Pub F1- texte Ray LalondeLe Grand Prix de Montréal est souvent présenté comme l’évènement majeur en termes de retombées économiques et de rayonnement pour la ville de Montréal. À juste titre, c’est un évènement unique qui s’inscrit dans un contexte (celui de la F1) qui donne accès à près de 425 millions de téléspectateurs durant une saison complète, et qui attire une manne touristique non négligeable. Mais le portrait est-il aussi simple?

La bonne affaire

En sécurisant l’organisation du Grand Prix pour les 8 prochaines années (contrat de 10 ans signé en 2014) à un prix approximatif de 17 millions $ annuellement, les dirigeants ont réalisé un bel exploit et ont mis la main sur un produit/évènement à gros potentiel.

Tout d’abord, ils ont réussi à convaincre les différents paliers de gouvernements (fédéral et provincial), Tourisme Montréal ainsi que la Ville de Montréal de prendre en charge la majeure partie de la facture ainsi que la rénovation du circuit en échange d’une participation à certains revenus.

Bénéficiant également de la grande appréciation du circuit de l’île Notre-Dame par les pilotes mais aussi du Grand Prix en général et de sa nature stratégique pour la F1, ils ont également obtenu les droits d’organisation pour un montant annuel parmi les plus faibles de la F1. Selon Formulamoney en 2014, les frais d’organisation du Grand Prix de Montréal sont la troisième plus faible somme exigée par la F1 (derrière Monza et Monaco) à 17 millions $ par an (contre une moyenne de 30 millions $ pour le circuit). En plus, l’augmentation annuelle de ces droits est limitée à seulement 2 % contre 10 % en moyenne à travers les autres courses. Finalement, le succès populaire, tant les jours de courses sur le site que dans une ville qui respire le Grand Prix, est indéniable et rayonne au-delà du Québec avec plus de 50 % des visiteurs provenant de l’extérieur du Québec. Avec des retombées touristiques estimées à plus de 70 millions $, les bénéfices d’un tel évènement semblent évidents. Alors pourquoi se questionner autant sur l’avenir de la course?

Des questions et des doutes indéniables…

La première interrogation concerne justement l’ampleur des bénéfices et des retombées économiques de l’évènement lui-même. De manière surprenante, et jusqu’en juin 2015, date à laquelle le gouvernement du Québec a lancé un appel d’offres pour étudier de manière indépendante ces retombées, une seule étude datant de 2009 et basée sur les déclarations du promoteur de l’époque évoluait ces retombées à 89 millions $. Le Gouvernement fédéral avait déjà ajusté à la baisse la valeur de ces retombées en 2014 à 70 millions $. Alors une bonne affaire? Oui, mais peut-être un peu moins impressionnante qu’annoncé.

Malgré un intérêt populaire qui se maintient globalement, l’absence d’un pilote canadien et de rivalités marquées ainsi que le désintérêt relatif de la nouvelle génération pour la F1 forcent les organisateurs du Grand Prix à se démarquer et à affiner leur stratégie marketing. En cette année 2016, l’emphase semble être sur les offres aux familles, sur le côté multigénérationnel et la démocratisation avec des offres de billets différenciées et également sur le côté technologique avec une nouvelle application. Cette stratégie sera-t-elle suffisante pour améliorer l’expérience client dans un monde connecté qui demande toujours à être de plus en plus stimulé? On verra prochainement mais je pense qu’il en faudra davantage.

Malgré une visibilité importante et une grande appréciation du Grand Prix par de nombreux gens d’affaires et organisations majeures, le Grand Prix du Canada n’a pas réussi à sécuriser de commanditaire majeur depuis le départ d’Air Canada en 2003. S’il n’est pas le seul dans cette catégorie parmi les circuits de F1, cette question récurrente sur la capacité à décrocher ce type d’entente pèse lourdement sur les promoteurs de Grand Prix année après année. Lorsque le grand patron de la F1, Bernie Ecclestone, questionne publiquement la capacité financière (et stratégique) à tirer plein profit de la grande opportunité que représente le Grand Prix de Montréal, on se demande ce qui ne va pas. Pourquoi aucune grande entreprise ne s’engage avec le GP? Quelles sont les raisons principales qui affectent ce choix depuis 2003?

Le Grand Prix fait face à de nombreux défis et à une clientèle qui évolue rapidement, avec des attentes et des habitudes de consommation qui changent. Pour les organisateurs, il faudra vraisemblablement revoir sa vision stratégique et son plan marketing pour repositionner la course si on veut relancer l’événement pour les huit prochaines années. Cela demeure un produit mondial extraordinaire avec une plateforme de 21 Grands Prix disputés cette saison. Le potentiel est sans équivoque mais on doit s’adapter rapidement aux consommateurs si on veut poursuivre la croissance. Parce qu’actuellement, on semble être coincé dans les puits de ravitaillement.