BROOKLYN, New York – À la seconde où le projectile a atteint sa joue droite, Joanna Jedrzejczyk a plié les genoux. Rapidement, on a compris que les dommages seraient irréversibles. Quelques secondes plus tard, recroquevillée et résignée, la Polonaise abandonnait.

Pour un crochet de la gauche, c’en était tout un. La perfection condensée dans cinq jointures. Mais il serait réducteur de résumer la plus récente victoire de Rose Namajunas, celle qui lui a permis de devenir la nouvelle reine de la division des poids pailles de l’UFC, à un seul coup de poing.

Le combat n’était même pas vieux d’une minute quand Namajunas avait placé un solide jab sous l’œil droit de la championne. Celle-ci avait ri jaune. C’était le genre de coup qu’elle était habituée de donner, pas de recevoir.

Une minute plus tard, l’aspirante envoyait la favorite au tapis une première fois avec sa main gauche. Le temps qu’elle se relève et c’est une main droite, lancée à la fin d’une combinaison chirurgicale, qui trouvait sa mâchoire. 

La frappe finale fut spectaculaire, certes, mais pour quiconque s’y attarde moindrement attentivement, la victoire de Namajunas sur la précédemment invincible Jedrzejczyk n’avait rien d’un coup de chance. Pourtant, c’est une théorie que plusieurs s’activent à faire circuler à l’approche du combat revanche entre les deux dames.

« C’est peut-être parce qu’elle-même n’arrête pas de dire que ce l’était? », lançait comme hypothèse l’Américaine de 25 ans jeudi matin dans un coin du Barclays Center, où elle défendra son titre pour la première samedi soir en demi-finale de l’UFC 223.

« Elle a été dominante pendant si longtemps, j’imagine que ses accomplissements du passé lui procurent une certaine crédibilité. Lorsqu’elle parle, les gens écoutent et la croient. Joanna a encore beaucoup de supporteurs, tu sais. Mais tout ça, ça ne me dérange pas. »

En fait, y a-t-il vraiment quelque chose qui affecte « Thug Rose »?  Dans le chaos des activités de promotion organisées par l’UFC, la blonde au crâne rasé détonne. Entourée de mâles alpha en quête d’attention, prise à partie par une adversaire revancharde, sifflée et chahutée par des partisans drogués à la testostérone, elle regarde droit devant, imperturbable.

« Les gens qui me connaissent savent que je suis une sorte d’ermite, une solitaire. J’aime cultiver mon petit jardin secret. J’ai aussi un côté plus extroverti, j’aime garder un certain équilibre. Mais si les autres veulent que les caméras soient braquées vers eux, je leur laisse. »

Dans l’UFC, ce n’est pas ainsi qu’agissent les bons champions. Mais Rose Namajunas n’a pas envie de jouer. En conférence de presse, elle opte pour le coton ouaté et laisse à ses consoeurs le plaisir de défiler en robe moulante. Aux longues menaces préfabriquées, elle préfère les réponses courtes, mais sincères. L’apparence et les beaux discours, ce n’est pas vraiment son truc.

Ça vous fait rire? Ça vous agace? C’est votre problème, pas le sien.

« Ronda Rousey m’a déjà dit qu’il y avait trois sortes de champions : le capitaliste, le bâtisseur et le bouddhiste. Le capitaliste, bien sûr, est celui qui veut monnayer le plus possible son titre. Le bâtisseur se soucie de l’héritage qu’il laissera derrière lui. Il veut défendre son titre le plus souvent possible et être considéré parmi les meilleurs combattants livre pour livre, des choses du genre. »

« Personnellement, je me sens comme une championne bouddhiste, estime Namajunas, parce que je priorise le moment présent et que je place les expériences que je vis au-dessus de tout le reste. La ceinture ne définit pas la personne que je suis. Peu importe ce que l’avenir me réserve, je serai toujours ‘Thug Rose’. Mon but est de changer le monde et si la ceinture veut m’accompagner dans cette aventure, tant mieux! Sinon, ça ne change rien à mon destin. »

La mentalité peu orthodoxe de Namajunas ne doit pas être interprétée comme un désintéressement envers la décoration sur laquelle sont allées choir ses larmes le 4 novembre dernier. Elle croit fermement qu’elle est la meilleure combattante au monde dans sa catégorie de poids et elle a l’intention de le prouver samedi soir.

C’est pourquoi elle a décidé d’accorder une revanche immédiate à Jedrzejczyk plutôt que d’envisager des options moins risquées.

« À un certain moment, j’ai cru que j’affronterais la gagnante du combat entre Jessica [Andrade] et Tecia [Torres], mais Joanna a émis le souhait d’obtenir une revanche et au final, je souhaitais mettre les choses au clair une fois pour toutes. Je veux voir qui est la meilleure. Elle prétend qu’elle n’était pas au meilleur de sa forme la première fois, alors allons-y de nouveau. C’est un défi que j’ai le goût de relever. »