Ce devait être un grand moment de célébration pour Ferrari. Deux Grands Prix consécutifs en Italie, dont un à Mugello pour célébrer le 1000e Grand Prix de la Scuderia. C’est littéralement le nom de l’épreuve. Le Grand Prix de Toscane Ferrari 1000.

 

Ce devait être une occasion pour la Scuderia de souligner sa riche histoire, ses succès, ses années de gloire... mais aussi une occasion pour les Italiens de célébrer après que le pays ait été l’un des plus secoués par la pandémie de la COVID-19. Et en plus, le Grand Prix de Toscane sera le premier à accepter la présence de spectateurs, 3000 plus précisément.

 

Or, on a maintenant l’impression que ces deux Grands Prix à domicile pour les Rouges auront plutôt des allures de chemin de croix.

 

Comment a-t-on pu en arriver là chez Ferrari?

 

Si vous cherchez la réponse dans cet article, je vous préviens immédiatement : je n’ai pas la réponse. C’est la question que tout le monde se pose... probablement au sein même de la Scuderia.

 

Car, honnêtement, je n’avais pas vu venir cette saison de misère. On avait vu lors des essais hivernaux que la SF1000 avait peut-être un retard un peu plus grand que prévu. On avait envisagé la possibilité que Red Bull soit la principale menace des Mercedes cette saison.

 

Mais si vous m’aviez dit alors qu’à la 7e épreuve de la saison, en Belgique, lieu de la première victoire de Charles Leclerc l’an dernier, que Ferrari allait terminer 13e et 14e, après une chaude lutte avec les Alfa Romeo, les Haas et les Williams... franchement, je n’y aurais jamais cru.

 

Si Ferrari a touché le fond du baril à Spa, c’est notamment en raison de son moteur. On se souvient que durant l’hiver dernier, la FIA et la Scuderia ont passé un accord secret concernant le moteur Ferrari de 2019, que plusieurs soupçonnaient d’utiliser un débit d’essence plus élevé que la limite, et donc qui était illégal. Évidemment, quand on regarde les ennuis de l’écurie italienne en termes de vitesse de pointe cette saison, il est impossible de ne pas avoir cet accord en tête. Difficile d’expliquer un tel recul comparativement à la saison dernière autrement. C’est la plus grande faiblesse de la SF1000, cette année.

 

Il est donc difficile de voir le prochain Grand Prix, à Monza, avec optimisme. Spa est un circuit de moteur, certes, mais Monza pousse ce concept à l’extrême. Il est donc possible que la situation des Ferrari soit encore pire cette fin de semaine.

 

Sauf qu’on ne peut pas expliquer les déboires de Ferrari seulement avec la puissance du moteur. En Belgique, Kimi Räikkönen a fait mieux que les rouges avec son Alfa Romeo... à moteur Ferrari. Il y a beaucoup d’autres facteurs à prendre en compte, et commençant l’aérodynamisme qui n’est pas au point et la voiture qui a parfois de la difficulté à placer et à maintenir les pneus à la bonne température.

 

Combien de fois au cours d’une fin de semaine voit-on Sebastian Vettel bloquer les roues ou devoir rattraper l’arrière de la voiture qui se dérobe? Vettel n’est pas au sommet de son art cette saison, j’en conviens, mais on parle tout de même d’un quadruple champion du monde. Il n’a pas désappris à conduire une Formule 1 du jour au lendemain. Comment a-t-on pu manquer son coup à ce point chez Ferrari alors qu’il n’y avait que des changements mineurs à la réglementation cette année?

 

D’ailleurs, Ferrari est la seule écurie à avoir fait pire à Spa cette année que l’an dernier en termes de temps au tour. Simplement que les pilotes passent en Q2 avait des allures d’exploit. C’est tout dire.

 

Ça, ce sont les problèmes de la voiture. Mais ce n’est pas tout. Les ratés de la voiture font de plus en plus ressortir les problèmes au sein de la gestion de l’écurie. Simplement par les communications radio, on ressent le manque de communication et la frustration. Combien de fois Vettel doit-il concocter lui-même sa stratégie parce qu’on ne prend pas de décision sur le muret de Ferrari?

 

Pourquoi, lorsque Charles Leclerc demande la raison pour laquelle il doit s’arrêter à nouveau, on lui répond : « Nous te le dirons plus tard » plutôt que lui expliquer qu’il y a un problème avec le moteur et on doit y ajouter de l’air ? Il y a certainement une raison, mais comment voulez-vous qu’un pilote se sente lorsqu’il roule en fond de peloton et que lorsqu’il pose des questions, on refuse de lui donner des réponses? Ce n’est qu’un exemple lors du dernier Grand Prix, mais c’est le genre de situation qui arrive trop souvent avec l’écurie.

 

Au bout du compte, tout ça est bien triste. Triste de voir une écurie synonyme de succès au fond du classement. Triste de voir un talentueux pilote comme Charles Leclerc qui n’est pas en mesure de démontrer son potentiel. Triste de voir un quadruple champion du monde être démuni à ce point, dans une équipe qui semble déjà lui avoir dit au revoir avant même que la saison ne commence.

 

C’est peut-être la dernière saison de Vettel dans une écurie de pointe. Qui sait, c’est peut-être même sa dernière saison en Formule 1. J’aurais cru qu’on aurait tout fait pour terminer ce partenariat en force, mais maintenant... on a juste hâte que tout cela se termine pour l’Allemand et qu’il entame le prochain chapitre de sa carrière.

 

Après la course, Charles Leclerc s’est livré au micro de Canal+. « Après une course comme ça, ce n'est pas facile. Il va falloir qu'on trouve quelque chose et qu'on réagisse parce que ça ne peut pas continuer comme ça. »

 

Il a bien raison, ça ne peut pas continuer comme ça. Il est grand temps pour des changements. Il est temps de se questionner, de se remettre en question. La Scuderia est présentement 5e au championnat du monde des constructeurs. La dernière fois que Ferrari a terminé 5e ou pire, c’était... en 1981.

 

Et si Ferrari figure au 5e échelon, elle doit une fière chandelle à Charles Leclerc, qui a réussi à amener cette voiture sur le podium deux fois déjà cette saison, en plus d’une 4e place. De quoi sauver les meubles, à tout de moins.

 

C’est vrai que Mattia Binotto n’occupe le poste de directeur de l’écurie que depuis 2019, mais déjà, son leadership est grandement remis en question. Est-il toujours l’homme de la situation? Doit-on faire des changements au niveau des ingénieurs, des stratégistes?

 

Ces questions, Ferrari doit rapidement y trouver des réponses. L’an prochain, les écuries vont rapidement se tourner vers le développement des voitures de 2022, avec tous les changements techniques qui sont prévus. Ce ne sera plus le temps pour un grand ménage. Ce ne sera plus le moment pour repartir à zéro.

 

S’il y a des changements à faire, qu’on les fasse maintenant, au cœur d’une saison déjà perdue, et qu’on s’assure d’être prêts pour rebondir en 2022 et revenir au sommet.

 

Et peut-être que cela redonnera un peu d’espoir aux pilotes... incluant d’ailleurs Carlos Sainz, qui, si on en croit les images diffusées lors du dernier Grand Prix, semble déjà découragé de la situation au sein de l’équipe qu’il n’a pas encore rejointe...