Tous les goûts sont dans la nature.

Quelles sonorités plaisent à vos oreilles? Guitare rock ou acoustique? Synthé ou piano? Flûte ou trompette? Un chœur ou une voix éraillée de blues?

Le nouveau son des moteurs de F1, moi j’aime bien. Parce que je viens de Trois-Rivières.

Au Grand Prix de Trois-Rivières 1979, j’ai vu une étrange machine : la Porsche 935 de John Paul Sr, qui participait à la série Trans-Am. Au milieu des Corvette et Camaro, cette voiture exotique émettait un drôle de bruit. Renseignement pris, cet étrange sifflement provenait du turbo qui équipait sa voiture. J’avais tout de suite adoré ce son. Et je le retrouve aujourd’hui sur les F1.

Oui, le bruit strident des V8 est disparu. Mais on a autre chose.

On a aussi l’occasion d’entendre les pneus crisser lorsqu’un pilote bloque les roues au freinage. Ce sera intéressant au virage en épingle au Circuit Gilles-Villeneuve!

Oui, tous les goûts sont dans la nature. Mais il y a aussi un autre dicton : il ne faut pas vivre dans le passé.

Les V12, V10 et maintenant V8 font partie de l’histoire. Pour les motoristes impliqués en F1, ce sont des dinosaures.

Place à la nouvelle technologie : plus petit moteur, turbo et systèmes de récupération d’énergie. Et je signale que c’est l’intérêt que présente cette nouvelle technologie qui a attiré Honda, qui sera de retour en F1 en 2015 avec McLaren.

Les F1 roulent (presque) aussi vite et sont plus difficiles à contrôler, un facteur pouvant contribuer au spectacle.

Allez, les voitures ont de la gueule, le plateau est de qualité avec des jeunes prometteurs (Bottas, Magnussen) : gardons l’esprit ouvert pour cette nouvelle ère de la F1!

Sons discordants

Encore une fois l’attitude de Red Bull me déplaît.

Résumons les faits qui ont mené à la disqualification de Daniel Ricciardo, 2e au fil d’arrivée à Melbourne.

Le règlement 2014 impose, outre une quantité d’essence maximale de 100 kg pour faire la course, un débit maximal de 100 kg à l’heure. Pourquoi? Pour empêcher un pilote d’avoir une pointe de puissance instantanée en brûlant momentanément une grande quantité d’essence.

Pour mesurer ce débit, les voitures sont équipées d’un appareil de mesure.

Ce débitmètre est fabriqué par Gill Sensors, une compagnie britannique déjà impliquée en Formule Un (divers capteurs), en Championnat du monde de rallye et en Championnat du monde d’endurance.

Pour l’instant, son débitmètre peut se montrer imprécis, mais de peu : 52 % de ces capteurs ont une précision de 0,1 % et 92 % une précision de 0,25 %.

À Melbourne, le débitmètre de la Red Bull n’offrait pas les mêmes lectures en L1 (essais libres du vendredi matin) et en L2 (essais libres du vendredi après-midi). Un autre appareil a été installé samedi, mais ni l’écurie ni la FIA n’ont été satisfaites du résultat.

La FIA a demandé à Red Bull de réinstaller l’appareil du vendredi sur la voiture en vue de la course, en lui donnant consigne de laisser une marge de sécurité pour rester dans la légalité. À noter que cet appareil a donné en course les mêmes lectures qu’en L2.

Durant le Grand Prix, la FIA a détecté, par télémétrie, que le débit de la voiture de Ricciardo était trop élevé et a demandé à l’écurie de le réduire. Red Bull a rétorqué qu’elle considérait le débitmètre approuvé par la FIA comme imprécis et que, selon ses propres mesures, le débit maximum était respecté. Elle a donc refusé de réduire le débit sur la voiture de Ricciardo.

Il est ici important de mentionner que la FIA a demandé à d’autres écuries de réduire le débit d’essence de leur voiture, et qu’elles ont toutes obtempéré!

Tout le monde était logé à la même enseigne, avec des débitmètres individuellement étalonnés, mais qui demeuraient un peu imprécis (dans une fourchette connue). Tout le monde semblait prêt à vivre avec la situation, sauf… Red Bull.

La disqualification de Ricciardo a été portée en appel et les parties seront entendues le 14 avril.

La défense de Red Bull : elle se déclare capable de prouver (avec ses propres mesures) qu’elle a respecté le règlement spécifiant un débit de 100 kg à l’heure. Selon l’écurie, toutes les demandes concernant l’utilisation du débitmètre n’ont pas de valeur légale, car elles se basent sur une « directive technique » (document no 016-14 publié le 1er mars 2014) et non sur le Règlement technique officiel publié par la FIA.

La décision de la Cour d’appel sera importante, car la F1 fonctionne depuis des années sur le respect de ces directives techniques (des éclaircissements et notes complémentaires préparés par Charlie Whiting, le délégué technique de la FIA). Tout le monde s’y plie, car ces directives donnent une ligne directrice sur tout ce qui entre dans une zone grise ou qui est non couvert directement par le Règlement officiel. Faire disparaître cette méthode de travail jetterait la F1 dans un grand flou sur le plan du respect de la lettre et de l’esprit du règlement.

Un patron d’écurie a déclaré que le dossier des débitmètres était un processus d’apprentissage au cours duquel les écuries devaient appuyer la FIA, et vice versa. Red Bull a fait bande à part en Australie. Reste à savoir si le Tribunal d’appel va la faire rentrer dans l’ordre.