Debout dans le fond du pub McLean’s rempli à pleine capacité, j’attendais comme tout le monde le combat de GSP.

Une victoire remise en question

Deux heures à peine après la défaite de 1-0 du Canadien aux mains des Rangers d’Alain Vigneault, les questions sur les ennuis du Tricolore ont été remplacées par les questions reliées au combat qui approchait.

Qu’ils soient fans finis et connaisseurs de UFC, qu’ils soient simplement fans de GSP, les spectateurs qui enfilaient une dernière bouchée de nachos ou de burger entre deux gorgées de bière partageaient tous un seul et même sentiment : l’inquiétude.

Parce que Johny Hendricks faisait peur aux sens propre et figuré, les fans étaient unanimes : le combat qui s’annonçait serait tout sauf facile. Pas question d’anticiper un couronnement tranquille. Surtout qu’il n’y a jamais rien de très tranquille dans l’octogone.

L’inquiétude était donc de mise.

Et le combat a donné raison à tous ceux qui craignaient le duel.

Comme il fallait s’y attendre, Hendricks a tenté un grand coup d’éclat dès les premières secondes du combat. Capable d’asséner des taloches retentissantes et dévastatrices, Hendricks a visé la tête de GSP. Je ne sais pas si c’est GSP qui a esquivé ou Hendricks qui est passé dans le beurre – peut-être une combinaison des deux – mais la droite n’a pas connecté. Une chance. St-Pierre a suivi en prenant le contrôle du premier assaut.

Pas le plein contrôle, mais pas loin.

Deuxième round dévastateur

Le soulagement a été de courte durée.

Car au deuxième round, Hendricks n’a pas raté son coup. Que non! Il a envoyé GSP dans les bonbons mélangés. St-Pierre se battait. En fait non, il se défendait. Mais on le sentait absent. Ailleurs. Plus près de la commotion que de cette confiance pourtant inébranlable et de cette belle lucidité qui l’habitent normalement.

Dur le deuxième round? C’est un euphémisme.

Les marques au visage que St-Pierre a ensuite traînées pour la durée du combat, des marques qu’il traîne encore ce matin et qu’il traînera encore quelques jours en ont fait la preuve par 1000.

St-Pierre aurait pu s’écrouler. Et je vous dirais bien honnêtement que je m’attendais alors à pareil dénouement. Plus le deuxième round avançait, plus je croyais que ce serait le dernier.

Eh bien non!

À cause du courage, de la force, de la folie à laquelle carburent les gladiateurs lorsqu’ils mettent les pieds dans l’octogone, GSP a tenu le coup.

Hendricks a sa part de blâme à assumer également. Il avait GSP à sa merci. Il aurait donc dû redoubler d’efforts pour s’assurer que ce soit vraiment le dernier.

Il ne l’a pas fait.

St-Pierre est donc revenu pour le troisième round. Contrairement à ce qu’il venait de faire, GSP ne s’est pas seulement défendu au troisième. Il est passé à l’attaque par moments.

Il a ravivé les espoirs.

Excès de confiance

Cet éveil de GSP aurait également dû faire naître un doute dans la tête de Hendricks. Ce n’est pas arrivé.

Et c’est là que le duel s’est joué selon moi.

St-Pierre toujours champion

Hendricks a maintenu le contrôle. Mais pas assez. Il a esquivé les coups, ceux de St-Pierre qui l’ont atteint n’ont pas semblé l’incommoder. Pas même le déranger.

Pendant que St-Pierre, le visage tuméfié, semblait à bout de ressources, qu’il peinait pour défendre sa place dans l’octogone, sa place dans l’histoire et sa ceinture, Hendricks, sourire aux lèvres, semblait au-dessus de ses affaires.

Erreur! Grossière erreur!

Je ne suis pas un juge accrédité par le UFC. Je n’ai pas même la prétention d’être un connaisseur de ces combats.

Mais même si Hendricks se contentait de trop peu, je l’avais en avant sur ma carte. Il est clair qu’il se sentait en avant aussi. Que les gars qui l’épaulaient dans son coin l’avaient en avant également.

Car Hendricks s’est contenté de laisser le temps filer. De surfer sur sa domination totale du deuxième assaut.

St-Pierre ne l’a pas ébranlé. Mais en puisant dans ses réserves, il l’a projeté au sol une fois, deux fois, trois fois. La dernière projection, au cinquième et dernier assaut, a convaincu les juges.

St-Pierre a gagné. Il a défendu sa ceinture. Il a défendu son titre.

« Les juges ont mal fait leur travail » D. White

Mais a-t-il vraiment gagné? A-t-il plutôt perdu? A-t-il bénéficié d’un vol pur et simple comme l’a prétendu Johny Hendricks avec la bénédiction du grand manitou Dana White qui a vertement dénoncé cette décision?

Je ne suis pas prêt à crier au vol.

Ça non!

Mais je suis d’avis que Hendricks a gagné. En fait non. Que GSP a perdu. La nuance est subtile, mais elle est là.

GSP a été dominé samedi. C’était visible à l’œil nu. À l’œil d’un profane autant qu’à l’œil d’un connaisseur.

Mais GSP étant champion, et surtout un champion adulé, respecté, peut-être un peu chouchouté, Hendricks ne pouvait se contenter de croire qu’il avait gagné. De laisser planer l’impression qu’il avait gagné.

Il devait le confirmer. Il devait chasser tous les doutes. Il l’a fait diront certains. Et je suis d’accord avec eux.

Mais il ne l’a pas fait assez.

En se contentant de sourire pour démontrer qu’il était frais comme une rose même s’il se rendait à un cinquième assaut pour la toute première fois de sa carrière, Hendricks n’a pas soufflé tous les doutes.

Et c’est pour ça qu’il a peut-être officieusement gagné, mais qu’officiellement, il a perdu.

Et c’est aussi pour ça que je refuse de suivre ceux qui crient au vol.

Retraite?

Plus que la victoire contestable et contestée de St-Pierre, c’est l’annonce qu’il s’offrait une pause pour des raisons personnelles qui a secoué plus encore ses partisans.

Et le UFC au grand complet.

Est-ce que GSP avait toute sa tête lorsqu’il a effectué cette annonce? Est-ce que les contrecoups des cinq assauts qu’il venait de disputer et les signes évidents de commotion qu’il avait subie l’ont empêché d’endiguer les débordements d’émotions? Plusieurs croient que oui.

On verra donc si St-Pierre, une fois ses marques au visage disparues et ses séquelles au cerveau contenues, maintiendra sa décision de ranger ses gants pour un moment.

Une chose est claire. S’il s’est présenté dans l’octogone samedi soir alors qu’il était miné par des ennuis personnels, on peut comprendre pourquoi St-Pierre a peiné davantage que plusieurs l’anticipaient face à Hendricks. Qu’il a peut-être même perdu.

Et s’il est miné par des ennuis personnels, St-Pierre doit rester loin de l’octogone.

Car avec les risques de blessures graves et de dommages permanents qui guettent les gladiateurs lorsqu’ils montent dans l’octogone, GSP doit s’assurer d’avoir une seule chose en tête lorsqu’il se bat. Pas deux, pas cinq, pas dix.

Ça ne veut pas dire qu’il n’y reviendra jamais.

Ça non! GSP est d’ailleurs revenu plus fort que jamais malgré une longue absence attribuable à la grave blessure au genou qui l’a gardé sur la touche il y a quelques années.

On ne peut toutefois que souhaiter que GSP reviendra dans l’octogone quand ce sera le temps et pas avant. Et surtout qu’il reviendra pour les bonnes raisons.

L’ennui, c’est qu’en gagnant d’une façon aussi peu convaincante qu’il l’a fait samedi, GSP pourrait être tenté de revenir trop vite pour s’offrir l’occasion de gagner sans appel et de prendre alors sa retraite en pleine gloire.

Espérons que sa lucidité aura alors le dessus sur ces émotions et qu’il évitera ce piège duquel il pourrait avoir bien de la difficulté à s’échapper.