MONTRÉAL – Georges St-Pierre partage son temps entre la clinique et les plateaux de Hollywood, se plaisant à laisser planer le doute sur son avenir. Ivan Menjivar vient de se faire mettre à la porte du UFC.

D’anciens coéquipiers, comme Jonathan Goulet, ont pris leur retraite depuis belle lurette. Certains de ses plus féroces adversaires – qui a oublié son combat contre Mark Hominick? - ont déjà passé à autre chose.

Les visages changent autour de lui, mais Yves Jabouin est encore là.

À 35 ans, Jabouin voit bien qu’une page est tranquillement en train de se tourner dans le monde des arts martiaux mixtes canadiens. Un à un, les pionniers qui ont aidé à mettre le sport au monde au nord de la frontière américaine quittent la scène. Son tour viendra bien assez vite.

« C’est comme le cycle de la vie. On commence tous à quelque part et vient un temps où il faut savoir quand se retirer », observait sereinement le combattant d’origine haïtienne au cours d’un récent entretien avec RDS.

Jabouin fait partie des meubles au Tristar Gym de Montréal. Les jeunes lui accordent le respect que commandent ses accomplissements et c’est avec plaisir qu’il leur retourne l’ascenseur en prodiguant ses conseils aux plus assoiffés de savoir. « C’est une sagesse qui vient avec l’âge, dit-il, mais pas besoin d’attendre d’être rendu pépère pour en faire profiter les autres! »

« Parfois, il y en a qui sont découragés et je leur explique mon cheminement. Il n’y a pas d’affaire à se décourager. Tu peux vivre un échec aujourd’hui et demain, être une superstar. Tu ne sais jamais où ce sport peut te mener. »

Mais aussi impressionné puisse-t-il être par la qualité de la relève qui pousse derrière lui, le vieux félin n’est pas encore prêt à laisser sa place. À quelques jours de son combat contre Mike Easton au UFC 174, Jabouin sent qu’il peut encore faire un bout de chemin avant de céder le parquet à la nouvelle génération.

« Je pense que j’arrive au sommet de ma forme physique. Je vois plus de carrés sur mon ventre que dans ma jeunesse!, jure-t-il en exhibant un large sourire. J’en ai encore dedans, alors présentement, je prends les choses un combat à la fois. Dans ce domaine, on ne sait jamais. Le futur, c’est dur à déterminer. »

Une percée dans le top-10

« Tiger », dont la fiche professionnelle inclut 28 combats, s’est imposé une limite. Peu importe ce que l’avenir lui réserve, il s’est toujours dit qu’il ne serait pas ce gars qui traîne encore dans la cage à 40 ans.

Mais un regard objectif à sa situation laisse deviner que la fin se pointera bien avant l’arrivée de la quarantaine si Jabouin poursuit dans la même voie. Après avoir vogué sur une séquence de trois victoires, le Montréalais ne l’a pas eu facile à ses trois dernières sorties.

Yves Jabouin et Eddie WinelandAssommé par un uppercut de Brad Pickett il y a deux ans en Angleterre, il a ensuite été favorisé par une décision serrée des juges contre Dustin Pague, un jeune Américain qui a perdu cinq de ses six combats au UFC. Puis en janvier dernier, Jabouin est arrivé deuxième au terme d’une guerre ouverte contre le dangereux Eddie Wineland.

Et rien ne laisse présager que ce sera plus facile samedi soir à Vancouver.

Le récent parcours d’Easton (13-4) est trompeur. Dans les faits, cet énergique cogneur n’a pas goûté à la victoire depuis deux ans, mais sa disette peut être interprétée différemment. Son dernier tombeur est T.J. Dillashaw, qui a depuis été couronné roi de la division des poids coqs grâce à une performance absolument parfaite contre un champion qu’on croyait invincible. Auparavant, Easton s’était incliné devant Pickett et Raphael Assuncao, le seul à avoir battu Dillashaw depuis presque trois ans.

« C’est vraiment un gars tough, approuve Jabouin, conscient de la taille du défi qui l’attend. Il ne porte pas le surnom de Hulk pour rien. Avec lui, il ne faut pas s’embarquer dans un combat physique, parce qu’il est l’un des phénomènes les plus forts à 135 livres. J’imagine un combat assez serré, mais je pense que ma vitesse et mon expérience me permettront d’avoir le dessus. »

Malgré sa récente série d’insuccès, Easton demeure avantageusement positionné dans les classements du UFC, une hiérarchie établie par un groupe de journalistes choisis par l’organisation. En date du 2 juin, son nom venait au huitième rang de cet état des forces, ce qui en fait une cible idéale pour Jabouin.

« Mon but, c’est de finalement briser ce mur qui m’empêche d’entrer dans le top-10 et Easton est le gars qui peut me permettre d’y arriver. »

Ambitieux comme objectif? Peut-être. Mais souvenez-vous : « tu peux vivre un échec aujourd’hui et demain, être une superstar », a déjà dit un grand sage.