MUNICH - Souriant et décontracté, le tout puissant patron de la Formule 1 Bernie Ecclestone a une nouvelle fois démenti les accusations de corruption, jeudi à l'ouverture d'un procès qui pourrait sonner le glas d'une quarantaine d'année de règne du milliardaire britannique sur le sport automobile.

« J'ai confiance, le soleil brille », a lâché aux journalistes en entrant dans la salle d'audience Ecclestone, 83 ans, vêtu d'un strict costume sombre avec cravate noire sur chemise blanche. Il risque jusqu'à dix ans de prison.

« M. Ecclestone dément les accusations », a écrit son principal avocat, Sven Thomas, dans un texte à la cour rendu public peu après le début du procès. « La corruption présumée n'a pas eu lieu. »

Au début de l'audience, la vérification d'identité a donné lieu à un flottement concernant son statut marital, mais il a conclu : « oui, je suis marié ».

« Bon, ça c'était la question facile », a lancé le juge Peter Noll, qui préside le procès.

La défense a ensuite précisé qu'il ne communiquerait plus que par l'intermédiaire de ses avocats.

Ecclestone avait fait son arrivée au tribunal de Munich dans une limousine aux vitres teintées qui s'est engouffrée dans le stationnement souterrain pour échapper à la meute de photographes et caméramans. On avait néanmoins pu apercevoir son emblématique crinière blanche.

Il est accusé d'avoir versé 44 millions de dollars de pot-de-vins en 2006 et 2007 à un banquier allemand, Gerhard Gribkowsky, qui travaillait pour la banque publique bavaroise Bayern LB et qui est aujourd'hui en prison, en vue de conclure la vente des droits de la F1 au fonds d'investissement CVC Capital Partners.

CVC avait racheté pour 839 millions de dollars les droits de la F1 détenus jusque-là par Bayern LB.

Dans son texte à la cour, la défense d'Ecclestone a qualifié de « inexactes, trompeuses, et vagues » les déclarations de Gribkowsky à son procès en juin 2012.

Le milliardaire a toujours clamé son innocence, et il a refusé une transaction à l'amiable qui lui aurait évité un procès.

Il affirme avoir été victime de chantage, tandis que Gribkowsky soutient qu'il s'agissait d'un pot-de-vin.

M. Gribkowsky a été condamné à huit ans et demi de prison pour corruption et fraude fiscale pour n'avoir pas déclaré les millions versés.

Entendu comme témoin lors de ce procès, M. Ecclestone avait reconnu ce versement mais l'avait présenté comme une forme de « prix du silence » pour que M. Gribkowsky ne fasse pas de révélations gênantes sur son patrimoine au fisc britannique.

« En ce moment, c'est moi le perdant, car les gens médisent sur moi, sans vraiment comprendre de quoi il s'agit », a déclaré le Britannique à la télévision allemande ARD, il y a quelques jours.

Le juge Peter Noll est aussi celui qui a condamné Gribkowsky. Dans les attendus du jugement, le magistrat avait estimé que Ecclestone avait « conduit au crime » le banquier. La peine pourrait être d'autant plus lourde que celui-ci était un fonctionnaire.

Pour mieux se défendre pendant le procès, le patron de la F1 a pris un peu de recul dans la gestion de la compétition. Il est obligé d'être présent deux jours par semaine à Munich, mais le procès se déroulera le mercredi et le jeudi afin qu'il puisse continuer à se rendre sur les courses, à travers le monde. Des audiences sont déjà programmées jusqu'à mi-septembre.

L'avenir de la Formule 1 pourrait en tout cas se jouer à Munich.

« S'il est démontré que M. Ecclestone a commis quelque chose de pénalement répréhensible, nous le limogerons », a ainsi prévenu Donald Mackenzie, cofondateur de CVC, devant la Haute cour de justice britannique, l'an passé.

Dans un entretien au quotidien économique Handelsblatt, mercredi, le patron de la F1 chez Mercedes confiait également que le procès serait suivi avec beaucoup d'attention.

« Nous allons voir maintenant ce qui se passe exactement », a déclaré Toto Wolff, ajoutant : « naturellement, nous pensons à l'avenir de la F1, nous devons le faire ». 

Ancien pilote automobile, Ecclestone avait racheté en 1971 l'écurie Brabham, fondée par Sir Jack, qui a ensuite conquis deux titres mondiaux avec le Brésilien Nelson Piquet (1981, 1983).

Les dernières estimations de sa fortune personnelle tournent autour de quatre milliards d'euros.

Roi de la F1, il est également une figure controversée. En 2005, il avait dû s'excuser après des remarques sexistes sur les femmes pilotes de Formule 1 et en 2009, il avait qualifié Adolf Hitler d'efficace.