SINGAPOUR - En quinze tours d'affilée particulièrement décoiffants, Lewis Hamilton (Mercedes) a peut-être fait basculer le championnat du monde de Formule 1, dimanche à Singapour où il a remporté son 7e Grand Prix de la saison alors que son coéquipier et rival Nico Rosberg abandonnait.

« Il y a des jours où Lewis montre la différence qu'il y a entre une star et une superstar », a résumé Toto Wolff, le patron de l'écurie Mercedes-AMG. Il faisait référence à la bagarre qu'il venait de vivre entre Hamilton et le pilote Red Bull Sebastian Vettel, quadruple champion du monde en titre et triple vainqueur à Singapour, une bagarre stratégique remportée par Hamilton sur la piste.

L'enjeu était clair: Vettel était parti sur une stratégie à deux ou trois arrêts, en s'arrêtant un tour plus tôt qu'Hamilton deux fois de suite (12e et 25e tour, contre 13e et 26e tour). La différence, c'est qu'à son deuxième arrêt il est reparti avec des pneus tendres, plus solides que les pneus super-tendres montés par un Hamilton chaud bouillant, un tour plus tard.

Comme la voiture de sécurité est sortie juste après, au 31e tour, et a ralenti tout le peloton, Vettel a pu finir la course avec ces pneus, alors qu'Hamilton était sûr de devoir s'arrêter encore une fois pour monter un train de pneus tendres avant la fin de la course, car c'est la règle en F1: utiliser les deux gommes disponibles à un moment ou l'autre de la course.

« Je ne savais pas quoi faire »

« À ce moment-là, je ne savais pas quoi faire, a avoué Hamilton. Je savais que j'avais creusé un gros écart, mais qu'il me fallait 27 secondes d'avance pour être tranquille (ndlr: le temps moyen d'un passage par les stands). Mes pneus se dégradaient très vite, donc j'étais un peu nerveux. Je savais aussi que si la voiture de sécurité ressortait, ça pourrait me poser de gros problèmes. »

Lewis a alors « posé le cerveau sur le tableau de bord », comme disait le rallyman finlandais Marcus Grönholm, et le chrono s'est affolé. Non seulement il a fait durer ses gommes super-tendres deux fois plus longtemps (26 tours au lieu de 13, neutralisation incluse), mais ce faisant il est parvenu à prendre entre une et deux secondes par tour, pendant près d'une demi-heure du 38e tour au 52e, à Vettel et au reste du peloton.

Daniel Ricciardo, 3e dans l'autre Red Bull, et Alonso, 4e dans sa Ferrari, n'ont pu que constater les dégâts, tout comme un Nico Rosberg déconfit sur le muret des stands suite à son abandon prématuré. Quant il a enfin marqué son ultime arrêt au stand, au 52e tour avec 25 secondes d'avance, Hamilton est ressorti 2e derrière Vettel, mais avec des pneus frais.

La Mercedes avalait rapidement la Red Bull et Hamilton s'envolait vers la victoire. « J'avais l'impression d'être au volant d'une Fiat Panda et qu'une Porsche 911 est arrivée derrière moi », a commenté Vettel.

Encore 150 points à prendre

C'est l'autre enseignement de cette victoire conquise à la manière d'un ancien (et futur ?) champion du monde: Hamilton est en train de marquer de son empreinte cette saison 2014, autant par ses succès (7 en 14 courses) que par la manière dont il a géré ses désillusions, accepté ses erreurs, digéré les incidents mécaniques et rebondi à chaque fois, plus haut et plus fort.

Alors que Rosberg a abandonné deux fois (Angleterre et Singapour), Hamilton compte trois « DNF » (Did Not Finish, soit abandon en course) en Australie, au Canada et en Belgique. Le troisième abandon du Britannique a été causé par son coéquipier, qui l'a accroché dès le 2e tour à Spa. Depuis, Lewis engrange: deux triplés (pole, victoire, record du tour) à Monza et Singapour.

Du coup, Lewis a trois petits points d'avance alors qu'il reste cinq manches, dont une finale qui comptera double. Il reste 150 points à prendre, avec la meilleure voiture du plateau, et Rosberg n'a pas dit son dernier mot. Dans deux mois, sous la nuit étoilée d'Abou Dhabi, on saura enfin si le fils de Keke est une star ou une superstar.