Frères ennemis.

Sebastian Vettel qui bataille avec son coéquipier Mark Webber, Jenson Button qui fait de même avec Lewis Hamilton : que s'est-il donc passé en Turquie?

Alors que dans le cas de l'écurie Red Bull on peut se poser des questions sur la gestion interne de l'équipe, il semble que l'épisode McLaren se limite à des pilotes très (trop) compétitifs.

Webber victime?

Au 40e tour, Vettel, qui occupe la deuxième place, porte une attaque sur le meneur Webber dans la ligne droite menant vers le virage 12, lieu privilégié pour les dépassements sur le circuit d'Istanbul.

Webber roule en plein milieu de la piste et ne dévie pas de sa trajectoire. Vettel plonge à l'intérieur, se porte à sa hauteur en soulevant beaucoup de poussière puisqu'il est hors trajectoire. Il constate qu'il aura de la difficulté à bien freiner pour le virage 12, une courbe à gauche plutôt serrée. Il se déporte donc vers sa droite, vers la trajectoire de course, mais aussi vers Webber qui est (encore) là.

Car Webber, s'il a laissé suffisamment de place à Vettel, ne va pas non plus lui simplifier la tâche. Si Vettel réussit sa manoeuvre, tant mieux pour lui. S'il loupe le virage qui arrive, tant pis pour lui. Comment accuser Webber de ne pas en faire plus alors qu'il mène la course de plein droit ?

À moins de croire que Webber se DOIT de simplifier la tâche de Vettel, se doit de “l'aider”, de lui céder le passage, donc de faire oeuvre de pilote no 2.

Pour bien comprendre ce qui s'est passé, il faut remonter au début de ce 40e tour, alors que Webber est passé en mode réduction de consommation, afin de pouvoir rallier l'arrivée avant de tomber en panne sèche.

L'Australien a en effet brûlé beaucoup de carburant pour résister à Hamilton en début de course. Il n'a pas le choix et baisse un peu la cadence, ce qui permet aussitôt à Vettel de se rapprocher et de porter son attaque.

Selon l'écurie, Vettel disposait d'un tour de plus que Webber à plein régime. Pourquoi ? Parce qu'il avait sauvé du carburant en roulant dans l'aspiration de Hamilton (1er au 13e tour) puis de Webber (16e au 40e tour). Le jeune Allemand savait donc qu'il aurait un avantage sur Webber durant le 40e tour et seulement le 40e tour. Il a tenté d'en profiter.

Ce qui était tout à fait normal d'après l'un des «grands penseurs» de l'écurie, à savoir Helmut Marko, le conseiller personnel du grand patron Dietrich Mateschitz.

Voici l'explication de Marko : Vettel se devait de dépasser Webber car il ne pouvait baisser le rythme et simplement rester derrière l'Australien, car Lewis Hamilton, en embuscade derrière les deux Red Bull, en aurait alors profité pour les passer tous les deux.

Oui, il s'agit d'un scénario vraisemblable.

Mais poursuivons cette ligne de pensée. Vettel passe Webber, Hamilton passe Webber puis, un tour plus tard, Vettel doit à son tour baisser la cadence et ne peut éviter de se faire dépasser par Hamilton !

Résultat : le classement aurait alors été Hamilton-Vettel-Webber, et non Hamilton-Webber-Vettel !

Je ne suis pas un grand amateur des théories de conspiration, mais là je me pose des questions.

L'écurie Red Bull aurait-elle envie de favoriser son jeune poulain, qui convient si bien à l'image jeunesse des petites canettes de produit énergisant ?

Et ce, aux dépens d'un pilote de 33 ans dont le contrat vient à échéance à la fin de la présente saison ? Et qui a avoué (grave erreur) être prêt à signer ailleurs ?

Alors que Dame Rumeur l'envoyait chez Ferrari en 2011, voici ce qu'il a répondu le 23 mai dernier au journal « The Mail on Sunday » sur son avenir: « Je suis très près des gens de Red Bull, nous avons véçu pas mal de choses ensemble et j'ai d'excellents rapports avec eux. Mais tout peut se produire, tout change rapidement dans ce milieu et on ne sait jamais à quoi s'attendre ». Prémonitoire ?

Hamilton surpris

Quatre tours après l'incident des Red Bull, c'est au tour des pilotes McLaren de recevoir l'ordre de réduire leur consommation d'essence. La FOM retransmet la communication radio sur l'alimentation satellite internationale : on dit à Hamilton qu'il doit sauver du carburant, et que les deux pilotes sont dans la même situation.

Hamilton baisse légèrement le rythme. Tout semble stable et l'écurie McLaren se dirige vers un doublé Hamilton-Button. On se demande même si cet ordre de préserver le carburant ne constitue pas une consigne d'équipe déguisée, à savoir intimer l'ordre aux pilotes de conserver leur position.

Oh surprise, quatre tours plus tard, voilà Button qui attaque et passe Hamilton au désormais célèbre virage 12. Hamilton, tout comme Webber, ne lui simplifie pas la tâche. Il roule en plein milieu de la piste et oblige Button à tenter une manœuvre culottée, soit prendre l'extérieur du virage 12, ce qui lui donne ensuite l'intérieur du virage 13 : il passe en tête.

Mais Hamilton réplique dans la ligne droite des puits. Button le tasse un peu (mais pas trop) contre le muret des puits, puis reprend la trajectoire normale de course. Hamilton plonge à l'intérieur, Button se dirige vers le point de corde et laisse très peu d'espace à Hamilton qui doit monter sur les vibreurs. C'est limite mais ça passe. Dès lors Button va se contenter de suivre son coéquipier.

Dès la conférence de presse télévision d'après-course, Hamilton déclare que la manœuvre de dépassement de Button était « inattendue ». De toute évidence, Button a pris sur lui de passer à l'attaque en surprenant son coéquipier. Comme si l'instinct de compétition était plus fort que tout.

Heureusement pour l'écurie McLaren, les deux pilotes ont évité l'accrochage, mais de peu. Par contre, quel spectacle!

La graine de la discorde

Après ce Grand Prix de Turquie, on peut se demander si Webber peut encore faire confiance à l'écurie Red Bull. Et si Lewis Hamilton peut encore faire confiance à Jenson Button ?

La graine de la discorde a-t-elle été semée ? Les deux écuries impliquées auront du travail à faire sur le plan relationnel.

Ces deux épisodes font suite à l'incident Ferrari au Grand Prix de Chine. Rappelez-vous Fernando Alonso qui dépasse Felipe Massa dans la ligne d'entrée des puits, poussant son coéquipier carrément hors piste.

Ferrari a rapidement « réglé » le problème. En ne disant rien, donc en approuvant le geste, la Scuderia faisait de l'Espagnol son pilote numéro 1 officiel.

Que feront Red Bull et McLaren ? Élément de réponse à Montréal