Par David Boutin, collaboration spéciale - La fin des années soixante dix annonce bien d'autres grands changements en F1. Le premier est technologique par l'avènement de deux composantes majeures soient: l'effet de sol et le moteur turbo; le deuxième: la venue de Bernie Ecclestone.

Dans le premier des cas, l'effet de sol est un concept dont les effets bénéfiques sont connus depuis longtemps mais sa mise en application la rendu jusque là inopérant de par une technologie insuffisamment avancée. En effet, profiter au maximum du flot d'air passant sous la voiture à haute vitesse permettrait, en théorie, à littéralement «plaquer» la voiture au sol lui conférant une tenue de route sans pareille tout en ne la pénalisant pas en vitesse de pointe tel que le font les ailerons.

Le turbo quant à lui, voit sa naissance à une brèche dans la règlementation des moteurs visant à permettre aux petites cylindrées de 1.5 litre d'être suralimentés. Bien qu'en place depuis les débuts du championnat du monde, cette disposition n'avait jamais attiré les motoristes depuis la fin des années cinquante. A voir les statistiques du Ford-Cosworth il pouvait sembler impossible, à prime abord, de rivaliser avec un 3 litres atmosphérique, pourtant, Renault tentera l'expérience en 1977.

L'arrivée d'Ecclestone, quant à elle, fût subtile et sans grand fracas. Tout d'abord en tant que propriétaire de l'écurie Brabham; Ecclestone fît surtout ses marques comme président de la F.O.C.A. (Formula One Constructors Association) ou aux dires de certains: l'association des équipes anglaises. Tous s'accordent pour admettre l'influence de Bernie sur la F1. Le fait que ce sport soit maintenant le plus médiatisé de la planète n'est pas étranger à la présence de l'anglais. On pourrait en débattre longtemps: Ecclestone pour la F1, bon ou mauvais? Les avis divergent selon les points de vue, mais une chose est sûre, d'aucuns ne peuvent le nier, Bernie est de loin le personnage politique le plus influent du sport automobile de ce siècle.

De retour sur la piste…

Pour les initiés de l'histoire récente de la F1, quand on pense aux années 60, 70 et 80 et aux plus incroyables innovations technologiques; à qui doit on la plupart des grandes trouvailles? La réponse ne vous est pas évidente? Quelques uns des articles de cette rubrique en font portant souvent mention…

Et oui, encore et toujours Colin Chapman, le fondateur de Lotus. Son application du concept de l'effet de sol se résume ainsi: un flot d'air se déplacant à grande vitesse et passant par une zone de contrition verra sa vitesse augmenter et sa pression diminuer. En créant ce phénomène sous la voiture on réussirait à lui donner une tenue de route inégalée. De nombreuses recherches en soufflerie amena donc Chapman à concevoir le fond de ses Lotus tel une aile d'avion inversée. Pourquoi pas? L'aile d'un avion vise à tirer vers le haut, donc on a qu' à la retourner et elle poussera vers le bas, non?

C'est ce que fît Chapman en ajoutant des «jupes» sur les côtés pour s'assurer de contenir le flot d'air au maximum sous la voiture. La première «wing car» était née.

De son côté, Renault, mît au point le moteur Turbo, premier moteur suralimenté de la F1 depuis, depuis, enfin depuis une éternité!!!! L'idée derrière le turbo est que l'on croyait maintenant posséder une façon de compresser suffisamment d'air dans les pistons pour compenser la cylindrée d'un si petit moteur (1,5 litre contre 3).

Les débuts du turbo fûrent forts difficiles. C'est au Grand Prix de Grande-Bretagne en 1977 qu'il se vit donner sa chance avec une équipe entièrement française: chassis, moteur, ingénieurs, pilote et pneumatiques. La RS01 (RS: Renault Sport), ne resta longtemps en course puisque son épopée se termina au 17e tour dans un nuage de fumée, d'eau, d'huile et d'essence. Les anglais évidemment très sceptique vis-à-vis cette nouveauté surnommèrent la RS01: «The Yellow Tea Pot» (la théière jaune).

Fait à noter, ce Grand Prix vit également les débuts du Québécois Gilles Villeneuve en Grand Prix. C'est au volant d'une McLaren M23 qu'il prit le départ; de la 9e place sur la grille il devançait Jochen Mass, pourtant un pilote régulier dans l'équipe. Pour la petite histoire, Gilles termina 11e lors de la course.

1978 fût donc l'entrée en force de l'effet de sol et du turbo, deux composantes majeures qui soulèveront tant de controverses aussi bien au niveau sportif, technique et politique. Les plus grands opposants des turbos étaient nulles autres que les motoristes anglais, Keith Duckworth, à l'origine du Ford-Cosworth, en tête de liste. Il avançait qu'il était impossible d'admettre qu'un turbo 1.5 litre était l'équivalent d'un 3 litre atmosphérique puisque la règlementation vieille de plusieurs décennies légalisait l'usage d'un compresseur et non d'un turbo.

Débat philosophique s'il en est un, il n'est cependant pas le premier, ni le dernier; doit on rappeler les récents débats sur l'assistance au pilotage ou bien à propos des suspensions hydrauliques au début des années 90 ou déjà au début des années soixantes à propos des ailerons?

Pour ce qui est des chassis «wing cars» les pilotes n'ont jamais été très chauds à leur utilisation car la plupart considéraient que cette technique rendait le comportement des voitures hautement imprévisible en courbes. Évidemment, ils conféraient un net avantage à ceux qui possédaient un bon chassis, en fait, aucun pilote ne s'est plaint dêtre plus rapide qu'un autre mais tous préfèraient de loin garder le contrôle sur leur monture.

Les confrontations directes en piste amenèrent leur lot de belles batailles avec bien-sur ce mythique Grand Prix de France 1979 à Dijon-Prenois. Remporté haut la main par Jean-Pierre Jabouille, marquant ainsi le premier triomphe d'un moteur turbo, tous se rappellent cette épique bataille entre René Arnoux et Gilles Villeneuve pour la deuxième place. A cette époque le turbo commencait à annoncer ses couleurs avec une fiabilité améliorée à chaque Grand Prix, Ferrari quant à elle, venait d'emboîter le pas des chassis «wing car» avec sa 312-T4.

Ces inlassables dépassements, ces freinages à la dernière seconde marqués par un nuage de fumée blanche s'échappant des pneus signe de la torture que ses pilotes leur font subir, les hurlements de la foule qui sait déjà qu'elle assiste à un événement historique fit de ce Grand Prix l'un des plus spectaculaire de l'histoire contemporaine.

Dès 1979 le chassis «wing car» fût la référence, les principales équipes en adoptant le concept. Pour le turbo il fallu attendre un peu plus longtemps avant qu'un autre motoriste tente sa chance. Ferrari en fît l'essai aux qualifications du Grand Prix D'Italie, disputé à Imola en 1980. Ce n'est qu'en 1981 qu'on le vit en course. Cette année là, on comptera 4 moteurs turbo-compressés: Renault, Ferrari, BMW et Hart.

Cette tendance s'accentua sans cesse avec l'apogée de 1986 alors que toutes les voitures fûrent équipées d'un turbo.

Le chassis «wing car» ne pût vivre aussi longtemps. Vivement critiqué par les pilotes depuis belle lurette on lui attribuait la facheuse habitude de transformer les voitures en avions incontrolables dès lors que le devant de la voiture était légèrement soulevée par soit une bosse sur la piste ou bien par le contact avec une autre voiture.

La preuve en fût faite lors de ces maudites qualifications de Zolder en 1982. La mort du plus flamboyant pilote de sa génération, Gilles Villeneuve, donna le coup de grâce à cette technologie. Dans un geste quasi dictatorial, Jean-Marie Balestre alors président de la FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile), en ordonna l'interdiction dès 1983, soulevant la colère des équipes anglaises et donnant ainsi un premier véritable test aux Accords de la Concorde.

Paix durement négociée pour départager pouvoirs politiques et commerciaux, ces accords ne fûrent pas moins le salut des futurs pilotes.

Pouvons nous retenir nos larmes en s'imaginant ce que Gilles nous aurait donné comme spectacle avec des voitures lui laissant exprimer sa fougue et sa passion?