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Les avis sont partagés à l‘endroit de Lance Stroll. Ça passe du successeur de Jacques Villeneuve au fils à papa qui a acheté son volant.

Lance comme Jacques?

La comparaison vient facilement. Stroll fait ses débuts chez Williams, tout comme Villeneuve. Mais c’est à peu près tout ce qu’il y a de similaire.

Villeneuve arrivait en F1 avec beaucoup plus d’expérience : quatre saisons de F3 (trois en Italie et une au Japon), une saison en Formule Atlantique et deux saisons en IndyCar avec, à la clé, un championnat et la victoire aux 500 Milles d’Indianapolis.

« Je suis prêt à aller dans ma voiture »

Il avait aussi profité du fait qu’il n’y avait aucune restriction sur les essais privés à cette époque pour faire du kilométrage.

Et Williams était alors la référence. L’écurie a été championne du monde en 1992, 1993 et 1994. Après une deuxième place en 1995, elle a de nouveau été championne en 1996 (arrivée de Jacques) et 1997. Elle a permis à quatre de ses pilotes d’être champion du monde : Nigel Mansell (1992), Alain Prost (1993), Damon Hill (1996) et Jacques Villeneuve (1997).

Les dernières années de Williams ont été plus difficiles. La dernière victoire remonte au mois de mai 2012. Après une belle troisième place au classement en 2014 et 2015, elle a chuté à la cinquième place l’an passé.

Mais l’écurie britannique s’est montrée à son avantage lors des essais hivernaux, au point qu’on la considère comme la quatrième meilleure voiture (derrière Mercedes, Ferrari et Red Bull, et tout juste devant Force India).

Jacques Villeneuve avait fait son entrée en F1 avec la position de tête et presqu’une victoire (il a terminé deuxième après avoir été obligé de ralentir en raison d’une fuite d’huile probablement causée par une excursion dans le gazon).

Que peut viser Stroll? Une huitième place derrière les Mercedes-Ferrari-Red Bull ainsi que son coéquipier, l’expérimenté Felipe Massa? Ça pourrait être mieux, s’il y a de la casse chez les favoris. Ça pourrait être pire, si les Force India ou Toro Rosso s’avèrent plus performantes que prévu sur le circuit atypique de Melbourne.

Mais pas un résultat à la Villeneuve.

Mais pas un truc nul non plus...

Des critiques à faire taire

Oui, Lance Stroll a bénéficié de l’appui financier de son père tout au long de sa (courte) carrière.

Oui, il disposait du meilleur volant en F3. Tout comme Lewis Hamilton placé par McLaren dans la meilleure écurie du moment en F3 et GP2. Tout comme Sebastian Vettel placé par Red Bull dans la même écurie en F3 et une autre tout aussi performante en F Renault 3.5.

Stroll a gagné le Championnat italien de Formule 4 en 2014, avant de passer à la Formule 3 en 2015. Il a fait une vraie année d’apprentissage : quelques accidents (dont une envolée spectaculaire à Monza), une suspension d’une course pour avoir causé un accident, et finalement une victoire en fin de saison pour terminer cinquième au classement.

Pour faire avancer sa carrière, il devait dominer la F3 à sa deuxième saison. Mission accomplie : 14 positions de tête et 14 victoires en 30 courses (trois courses par week-end).

Comment en savoir plus sur son véritable talent?

Voici un exemple probant. Sous la pluie (on sait que le talent des pilotes ressort dans des conditions de piste piégeuses), sur le circuit de Spa-Francorchamps (très sélectif selon la vaste majorité des pilotes), il a obtenu la position de tête, le 28 juillet dernier, par 1,270 seconde. De plus, six de ses sept tours de qualifications lui auraient permis de décrocher la position de tête.

De quoi se dire que le garçon a du talent.

Cette année, ses dénigreurs ont fait tout un plat de ses premiers essais sur la Williams FW40.

Oui, il a connu trois sorties de piste lors de la première semaine d’essais à Barcelone, dont une qui a coûté une journée d’essais à l’écurie qui n’a pu réparer un châssis abimé.

Nul autre que Lewis Hamilton est aussitôt venu à sa rescousse. « C’est l’année la plus difficile pour faire son entrée en Formule 1. Ce n’est pas une voiture facile à piloter, elle est tellement plus rapide dans les virages. On ne peut sauter dans la voiture et être aussitôt constant, sans faire d’erreurs. » Avant de sagement conclure: « c’est mieux de faire ces erreurs ici que lors de la première course. »

Stroll s’est bien repris lors de la deuxième semaine d’essais privés. Mais cela est passé inaperçu en raison d’une certaine presse mal informée.

Je me rappelle d’une manchette du 9 mars : Stroll en fin de peloton (en effet 13e chrono sur 13 pilotes). Le texte oubliait de dire que l’écurie Williams avait passé la journée à faire des simulations de course, sans chercher la performance avec des pneus très tendres. D’ailleurs son coéquipier Massa était tout juste devant lui!

Stroll seulement 9e (sur 13 pilotes) lors de la dernière journée d’essais, le 10 mars? Encore là il fallait, outre la colonne des temps, regarder la colonne des pneus utilisés pour faire ces temps. Stroll était en gomme tendre. Les huit pilotes devant lui étaient en super tendres ou en ultra tendres. Et il a amassé 132 tours lors de cette ultime journée.

Il estimait avoir fait du bon travail en quittant Barcelone. Il avait raison.

Il doit maintenant poursuivre son apprentissage lors des Grands Prix. Ce ne sera pas facile. Mais il aura, en Felipe Massa, un coéquipier prêt à lui faire don de ses connaissances, car n’ayant plus rien à prouver.

Donnons-lui le temps de parfaire son apprentissage. N’oublions pas qu’il est, à 18 ans et 148 jours, le deuxième plus jeune pilote de l’histoire de la F1 (le prodige Max Verstappen a débuté à 17 ans et 166 jours).

Quant à nous, amateurs de course, donnons-nous le plaisir de voir évoluer en F1 un jeune Montréalais.

Lance Stroll est né le 29 octobre 1998, le jour même où Jacques Villeneuve arrivait au circuit de Suzuka au Japon pour disputer son dernier Grand Prix avec l’écurie Williams.

Ce n’est plus une coïncidence.

N.B. La F1 entre dans une nouvelle ère avec l’arrivée de Liberty Media comme propriétaire. Adieu Bernie Ecclestone, et bon retour à Ross Brawn (le directeur technique de Ferrari à la grande époque de Michael Schumacher) comme nouvelle tête pensante de la F1 sur le plan technique et sportif.

Ne ratez pas la chronique de mon collègue Pierre Houde sur le sujet.