Mercedes : les limites de la filière des jeunes
Formule 1 vendredi, 14 sept. 2018. 07:39 jeudi, 12 déc. 2024. 22:54SINGAPOUR - Espoirs couvés par Mercedes et pourtant en mal de baquet en Formule 1 ou ailleurs en 2019 : les cas d'Esteban Ocon et de Pascal Wehrlein témoignent des limites de la filière de jeunes pilotes de l'écurie allemande.
Accompagné par Renault puis Mercedes dans les catégories inférieures, le premier a débarqué en F1 courant 2016 chez Manor et rejoint début 2017 Force India. Huitième du Championnat l'an dernier et actuel dixième, ses résultats démontrent que le Français, qui aura 22 ans le 17 septembre, a sa place. Et pourtant...
Le Canadien Lance Stroll est voué à le remplacer au plus tard la saison prochaine, suite au rachat cet été de Force India, en faillite, par un consortium mené par son père, désireux de lui offrir une monoplace plus performante que la Williams qu'il pilote aujourd'hui.
Et contrairement à Ferrari, qui promeut son protégé Charles Leclerc après une saison seulement en F1, et McLaren, qui fait accéder à la catégorie reine le "rookie" britannique Lando Norris, Mercedes a préféré conserver le Finlandais Valtteri Bottas en 2019.
Après deux saisons en F1 avec Manor et Sauber, Wehrlein n'est lui pas parvenu à garder sa place en 2018 et il ne verra pas son contrat avec l'écurie allemande renouvelé l'an prochain.
« Malheureusement, nous n'avons pas pu offrir à Pascal un volant compétitif, a constaté son patron Toto Wolff. Dans son intérêt, nous avons décidé de ne pas prolonger notre accord et de lui donner la meilleure chance d'obtenir ailleurs une opportunité. »
Liens gênants
Ses liens avec les Flèches d'argent assombrissent également l'avenir d'Ocon : à cause d'eux, McLaren, Haas (liée à Ferrari) ou encore Toro Rosso (liée à Red Bull) lui ont fermé leurs portes. Pour Zak Brown, patron de McLaren, celui-ci ne « cochait pas la bonne case ». « Pourquoi (l'engager) et faire face à une polémique? », interrogeait pour sa part Guenther Steiner, team principal de Haas.
Wolff a fustigé vendredi les « mensonges » et les « intentions cachées » de McLaren et Renault, manière aussi de rejeter la faute sur d'autres, alors que l'Autrichien avait incité Ocon à temporiser.
L'espoir français n'a donc plus guère d'option que prendre la place de Stroll chez Williams, mais celle-ci est également convoitée par des pilotes apportant des fonds dont lui ne dispose pas.
Si être soutenu par un constructeur est la voie royale vers la F1, ce n'est donc pas une garantie d'y rester, la faute à un nombre de baquets disponibles de plus en plus réduit et à la concurrence au sein d'équipes privées aux abois financièrement et donc en recherche de pilotes payants, dont les sponsors ou les familles deviennent désormais actionnaires.
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Autre grande fortune canadienne, Michael Latifi, dont le fils Nicholas est pilote de réserve de Force India, a ainsi investi en mai 230 millions d'euros dans McLaren. Quand au Suédois Marcus Ericsson, ses soutiens ont pris le contrôle de Sauber à l'été 2016.
« Aujourd'hui, je pense que l'extra-sportif a pris une plus grande place que le sportif et ça me déçoit un peu », regrettait Ocon jeudi, avant le Grand Prix de Singapour. Pas question pour lui, toutefois, de quitter le giron de Mercedes. « Si je sors, je fais quoi?, demandait-il. Je suis seul et seul on n'a pas beaucoup de puissance. »
Quelques jours après l'officialisation de la promotion de Leclerc, 20 ans, qu'il côtoie « depuis le début », il espérait que celui-ci « prouvera l'année prochaine que les jeunes méritent leur place et qu'on peut aussi faire le job » que Mercedes et Renault ne lui ont pas confié.
Troisième voiture
Pis, les casse-tête Ocon et Wehrlein pourraient ne pas être les derniers pour le constructeur allemand: son protégé britannique George Russell, en tête du Championnat de F2, est loin d'avoir son baquet assuré dans la catégorie supérieure l'an prochain.
De tels résultats remettent en cause le bien-fondé de son programme junior, reconnaît Wolff. Le supprimer « serait dommageable pour le niveau des pilotes en F1, mais j'en discuterai avec le conseil d'administration et la direction à la fin de l'année, selon les situations de Pascal, George et Esteban », annonçait le directeur exécutif de l'écurie Mercedes au Grand Prix d'Italie début septembre.
Pas question pour lui de financer une deuxième équipe pour placer ses poulains, comme Red Bull avec Toro Rosso. « Donnez-nous une troisième voiture dans laquelle il serait obligatoire de placer un jeune pilote pour deux ans maximum, plaide-t-il plutôt. Ca ne coûterait pas trop cher, la grille serait pleine et le spectacle fantastique. »
D'autant que la filière Red Bull, érigée en modèle grâce aux quatre titres consécutifs de l'Allemand Sebastian Vettel entre 2010 et 2013, montre des signes d'essoufflement. A force de pousser vers la sortie ses pilotes pour en promouvoir de plus jeunes, elle ne dispose pas de candidat en interne pour faire ses débuts avec Toro Rosso en 2019.