MONTRÉAL – Renan Barao était un véritable monstre et T.J. Dillashaw l’un des plus grands négligés de l’histoire de l’UFC lorsque les deux combattants ont été confrontés pour la première fois, en mai dernier.

Dillashaw aurait eu toutes les raisons de trembler de peur lorsqu’il a franchi la porte de l’octogone pour se frotter à l’indestructible Brésilien, qui à l’époque n’avait pas subi la défaite à ses 33 combats précédents. La suite est bien connue : l’aspirant a ridiculisé le champion, exposant des carences insoupçonnées et levant le voile sur une vulnérabilité jusque-là impensable.  

Mais malgré l’ampleur de la surprise qu’il a causée ce soir-là, jamais T.J. Dillashaw n’a été plus nerveux que le jour où Barao ne s’est pas présenté à leur deuxième rendez-vous. En effet, à 24 heures du combat revanche prévu à Sacramento, la ville d’adoption du nouveau roi de la division des poids coqs, Barao est tombé malade en tentant de retrancher les derniers kilos l’empêchant de respecter la limite de poids et a dû déclarer forfait.

Sans préavis, Dillashaw fut placé devant des adversaires pour lesquels il n’était pas préparé : l’incertitude, le doute, le chaos. Sa routine fut brisée et des compromis exigés. L’UFC lui trouva rapidement un nouvel adversaire, un relatif inconnu du nom de Joe Soto. Peu importe sa décision, il serait désormais celui qui devrait vivre avec la pression.

« Soudainement, je n’avais plus rien à gagner et tout à perdre, évoquait Dillashaw lors d’un passage éclair à Montréal cette semaine. C’est la chose la plus folle qui me soit arrivée et ce fut très lourd à supporter. Non seulement j’ai dû rester debout jusqu’à 2 h du matin pour filmer, dans mon garage, du contenu promotionnel pour le nouveau combat, mais j’ai dû complètement modifier mon plan de match. Penser à tout ça tout en m’assurant de me réhydrater adéquatement, ça a été assez dur sur les nerfs. »

Incapable de mettre de l’ordre dans ses idées, Dillashaw est allé chercher de l’aide. Pour la première fois de sa carrière, il a fait appel aux services d’un psychologue sportif.

« J’ai toujours été un compétiteur très solide mentalement, mais ce soir-là, c’en était trop. J’avais besoin de quelqu’un pour m’aider à me calmer, pour me recentrer vers la tâche qui m’attendait. Je devais sauver un gala à moi tout seul et j’avais une réputation à maintenir. J’ai dû me concentrer sur tout le positif qui pouvait ressortir de cette situation négative. »

Ça a fonctionné. Dillashaw s’est calmé, a retrouvé ses esprits et a éventuellement disposé de Soto de la même façon qu’il avait battu Barao la première fois, en lui passant le K.-O. au cinquième round.

Et pourquoi parle-t-il de tout ça aujourd’hui, deux mois avant la présentation de l’UFC 186 au Centre Bell, la deuxième date réservée pour le combat revanche contre le « Baron »? « Je suis persuadé que cette histoire a fait de moi un meilleur combattant », lance Dillashaw sur le ton confiant qui ne le quitte jamais.  

Si c’est réellement le cas, ça n’augure vraiment pas bien pour Renan Barao.

Le sixième round

Dillashaw pourrait entretenir une certaine rancune envers Barao. Il pourrait trouver qu’il n’est pas digne de remettre la main sur son ancienne ceinture, pas encore. Mais le Californien de 29 ans n’est pas aveugle. Il voit bien que dans le contexte actuel, les options potables ne courent pas les rues.

« Il mérite sa chance parce que Dominick (Cruz) est blessé, (Raphael) Assuncao aussi et que je n’ai pas l’intention de me battre avec Urijah (Faber, son coéquipier), observe le membre de Team Alpha Male. Il a été dominant pendant une décennie et il est toujours un grand athlète. Ce n’est pas parce que je l’ai dominé dans le premier combat qu’il n’est plus bon. Par contre, j’entends bien me débarrasser de lui encore plus vite la prochaine fois. Je serai dans sa face dès que la cloche sonnera, je reprendrai exactement où j’ai laissé. Pour moi, ça sera le début du sixième round. »

Dillashaw voit Barao dans sa soupe, une obsession qui frise maintenant l’indigestion. Depuis un an, toute sa préparation est axée vers ce seul et unique adversaire. Aussi bien en rire, mais il a hâte de passer à autre chose.

« Oui, c’est mon troisième camp d’entraînement pour ce gars-là, j’ai l’impression de me préparer pour lui depuis toujours! Mais ça rend mon travail beaucoup plus facile. Je ne laisserai rien au hasard pour ce combat, comme je l’ai fait pour tous mes combats précédents. On verra bien ce qu’il aura changé de son côté, mais je serai prêt. »

Dillashaw passera une partie de son camp près des siens, dans le berceau de Team Alpha Male à Sacramento, mais s’installera aussi temporairement au Colorado, où son entraîneur Duane Ludwig, un ancien combattant du UFC, a ouvert son propre gymnase après un bref séjour en Californie.

« Il ne me reste qu’à espérer qu’il fasse le poids cette fois, ou au moins qu’il reste en santé. Je ne veux pas avoir à prendre une décision inattendue pour la deuxième fois. Je veux le battre et le laisser derrière moi pour toujours. »