QUÉBEC - Il faudra attendre encore un peu avant de comprendre exactement ce qui s'est passé dans les derniers mois de la vie de Nordine Taleb. Pour l'instant, le Montréalais d'origine française est à Québec, prêt pour le premier combat de sa carrière au UFC, et c'est tout ce qui lui importe.

Taleb a fait partie de l'équipe canadienne qui a dominé celle de l'Australie lors du tournoi télévisé The Ultimate Fighter Nations, qui connaîtra son dénouement final mercredi soir au Colisée Pepsi. Mais son apport au succès de son pays a été modeste. Sélectionné par son entraîneur Patrick Côté pour affronter le jeune Tyler Manawaroa en quarts de finale, il s'est cassé un pied et s'est éventuellement incliné par décision unanime.

Quelques semaines après son élimination, alors que sa tronche était toujours visible au petit écran, le nom de Taleb est apparu sur la liste des concurrents pour une autre saison de TUF. Il y avait de quoi froncer les sourcils : rares sont les combattants qui ont bénéficié d'une deuxième chance d'accéder aux ligues majeures par le biais de la téléréalité. D'aligner deux participations aussi rapprochées, c'était du jamais-vu.

Le premier épisode de cette intrigante mouture, qui opposera les entraîneurs B.J. Penn et Frankie Edgar, sera diffusé mercredi soir immédiatement après la conclusion du gala québécois.

« Je vais donc être le premier à me battre deux fois dans la même soirée! », s'exclamait Taleb, qui était d'une humeur à tout casser à son arrivée dans la capitale fondée par ses ancêtres.

« Comme on dit, 'the sky is the limit', enfile-t-il dans son accent métissé. Quand on veut quelque chose très fort et qu'on travaille tout aussi fort, on finit par l'obtenir. On me pose beaucoup de questions sur ce qui m'est arrivé. Bientôt, tout le monde aura sa réponse. »

Le bec cloué avec le marteau de la confidentialité, Taleb se contente de dévoiler qu'il a offert deux bonnes performances lors de sa deuxième expérience télévisuelle. Sa présence à Québec, avant même la diffusion de ses exploits, laisse toutefois sous-entendre qu'il n'est pas plus parvenu à atteindre l'étape finale.

« Je suis ici avec un contrat du UFC, alors je ne crois pas que ce soit une mauvaise nouvelle », rétorque-t-il en riant.

Une dette envers Estephan

En 2011, alors que sa carrière n'allait nulle part, Taleb est tombé dans l'oeil de l'homme d'affaires montréalais Camille Estephan. Figure bien connue du milieu de la boxe, le président d'Eye Of The Tiger Management, qui gère notamment les carrières de David Lemieux, Antonin Décarie, Bermane Stiverne et Dierry Jean, a fait une place à un premier combattant d'arts martiaux mixtes dans son écurie.

Peu de temps après le début de leur union, Estephan a trouvé un premier combat d'envergure à son nouveau poulain. Taleb est allé battre le vétéran du UFC Pete Sell au New Jersey dans un combat de championnat de l'organisation Ring of Combat. La victoire a donné au gérant des arguments pour aller cogner aux portes de Bellator, qui a ouvert ses portes à Taleb pour trois combats.

« Camille m'a bien fait avancer, j'ai des souvenirs très chaleureux de notre association, relate Taleb, reconnaissant. Il a fallu qu'il se réinvente pour moi. Négocier pour le MMA et la boxe, c'est complètement différent et éventuellement, il m'a fait comprendre qu'il n'était pas très à l'aise dans ce monde. Mais il m'a promis qu'il serait toujours là pour moi. »

Le membre de la talentueuse équipe du gym Tristar a connu sa part de succès au Bellator. En remportant ses deux premiers combats dans un intervalle d'un mois, il a mérité une invitation pour un important tournoi de mi-moyens, mais s'est incliné dès la première ronde face à l'expérimenté Marius Zaromskis.

« Quand j'ai joint Bellator, j'avais déjà 30 ans et c'était la galère pour me trouver des combats. C'était une organisation de qualité pour moi, c'était bien, mais quand j'en parlais aux gens, ils étaient déçus que je ne sois pas au UFC. Alors un jour je me suis assis et je me suis posé la question. 'Est-ce que c'est vrai? Est-ce que ce n'est pas assez?' »

Un courriel de Joe Silva

Âgé de 32 ans, Taleb croyait que tout était fini après sa défaite surprise contre Manawaroa. Il était prêt à accrocher les gants, résigné et somme toute heureux d'avoir tout donné pour tenter de réaliser son rêve. La vie, se disait-il, avait sûrement d'autres plans pour lui.

L'hiver n'en finissait plus de sévir lorsque son coeur a été réchauffé par un rayon de soleil inattendu. Dans sa boîte aux lettres virtuelle, un bon matin, un message de Joe Silva, l'architecte des nombreuses cartes du UFC. Ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose.

« Je sais que ces gens-là n'ont pas de temps à perdre, je sais comment le business fonctionne. Dès que j'ai vu le titre du mail, j'ai compris qu'ils me voulaient. »

« Mon estomac s'est serré et je n'ai même pas pu finir mon déjeuner. Je n'en croyais pas mes yeux. »

Mercredi, Taleb (8-2) affrontera Vik Grujic (6-2), un porte-couleur de l'Australie qu'il a appris à connaître dans la maison des Laurentides qui a accueilli les représentants des deux nations cet hiver. Le sympathique cousin croit qu'il jouera son « avenir sportif » avec ce combat, mais ne lui parlez pas de pression.

« C'est l'acheminement de tout ce que j'ai fait dans le passé. Ce sont mes dix années d'entraînement, de sueur, de sang, de ne pas avoir d'argent. Autant de difficultés que tous les combattants rencontrent à leurs débuts, quoi! Pour moi, c'est vraiment un rêve d'en être arrivé là. »