MONTRÉAL – Valérie Létourneau ne peut qu’espérer que son deuxième passage au UFC sera plus reluisant que le premier.

Comment? Vous ne saviez pas qu’une Québécoise avait déjà goûté aux grandes ligues des arts martiaux mixtes?

Chanceux. Elle-même préférerait l’oublier.

Au printemps 2013, Létourneau, une Montréalaise qui avait alors sept combats professionnels à sa feuille de route, sortait de l’anonymat en obtenant sa place au sein d’un groupe de 16 participantes à la première version féminine de l’émission de téléréalité The Ultimate Fighter. Selon le concept habituel, elle avait besoin d’une victoire lors du premier épisode de la saison pour ensuite être sélectionnée sur l’une des deux équipes dirigées par Ronda Rousey et Miesha Tate.

Une chance en or, mais dans un contexte qui lui était hostile.  

«  Je n’aime pas les caméras, je déteste faire des entrevues en anglais et je n’avais jamais été entourée d’autant de filles auparavant. Et plus, l’idée de m’éloigner trop longtemps de ma fille me faisait capoter. Je ne m’en allais vraiment pas dans mon environnement. Ça a joué sur mon moral avant le combat », racontait cette semaine la combattante de 31 ans en entrevue à RDS.

Ça a paru. À sa première occasion d’impressionner Dana White, Létourneau a complètement raté son coup. La tête ailleurs, elle s’est rapidement retrouvée dans une prise d’étranglement de Roxanne Modafferi, une fille qui avait perdu ses cinq combats précédents.

Confrontée à l’échec, ses larmes sont venues rejoindre sur son visage la sueur versée en vain quelques secondes après son abandon.

« Je sais que c’est une belle opportunité que j’ai manquée et je m’en suis voulu, tu ne peux pas savoir. C’était la pire place pour mal paraître. Une contre-performance comme ça, quand tous les yeux sont sur toi, quand c’est ton contact pour entrer au UFC... J’étais vraiment déçue de moi », se remémore Létourneau sur un ton empreint de remords.  

Changement de décor

Plutôt que de la décourager, la défaite l’a convaincue d’opérer un changement auquel elle réfléchissait déjà depuis un certain temps.

Les histoires d’athlètes qui déménagent au Québec pour venir faire progresser leur carrière au Tristar Gym sont nombreuses. Létourneau, elle, a fait exactement l’inverse en quittant l’équipe qui l’avait accueillie pendant dix ans. L’absence de partenaires d’entraînement adéquats – elle était pratiquement la seule femme au gymnase popularisé par Georges St-Pierre – et tous les déplacements nécessaires pour combiner la pratique de différentes disciplines l’ont menée dans une routine malsaine.

« Je n’avais vraiment pas le kick dont j’avais besoin pour me rendre au niveau où je voulais être », résume-t-elle.

Sa décision l’a menée à Coconut Creek, en Floride, sous le toit de la célèbre American Top Team. Par simple curiosité, elle y avait déjà établi des contacts lors de précédentes visites. Elle voulait maintenant faire partie de la famille.

« Ça s’est fait graduellement. Ce sont tous des athlètes de haut niveau là-bas, alors ils ne vont pas t’ouvrir la porte si facilement. Mais ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas de problème à aller m’entraîner trois fois dans une journée. Même que si personne ne m’arrête, je vais y aller une quatrième fois. J’aime ça, j’en mange autant que quand j’ai commencé il y a 15 ans. »

« Je n’ai pas l’air d’une combattante, je suis assez féminine, alors quand j’entre dans un gym, les gars ne me prennent pas toujours au sérieux. Mais quand ils voient que j’y retourne chaque jour, même si j’ai des bleus dans la face, ça ne prend pas trop de temps. J’ai vite gagné le respect. »

La carrière de Létourneau est maintenant sa priorité. Elle a abandonné son emploi au Québec et tentera d’inscrire sa fille dans une école floridienne à l’automne. Depuis cinq mois, elle s’entraîne à temps plein aux côtés d’étoiles du UFC comme Tyron Woodley, Robbie Lawler, Hector Lombard et Dustin Poirier.

« Je sais que je n’ai probablement pas dix ans en avant de moi. Je veux tout mettre ensemble et pousser au maximum. C’est ce que j’ai voulu faire toute ma vie, alors je vais donner un grand coup et ça m’amènera où ça m’amènera. Mais il fallait que je mette tous les efforts pour atteindre mon but. »

La deuxième chance

Létourneau récolte déjà les fruits de son audace. Il y a deux semaines, elle signait une victoire en seulement 34 secondes, la cinquième de sa carrière. Il s’agissait seulement de son troisième combat depuis qu’on avait pu la voir en action au Centre Bell en 2011. « J’avais hâte de me battre. La dernière année a été longue et difficile. Beaucoup d’entraînement, mais pas de combat. Il n’y a rien qui se passait. »

Elle venait à peine de retourner à l’entraînement, après quelques jours de congé, lorsqu’un appel qu’elle n’attendait pas est arrivé. Une blessure de dernière minute laissait un trou sur la carte du UFC 174, qui aura lieu le 14 juin à Vancouver. C’est elle qui a été choisie pour affronter la Russe Milana Dudieva (10-3).

Sans ne rien prendre pour acquis, Létourneau se dit prête à saisir sa deuxième chance, un peu plus d’un an après avoir loupé sa première.

« Je suis loin de me dire que la partie est gagnée. Je sais que j’ai beaucoup à prouver. Je suis contente, je vais prendre la porte ouverte, mais je m’en vais là avec l’idée qu’il faut vraiment que je fasse ma marque. »