Showtime »  a décidé de poursuivre sa carrière avec quelques kilos en moins. À son premier combat à 145 livres, il a disposé du Brésilien Charles Oliveira en lui passant une soumission au troisième round.

Le résultat final avait été positif, mais Pettis avait dit ressentir les effets d’une coupe de poids plus exigeante.

« J’ai manqué de jus contre Oliveira, a admis l’ancien champion. Je croyais que j’étais sur le point de l’achever, j’ai vu ses yeux rouler dans sa tête, je me suis excité et je me suis brûlé. Ça ne m’était jamais arrivé avant. Sur le moment, j’ai dû apprendre à le gérer et pendant mon camp d’entraînement, je me suis assuré que ça n’arrivera plus. »

Holloway, qui compte lui aussi Oliveira parmi ses victimes, dit ne pas accorder trop d’importance à la performance rendue par Pettis à ses débuts chez les poids plumes.

« Ça serait stupide de ma part de le juger sur ce combat parce que dix livres de plus à couper quand on a été si longtemps dans une autre division, c’est énorme. Et à la fin, il a fait ce qu’il avait à faire. »

Avec une préparation mieux adaptée à sa nouvelle réalité, Pettis croit que Holloway représente l’adversaire idéal pour lui permettre de démontrer toute l’étendue de son talent. Il sait qu’on ne tentera pas de l’amener au sol – c’est le mot qui s’était passé chez les légers – et il est confiant qu’il ne figera pas comme il l’a fait contre Edson Barbosa, un opposant qu’il croyait taillé sur mesure pour lui.

« Max fait plusieurs trucs que je fais aussi. J’ai regardé ses combats et on peut voir qu’il a regardé les miens. Ses réactions dans certaines situations sont semblables aux miennes. C’est facile d’établir un plan de match contre un combattant comme lui parce que je sais ce qu’il recherche, je sais ce qu’il tente de faire et je sais exactement ce qui résultera de chacune de ses actions. »

Sa réplique à Pettis, Holloway l’a déjà donnée au jeune partisan avec qui il a lacé les gants.

« Il m’a dit que j’étais rapide comme l’éclair. Je lui ai répondu que Pettis allait dire exactement la même chose samedi soir. »