L'annonce de l'annulation du rallye international de Charlevoix met fin à une longue saga qui dure depuis des années et qui met un terme à toutes les prétentions que pouvait avoir l'événement à un statut de niveau mondial.

L'aventure charlevoisienne a débuté à la fin des années '80 quand un petit groupe de mordus a mis sur pied une épreuve régionale qui a connu un beau succès. En quelques années, le rallye automobile Charlevoix, mieux connu sous le vocable RAC, a gravi les échelons de la popularité pour devenir l'Événement de la saison et l'épreuve la plus populaire au Canada. On se ruait par milliers le long des routes entourant La Malbaie et Baie St-Paul. Les spéciales du Manoir Richelieu, des Collines, de Saint-Hilarion ou dans La célèbre Pax étaient devenues des hauts lieux de rencontre des amateurs en automne. Le format sur deux jours, offrant des routes asphaltées et gravelées, était fort apprécié.

Mais les temps ont changé dès le moment où la quête du statut WRC est devenu le leitmotiv de l'organisation. Il a fallu se confiner aux routes de terre et par conséquent agrandir le territoire, se plier aux normes FIA qui dénaturaient l'épreuve que tous avaient tant appréciée et mettre sur pied une organisation renouvelée qui avait tout à apprendre. Un lourd fardeau qui a fini par couler le bateau au lieu d'être sa bouée de sauvetage.

En quelques années, le RAC est devenu boiteux. De 70 inscrits, il est passé à moins de 30. De trois jours de plaisir anticipé, les compétiteurs devaient souquer presque une semaine. La lourdeur de l'événement et le manque de rigueur des organisateurs auront éloigné les compétiteurs et entraîné l'événement dans la tourmente. L'annulation récente devient un baume sur une plaie qui ne semblait jamais guérir.

Le retrait du Rallye de Québec est par ailleurs des plus navrant. Inscrit dans le cadre du Carnaval, cet événement était rapidement devenu le clou de la saison hivernale avec les spéciales de l'Hippodrome. Depuis deux ans, l'organisation avait adopté le format international et servait de relève à l'épreuve de Charlevoix au cas où la FIA tranche en faveur du Canada et lui octroie une épreuve hivernale. C'est pourtant le Mexique qui a mérité la palme en se voyant incorporé au calendrier WRC dès 2004.

Ce sont toutefois des décisions administratives qui auront coulé l'événement. Sorti du carcan promotionnel que lui imposait le Carnaval, l'événement n'a pas trouvé preneur en terme de commanditaire majeur. Pire, des administrateurs mandatés par l'organisation originale ont engendré des dépenses qui ont rapidement fait crouler l'épreuve. Il a donc été décidé de ne pas inscrire le Rallye de Québec au calendrier de CARS en 2004.

Le Québec perd donc coup sur coup deux des cinq épreuves qui représentaient l'épine dorsale du rallye canadien. Les deux fers de lance qui avaient eu l'audace de prétendre à des visées internationales et qui sont tombés au combat. Charlevoix, qui avait pourtant les coudées franches, n'a pas su rassembler une équipe de qualité pouvant faire pencher la balance en sa faveur. Québec, fort d'une équipe plus sérieuse, a versé dans la facilité et fait confiance à des promoteurs qui ont causé sa perte.

Le rallye canadien depuis 30 ans a survécu a bien des tempêtes, allant des pertes de commanditaires aux soubresauts de l'économie. Il vient de subir un dur coup dont il ne pourra se remettre avant quelques années. L'aventure du WRC aura beaucoup changé la discipline : elle aura fait découvrir les joies des notes de parcours, des voitures exotiques et un format d'épreuve très rigide. Elle aura aussi fait grossir les frais de participation de façon démesurée et annihiler le climat amical qui avait fait la réputation du sport.

Michel Poirier-Defoy