PARIS, AFP - De pilote de Formule 1 à chef d'entreprise, il y a un pas qu'Alain Prost, quadruple champion du monde au volant, n'a pas su franchir avec la même réussite. Cinq ans après avoir endossé le costume de patron de l'écurie Prost Grand Prix, celui que sa science de la course avait fait surnommer le "Professeur, est passé de l'espoir à l'échec avec la mise en redressement judiciaire jeudi de son entreprise.

Auréolé de 51 victoires en Grand Prix -un record qui n'a été battu que cette saison par le phénomène allemand Michael Schumacher (53 succès)- le Français croyait pourtant détenir toutes les clés du succès pour mener l'écurie Ligier, rachetée en février 1997, vers les sommets.

La façon dont il avait mené sa carrière, géré ses courses, ses saisons, laissait en effet augurer un avenir brillant. L'intelligence du personnage, son charisme, tout autorisait à penser que nul autre que Prost était mieux placé pour parvenir à atteindre des objectifs ambitieux.

Divorces

Treize ans durant, le pilote Prost était resté au sommet... après avoir découvert par hasard le sport automobile lui qui, gamin rêvait d'être joueur de soccer chez les "Verts" de Saint-Etienne, et qu'un bras cassé poussa à découvrir le karting en vacances.

Possédant un sens inné de la mise au point, de la stratégie, Prost se faisait fort d'obtenir le maximum d'une monoplace sans en chercher les limites absolues, se contentant parfois d'être placé pour mieux assurer la route qui mène à la conquête du titre, sachant concilier les exigences d'un sport à risques et la prudence.

Pilote hors pair, Prost n'a pas pu cependant se montrer aussi performant à la tête de son entreprise. N'est pas patron qui veut.

Là où un ancien mécanicien, le Britannique Ron Dennis s'est révélé un meneur d'hommes exceptionnel à la tête de l'écurie McLaren, où un petit garagiste, Frank Williams, autre Britannique, a su bâtir une entreprise prospère, Prost a accumulé les échecs.

Tant au plan financier qu'humain, avec de nombreux divorces au sein de l'équipe dont le dernier en date, d'avec Jean Alesi, en août dernier.

Abandonné

Au sein des "Bleus", les employés étaient nombreux à se plaindre de la froideur du patron, de son manque de communication. Les techniciens, les responsables, regrettaient pour leur part son indécision.

D'autres mettaient l'accent sur le fait que le patron ne savait pas déléguer. Alain Prost voulait s'occuper de tout, gérer le fonctionnement de l'équipe dans le moindre détail.

Mais le plus gros échec du quadruple champion du monde aura été ses relations avec ses partenaires, parraineurs et motoristes. A tel point qu'en moins de deux ans de collaboration, Prost a réussi le tour de force de se voir abandonner par tous.

Contrairement à Ron Dennis qui, au début de l'association avec Mercedes, quand les moteurs partaient en fumée, ne rejetait jamais la faute sur le constructeur allemand, Prost, au moindre problème, montrait son courroux, faisait porter la faute à son partenaire.

Ainsi, dès la mi-saison 1999, le constructeur français Peugeot n'avait plus envie de poursuivre sa collaboration avec l'ancien champion.

Hier adulé, capable de séduire les grands chefs d'entreprise pour le suivre dans ce qui aurait pu être une formidable aventure, Alain Prost se trouve désormais seul, abandonné de toutes parts, avec pour sanction de son échec, une mise en redressement judiciaire.