SILVERSTONE - Le manufacturier italien Pirelli, fournisseur exclusif de la Formule 1, est à nouveau la cible de critiques après plusieurs crevaisons spectaculaires au Grand Prix de Grande-Bretagne, symbole parfait d'un sport-spectacle de plus en plus risqué.

« Pour la première fois de ma carrière, j'ai eu peur dans ma voiture, je craignais que ça se reproduise », a dit Lewis Hamilton, parti en position de tête dans sa Mercedes, devant son public, et lancé dans une course folle, sur l'un des circuits les plus rapides du calendrier (240 km/h de moyenne au tour), pour creuser l'écart avec Sebastian Vettel (Red Bull).

Patatras! Son pneu arrière gauche s'est désintégré au 8e tour et l'idole locale, devant 120 000 spectateurs et plusieurs millions de téléspectateurs, n'était plus que 21e et avant-dernier quand il est ressorti des stands avec des pneus neufs.

Felipe Massa (Ferrari), auteur d'un départ fantastique, a eu le même problème deux tours plus tard, puis Jean-Eric Vergne (Toro Rosso), dont des lambeaux de pneu ont abouti dans le cockpit de Kimi Räikkönen (Lotus), juste derrière lui. Puis deux Mexicains, Sergio Pérez (McLaren), pneu crevé à l'arrière gauche, comme les trois autres, et Esteban Gutierrez (Sauber), à l'avant.

« C'est devenu une vraie farce », a dit Jenson Button, champion du monde 2009. « Ça ne sert à rien de dépenser une fortune pour gagner un dixième de seconde au tour si les pneus ne tiennent pas le coup », a jugé un patron d'écurie. D'autant que les budgets sont très entamés par la préparation de 2014, à cause d'un nouveau règlement qui va obliger à tout changer cet hiver, châssis et moteurs.

Consensus impossible?

Après la course, Pirelli, qui facture ses pneus plus de deux millions d'euros par an et par écurie, a promis « d'enquêter avec sérieux sur les causes des défaillances ». Deux séries de tests de trois jours chacune seront d'ailleurs menées pour tenter de remédier à la situation. Quant au président de la Fédération internationale de l'automobile (FIA), Jean Todt, il a promis de « prendre les décisions justes, sans répondre de manière émotionnelle ».

Le problème majeur de ces gommes italiennes trop tendres, conçues pour procurer plus de spectacle, dure depuis le premier GP, et la sortie de crise est bloquée par les acteurs eux-mêmes: il faut l'unanimité des 11 écuries de F1 pour que les pneus soient modifiés en cours de saison.

Ce consensus, pour l'instant, n'existe pas. Red Bull voit d'un mauvais oeil les progrès de Mercedes et a porté réclamation suite aux essais de pneus de l'écurie allemande après le GP d'Espagne, à la demande de Pirelli, pour tenter de trouver des solutions. D'autres essais sont prévus en juillet, au Castellet et à Barcelone, mais aucune écurie n'est encore annoncée par Pirelli.

Quand Mercedes s'est retrouvé sur le banc des accusés, son avocat a mis en doute l'honnêteté de Ferrari, qui selon lui a profité d'une autre séance d'essais Pirelli pour essayer autre chose que des pneus. Et Ferrari ne souhaite pas que les pneus changent, cette saison, car comme Force India et Lotus, sa monoplace les use moins que les autres, le dimanche et donc engrange des points.

Dernier détail, pas le moindre, le contrat de Pirelli n'est toujours pas reconduit par la FIA au delà de fin 2013. Si les Italiens décident d'arrêter les frais, ils n'auront plus qu'à attendre, en espérant qu'un accident grave ne viendra pas ternir durablement leur image. Il n'y a plus que 11 GP à disputer dans cette saison de tous les dangers.