En 2010, les pilotes ne passeront plus à la pompe, mais iront quand même aux puits.

Après le règlement technique l'an passé, c'est le règlement sportif qui est chamboulé pour la saison 2010.

Le principal changement? L'interdiction de ravitailler lors des courses, ce qu'on n'avait pas vu en Formule Un depuis 1993.

Mais ce n'est pas tout. Heureusement.

L'idée de base d'interdire les ravitaillements provient de la FIA. La décision de mettre fin à cette pratique a été officialisée le 12 décembre 2008 lors d'une réunion du Conseil mondial.

Selon la haute instance du sport automobile, la suppression des ravitaillements avait comme but de ne plus avoir à «transporter tout le matériel nécessaire», et «inciter aussi les motoristes à trouver des solutions plus économiques en matière de consommation de carburant.» Réduction des coûts et intention technique louable.

Puis, le 19 août 2009, s'est ajoutée l'idée de disputer Q3, la dernière tranche de la séance de qualifications, avec des voitures en configuration low-fuel. Donc à l'opposé de la pratique des dernières années, qui exigeait de disputer Q3 avec la quantité d'essence à bord suffisante pour effectuer le premier relais en course. Et qui donnait parfois de curieux résultats, lorsqu'une voiture moins performante roulait avec peu d'essence à bord pour se placer artificiellement à l'avant de la grille de départ.

Enfin!, se sont exclamés les puristes. En Q3, nous allons voir un véritable affrontement entre les 10 meilleurs. Et nous saurons qui est le plus rapide et mérite véritablement de partir de la position de tête.

Grave erreur?


Oui, cela redonne de la valeur à la séance de qualification qui retrouve sa pureté.

Mais cela risque aussi de totalement ruiner les courses!

Je vous livre l'avis de deux experts :

“Si vous avez une séance de qualifications qui place la voiture la plus rapide à l'avant de la grille et la voiture la plus lente à l'arrière, elles ne vont pas se dépasser”

- Mike Gascoyne, directeur technique Toyota, 2004

“Comment espérer des dépassements si vous placez les voitures sur la grille en ordre de performance?”

- Geoff Willis, directeur technique BAR, 2004

Énorme problème en vue.

Erreur corrigée

Heureusement, en janvier 2010, le “Sporting Working Group” (Groupe de travail sur l'aspect sportif), qui regroupe des représentants des écuries, s'est penché sur le sujet et a soumis une proposition à la FIA, qui l'a entérinée dans la version finale du règlement 2010.

L'idée : que les pilotes ayant participé à la Q3, la dernière phase des qualifications réunissant les dix voitures les plus rapides, prennent le départ de la course avec les mêmes pneus, ce qui va les desservir en début de course et ainsi contribuer à "améliorer le spectacle", de l'avis même de la FIA.

Pour bien comprendre l'étendue de cette mesure, je vous souligne que Bridgestone continuera d'offrir, en 2010, deux types de gommes à chaque Grand Prix.

Donc, pour Q3, les pilotes devront choisir : utiliser la gomme la plus tendre pour une meilleure qualification, quitte à souffrir d'une usure prématurée des pneus lors du premier relais en course, alors que la voiture partira avec 220 litres d'essence à bord.

Ou utiliser la gomme la plus dure et souffrir en qualification, dans le but d'avoir des pneus qui tiennent mieux le coup en début de course. Intéressant dilemme, n'est-ce pas?

Changement de pneus en 3 secondes

Le règlement qui force tous les pilotes à utiliser chacun des deux types de pneus au moins une fois en course a été conservé.

Les voitures passeront donc encore aux puits durant la course.

Puisqu'il n'y a plus de ravitaillement en essence, ce qui constituait l'aspect le plus lent des arrêts au cours des dernières années, le temps d'immobilisation dans les puits devrait être de 3 à 3,5 secondes!

Les mécaniciens se sont entraînés comme des forcenés au cours de l'hiver, au point de réussir à changer quatre pneus en 2 secondes. Ce qui ne pourra se faire dans l'environnement sous haute pression d'un Grand Prix.

Mais attendez-vous à voir des mécaniciens confondre vitesse et précipitation lors de certains arrêts.

Pour éviter un dérapage sur le plan financier, la FIA a interdit les dispositifs motorisés servant à soulever les voitures. De là à voir les mécaniciens conserver leurs traditionnels crics manuels, il n'y a qu'un pas qui ne respecterait pas l'inventivité des cerveaux de la F1.

Les gens de Mercedes sont ainsi arrivés en essais privés avec des crics équipés de ressorts prétendus qui agissent de manière purement mécanique, donc dans le respect du règlement.

Et les systèmes de feux indiquant aux pilotes qu'ils peuvent repartir (invention Ferrari en 2008) sont en train de se généraliser.

Accent sur le pilotage

L'interdiction du ravitaillement en course, assorti des autres mesures, mettra l'accent sur le pilotage dans son expression la plus complète.

Premièrement parce que le pilote devra gérer l'usure des pneus, l'usure des freins, la consommation d'essence.

Deuxièmement parce qu'il ne pourra disposer d'une voiture parfaitement réglée du début à la fin d'un Grand Prix. Impossible d'avoir des réglages qui fonctionnent aussi bien réservoir plein que réservoir vide. Désormais il faudra se contenter du compromis le moins pire. Ce qui poussera parfois les pilotes à commettre de petites erreurs susceptibles de créer une occasion de dépassement.

Et que dire des premiers tours de course!

Le samedi, les pilotes vont se qualifier avec une voiture ultra légère. Sans transition (puisqu'il n'y a plus de période de rodage le dimanche matin), ils vont prendre le départ avec des réservoirs pleins et des monoplaces cinq secondes plus lentes et beaucoup moins maniables. Ça risque d'être délicat!

Barème de points


L'autre changement important concerne le barème de points, qui sera désormais le suivant :

1er : 25 points

2e : 18 points

3e : 15 points

4e : 12 points

5e : 10 points

6e : 8 points

7e : 6 points

8e : 4 points

9e : 2 points

10e : 1 point

L'intention de base est de valoriser la victoire et de forcer un pilote qui roule en deuxième place à tout donner pour passer en tête, afin de récolter sept points supplémentaires.

Mais quel que soit le barème de points, il sera toujours imparfait. Le fait de donner plus de points au vainqueur peut aussi sacrer encore plus rapidement un pilote qui accumule les victoires en raison d'une voiture dominante.

Les deux derniers championnats qui auraient été modifiés par l'adoption d'un tel barème auraient été en 1999 (Eddie Irvine champion au lieu de Mika Hakkinen et ses nombreux abandons) et en 1994 (Damon Hill couronné à la place de Michael Schumacher).

Ces changements au règlement sportif 2010 vont considérablement modifier le déroulement des Grands Prix de Formule Un. Espérons qu'ils s'avéreront bénéfiques, tant pour le sport que pour le spectacle.