Déjà, il avait attiré sérieusement l’attention avec des performances bien au-delà des attentes de la plupart des observateurs, portant même ombrage par ricochet à son coéquipier, quadruple champion du monde. Avant même se d’asseoir dans le siège de sa Red Bull pour la toute première fois, il avait une pression énorme sur les épaules, devant convaincre les sceptiques qu’il n’était pas le « numéro deux » idéal, comme en rêvait peut-être secrètement Sebastian Vettel, mais bel et bien un pilote de talent capable de concrétiser son énorme potentiel. Ne manquait qu’une première victoire. C’est fait!

Hier, au circuit de l’Ile Notre-Dame, l’Australien Daniel Ricciardo a rejoint des pilotes aussi prestigieux que Lewis Hamilton, Jean Alesi, Thierry Boutsen et bien sûr Gilles Villeneuve, en remportant une première victoire en carrière à Montréal. Ce ne sera pas sa dernière, visiblement! Elle fut peut-être imputable, en partie. à la première défaillance des Mercedes, mais Ricciardo ne mérite pas moins tout le crédit possible. N’a-t-il pas, encore une fois, devancé Vettel qui, cette fois, n’a pas été trahi par sa mécanique?

N’eut été d’une disqualification malheureuse après avoir terminé deuxième, chez lui en Australie et d’un abandon dont il n’était pas responsable en Malaisie, Ricciardo aurait un dossier tout simplement impressionnant, compte tenu de plusieurs facteurs jouant contre lui. On connaît tous les ennuis rencontrés par RBR depuis le début de la saison ainsi que les limites du moteur Renault par rapport au bloc Mercedes, mais Ricciardo a été en mesure de livrer le maximum avec une constance déconcertante.

Le jeune pilote de 24 ans a été à la hauteur tout au long de son cheminement vers la F1. Gagnant du très relevé championnat britannique de F3 en 2009, vice-champion de la série Renault 3.5 en 2010, Ricciardo fut impressionnant dès ses premiers coups de volant chez Toro Rosso, en tant que pilote de réserve. Profitant au maximum de ses présences du vendredi matin, il fut prêté à l’écurie Hispania où il fut confronté à la dure réalité de piloter une voiture risible. Résultats modestes mais de merveilleux coups de volant en 2012 lui permirent d’obtenir une deuxième chance chez Toro Rosso, en 2013, deuxième chance dont il aura profité au maximum. Ses passages réguliers en Q3 et deux classements en septième position furent l’endossement final qui mena à la décision audacieuse de la grande écurie Red Bull de lui confier le volant laissé vacant par Mark Webber.

Grande décision

Le sourire de Christian Horner, le directeur de Red Bull Racing, en disait long hier lorsqu’il observait la cérémonie de podium. On pouvait y lire plusieurs choses à la fois. Il y avait d’abord la douce surprise du rendement global de son écurie qui, en principe, ne devait rien espérer de très bien à Montréal. Deux voitures sur le podium, dont une place sur la plus haute marche, c’était carrément inespéré. Il y avait certainement cette satisfaction de voir que le moteur Renault, poussé à 100 % de son potentiel, donnait en fin de compte un rendement plus qu’acceptable. Et il y avait peut-être en plus un certain plaisir de voir l’équipe Mercedes montrer enfin des signes de vulnérabilité.

Mais il y avait sans doute le reflet d’une immense satisfaction, pour ne pas dire d’une immense sérénité d’avoir fait le bon choix pour remplacer le retraité Webber. Cet excellent volant devenu disponible après l’annonce de l’Australien était l’objet d’une grande convoitise dans les cercles de la F1. Le long processus de réflexion et de décision a sûrement été difficile pour la haute direction de l’écurie championne. On aura finalement tranché en faveur de Ricciardo.

Ce faisant, Red Bull a directement justifié la pertinence de sa filière de développement. Elle a aussi récompensé un jeune homme qui n’avait montré qu’un progrès constant depuis ses premiers tours de roue au sein de cette filière. Mais avec le recul, on constate aussi qu’elle s’est donné un excellent pilote qui ne connaissait rien de l’ancienne monture extraordinaire qui a mené Sebastian Vettel vers quatre titres consécutifs. Ricciardo partait de zéro, d’une page entièrement blanche et il n’avait qu’à apprécier la nouvelle RBR pour ce qu’elle était au moment de sa naissance. Vettel, lui, a dû « désapprendre » avant de « réapprendre ». Le processus n’est pas encore terminé pour Vettel qui ne cesse de se plaindre publiquement des caprices de sa monoplace.

On ne cesse de me demander, depuis dimanche soir, si une nouvelle étoile est née en F1. La réponse est oui, en autant qu’on soit capable d’apprécier le rendement de Daniel Ricciardo en relation avec les limites de sa voiture et de mettre ses résultats en relation avec ceux de son illustre coéquipier. La plus haute marche du podium ne lui est accessible, pour le moment, qu’en certaines circonstances, selon les aléas de la course ou les caractéristiques propres à chaque circuit.

Mais son immense talent et sa personnalité attachante lui ouvrent la porte toute grande pour qu’il puisse rayonner fort et longtemps!

Organisation impeccable

Petit mot rapide mais sincère pour souligner le travail encore impeccable de François Dumontier et de son équipe dans l’organisation du Grand Prix du Canada 2014. C’est dur, très dur, de monter et démonter à chaque année, surtout quand on n'est que « locataire » de l’Ile Notre-Dame! J’en sais quelque chose, je l’ai vécu au milieu des années 1980! À chaque année, pourtant, les organisateurs actuels semblent en mesure de peaufiner plusieurs petits détails qui rendent la vie de tous encore un peu plus facile sur cette Ile Notre-Dame si étroite et exigüe.

La reconduction de l’entente assurant la présence de la F1 pour 10 ans, à Montréal, est une excellente nouvelle pour M. Dumontier et son groupe Octane. Mais qu’il soit à la barre de l’événement pour ces 10 années additionnelles est aussi une excellente nouvelle pour tous!