BUDAPEST (AFP) - Depuis son arrivée en Formule 1 en 2000, Jenson Button, avec son physique de jeune premier promis à une carrière de star, ne parvenait pas à quitter le costume des seconds rôles, jusqu'à ce dimanche en Hongrie où il a décroché son Oscar: sa première victoire.

"Enfin nous y sommes", lâche-t-il, les yeux rêveurs, le poil hirsute d'une barbe d'adolescent encore tout mouillé de sueur et de champagne.

"Je ne me souviens de rien datant de plus de trois minutes. Tout ce que j'ai en tête, c'est que j'ai remporté ma première course en Formule 1 !", avoue-t-il.

Avec des résultats en dents de scie mais jamais concrétisés par la moindre victoire en 112 Grands Prix, à 26 ans Button semblait sur une pente déclinante, soutenu cependant contre vents et marées par la puissante presse spécialisée britannique.

A ce jour, seuls deux vainqueurs de Grands Prix ont dû attendre plus longtemps que lui pour s'imposer: l'Italien Jarno Trulli (117) et le Brésilien Rubens Barrichello (124).

"C'est bon de savoir que je n'aurai plus à répondre à ces questions où l'on commence par vous rappeler que vous avez couru 113 Grands Prix sans jamais en gagner un seul. Maintenant on me dira que j'ai gagné une course après 113 départs et ça sonne vraiment mieux !", souligne un Button visiblement aussi soulagé qu'heureux.

"Normal"

"Le problème est que ça me paraît déjà si normal...", poursuit-il, semblant presque regretter de ne pas apprécier à sa juste valeur ce moment tant attendu.

En fait, après une saison 2005 en retrait, il a semblé avoir pris une nouvelle envergure en début de Championnat, fort de l'appui de son écurie qui a tout fait pour casser un contrat, voulu par Button lui-même en milieu de saison 2004 et qui aurait dû mettre le pilote au volant d'une Williams cette année.

Dès les premières courses, Button semblait devoir être en mesure de donner la réplique aux cadors: quatre fois parmi les trois plus rapides en qualifications, dont une pole position en Australie.

Mais à chaque fois, en course, les résultats ont été décevants. Même cette 3e place en Malaisie qui ne le satisfait pas car, dit-il, cette année c'est la victoire qu'il vise.

Et ce GP de Hongrie promettait à l'Anglais de Frome une nouvelle course aux lots de consolation après sa pénalisation de dix places sur la grille pour un moteur explosé en essais libres.

Mais le ciel en a voulu autrement. Et c'est sa Honda qui est passée la première entre les goûtes et sous le drapeau à damier, faisant du pilote le premier Anglais à s'imposer en F1 depuis Johnny Herbert au Nürburgring-1999.

"Hippy"

"Ces dix derniers tours quand j'étais en tête avec 40 secondes d'avance ont été les plus beaux de ma carrière (...) J'ai vraiment pu savourer... et réfléchir à ce que j'allais dire en conférence de presse !", raconte ce célibataire au physique de mannequin (1,83 m, 68 kg) résidant à Monaco.

Issu d'une famille modeste, Button a commencé le kart à 8 ans. Après un passage en Formule Ford et en F3 en 1999 (pole dès sa première course, 3 victoires, 3e au Championnat), McLaren lui a offert son premier essai en F1 en novembre 1999.

Mais c'est Williams qui l'a propulsé en F1 et au début de la saison 2000, il était le plus jeune pilote au départ du GP d'Australie.

En 2001, il est passé chez Benetton en difficultés, puis a signé chez BAR en 2003. Et en 2004, il a terminé 3e du Championnat derrière les intouchables Ferrari, après avoir signé sa première pole, sa première troisième place et sa première deuxième place. Au total, dix podiums mais aucune victoire.

Cette fois, ça y est. Lui qui avait lié le sort de sa barbe à une hypothétique victoire va devoir se raser. "Quand j'ai dit ça, je ne pensais pas que j'allais gagner, car j'aime bien avoir la barbe (...) Ca fait un peu hippy, non ?"

Son talent justement récompensé, Button assume décidément parfaitement les premiers rôles.