Nico Rosberg a donc conclu la saison 2015 avec six positions de tête consécutives et trois victoires d'affilée. Que se passe-t-il avec Lewis Hamilton, qui avait dominé son coéquipier jusque là?

Effet papillon

Pour expliquer la mauvaise période de Lewis, il faut remonter au Grand Prix de Belgique à la fin du mois d’août.

Fin de la séance d’essais libres du vendredi après-midi. Nico Rosberg subit la délamination de son pneu arrière droit dans une section rapide (à 300 km/h vers le virage Blanchimont).

En course, dimanche après-midi, c’est Sebastian Vettel qui subit à son tour la délamination de son pneu arrière droit dans une section rapide (la ligne droite Kemmel en sortant du Raidillon).

Pirelli se défend en parlant d’un nombre surprenant d’entailles (63 vs une moyenne de 1,2 sur les courses précédentes) dans les pneus durant le week-end, causées par des débris en piste.

Pour la suite de la saison, Pirelli veut jouer la carte de la sécurité. Le manufacturier italien impose de nouveaux standards en ce qui concerne la pression des pneus (minimum rehaussé) et le carrossage des roues pour le Grand Prix suivant, à Monza.

Et Pirelli laisse couler l’information suivante : certaines écuries utilisent des astuces pour contourner le règlement.

Dans quel but? Une pression plus basse fait que le pneu « s’écrase », ce qui augmente la surface de contact avec le sol. Mais cela risque aussi d’endommager le pneu.

Pour Monza, Pirelli exige 21 psi pour les pneus avant et 19,5 psi pour les pneus arrière.

Sur la grille de départ, Mercedes se fait surprendre avec des pneus arrière légèrement sous-gonflés sur la voiture de Lewis Hamilton (-0,3 psi) et Nico Rosberg (- 1,1 psi).

Mercedes ne sera pas pénalisé après avoir invoqué une zone grise du règlement : la pression des pneus était réglementaire au moment de la lecture par un ingénieur Pirelli, avant de baisser par la suite sur la grille de départ.

Voiture modifiée

En partie en réaction à cette nouvelle donne sur le plan des pneumatiques, en partie en raison de son programme de développement en vue de 2016, Mercedes a modifié sa voiture après le Grand Prix de Singapour, au niveau des suspensions.

Et Hamilton affirme qu'il ne parvient plus à trouver un bon équilibre sur sa voiture, qu'il ne trouve plus les bons réglages, ce qui explique qu’il se retrouve maintenant derrière Rosberg.

Comme il est intimement convaincu d'être plus rapide que son coéquipier, Hamilton devait trouver une explication. Mais on peut se poser la question: pourquoi ne s'est-il pas adapté à cette Mercedes modifiée?

Mon hypothèse : je crois que Rosberg a travaillé dur pour être à l'aise avec sa voiture. Plus de séances sur le simulateur? Plus de discussions avec ses ingénieurs?

À l'opposé, je me demande si Hamilton, qui se voyage beaucoup entre les courses, ne s'est pas plutôt fié sur son talent...

À Abou Dhabi, il a effectué un changement sur sa voiture, en revenant à une version antérieure d’une pièce de la suspension avant. Cette approche n’a pas eu l’effet escompté : Hamilton s’est retrouvé à 0,377 s (3,7 %) du chrono de Rosberg. Plus qu’au Brésil (0,078 s soit 1 %), plus qu’au Mexique (0,188 s soit 2,4 %).

En course, l’écurie est sortie de ses habitudes et lui a donné la permission de tenter une stratégie alternative.

Option 1 (offerte par le stratégiste de l’écurie) : rester plus longtemps en piste que Rosberg lors du deuxième relais (10 tours), et espérer le dépasser en fin de course avec des pneus plus frais.

Option 2 (fruit de l’imagination du pilote) : tenter de rallier l’arrivée sur un seul arrêt. Il en a discuté avec son ingénieur. Il a même exigé qu’on lui fournisse les calculs! Mais les pneus auraient trop perdu de performance en fin de course (par 2 s au tour). Et Hamilton aurait-il pu compléter 44 tours avec le même train de pneus, alors que personne d’autre n’a fait plus que 31?

Même l’option 1 ne pas fonctionné. Lorsque son ingénieur de piste lui a donné un objectif à atteindre en terme de temps au tour, Hamilton a répondu que c’était… impossible. Rosberg était tout simplement trop fort.

Durant la course, l’écurie a demandé à Rosberg de baisser le niveau de performance de son groupe propulseur, qui en était à 3 600 km. Pour éviter une casse.

On a demandé à Hamilton de faire de même, alors que son groupe propulseur affichait seulement 1600 km.

Hamilton a questionné cette décision. Il aurait aimé pousser son groupe propulseur à la limite pour tenter de dépasser son coéquipier.

Mercedes a ainsi agi par souci d’équité sportive. Hamilton ne pouvait profiter d’une situation dont Rosberg était la victime.

Si Rosberg utilisait un moteur à bout de souffle, c’était en raison du bris du nouveau groupe propulseur installé sur sa Mercedes pour le Grand Prix d’Italie. Il a dû prendre le même moteur pour les sept dernières courses de la saison.

Nico Rosberg vient donc de signer trois victoires consécutives, pour la première fois de sa carrière en F1.

De quoi passer un bel hiver.

L’inverse pour Hamilton.