J’en ai encore le frisson. Non mais quel Grand Prix que celui de Bahreïn! Assurément l’un des plus excitants qu’il m’ait été donné de décrire en carrière et une épreuve qui passera à l’histoire sans l’ombre d’un doute.

Avant même les premiers tours de roues, l’événement avait déjà gagné beaucoup en notoriété, en vertu des images saisissantes des monoplaces et du circuit sous les réflecteurs. À l’issue de la course de dimanche, ce GP est maintenant consacré! La lutte incroyable que se sont livrée les pilotes, du début à la fin, à l’avant comme à l’arrière, vient de lui offrir une place de choix dans l’histoire du Championnat du monde.

Le formidable duel entre Lewis Hamilton et Nico Rosberg fut digne de celui entre Gilles Villeneuve et René Arnoux, à Dijon, en 1979. Il fut digne des grandes batailles Senna-Prost, au sommet de leur rivalité. Il fut digne des superbes coups de volant que Jacques Villeneuve et Michael Schumacher se sont échangés en 1996 et 1997. Il fut digne d’un champion du monde qui gagne en maturité et d’un merveilleux pilote qui sort enfin de sa coquille.

À n’en pas douter, Lewis Hamilton ET Nico Rosberg furent gagnants tous les deux dimanche, même si le premier a mis en banque 7 points de plus que son coéquipier. Pour Hamilton, ce fut l’occasion de démontrer à quel point son talent s’est raffiné depuis quelques saisons. Il a affiché une maîtrise exceptionnelle pour protéger sa première position, malgré les gommes medium qui n’offraient pas le même niveau de rendement que les tendres. Pour Rosberg, ce fut l’occasion d’amener son pilotage à un autre niveau, de démontrer qu’il peut légitimement faire partie de l’élite de la discipline. Et tout ça, avec un comportement exemplaire de la part des deux pilotes, sur le plan sportif.

Par ailleurs, il faut saluer l’approche de l’écurie Mercedes qui a laissé toute la place à ses pilotes pour qu’ils puissent exploiter au maximum leur remarquable voiture et ainsi se livrer à une telle bagarre. On leur a demandé de ramener les deux voitures « à la maison » et ce fut la seule consigne entendue à la radio de la part de l’équipe d’exploitation. On a fait confiance à leur talent et à leur jugement! L’effet Lauda peut-être?

Il faut absolument saluer aussi la contribution des autres pilotes et écuries à ce spectacle haut en couleurs. Les nombreuses batailles derrière les meneurs ont également impliqué plusieurs coéquipiers comme Bottas et Massa chez Williams, Ricciardo et Vettel chez Red Bull ainsi que Perez et Hulkenberg chez Force India. Là encore, on les a laissé agir avec confiance. Seul Vettel a été invité à céder le passage à Ricciardo qui était plus rapide que lui à un certain moment.

Très rafraîchissant

Il ne pouvait y avoir un meilleur scénario à un meilleur moment pour le Championnat du monde de Formule 1. Après deux épreuves, il commençait à y avoir une grogne inquiétante pour l’avenir à court terme. Bernie Ecclestone lui-même a qualifié « d’inacceptable » la nouvelle F1 en fin de semaine, s’élevant contre toutes les nouvelles règles techniques imposées par la FIA. J’aurais aimé voir sa réaction quand le drapeau à damier s’est abaissé sur Lewis Hamilton, à la fin de ce GP mémorable. Lui, comme tout ceux qui ont crié haut et fort au cours des dernières semaines, avaient-ils encore quelque grief à exprimer? Le son des moteurs V6 Turbo ne s’est-il pas avéré un facteur soudainement moins important à Bhareïn compte tenu du spectacle d’une qualité exceptionnelle à tous les points de vue?

Le président de la Fédération internationale de l’automobile, Jean Todt, l’a redit clairement dimanche. La F1 a pris un virage aussi souhaitable qu’irréversible en se tournant vers les énergies alternatives et en resserrant plusieurs règles techniques que les ingénieurs brillants ont astucieusement bafoué dans le passé. Il est ouvert d’esprit sur quelques détails, comme le bruit, mais pas sur le fond et c’est très bien ainsi.

De toute façon, si la F1 cherche une référence quant au meilleur produit possible qu’elle peut offrir aux amateurs, elle n’a qu’à revoir la course de dimanche à Bahreïn. Tout y était!