MONTRÉAL - Bruno Spengler est la preuve vivante que la course automobile ne se limite pas à la F1, IndyCar ou NASCAR. Et qu'il y a moyen de très bien vivre du métier de pilote à l'écart de ces trois circuits qui gravitent en sol nord-américain.

À ce stade-ci de sa carrière, d'ailleurs, le pilote de 26 ans né en France d'un père québécois et d'une mère française ne cherche plus vraiment à réaliser son rêve d'évoluer en Formule 1. Du moins, pas à n'importe quelles conditions.

«J'ai toujours rêvé de faire de la Formule 1 et aujourd'hui encore, si je peux avoir l'opportunité d'obtenir un essai... Mais maintenant, la F1 ce n'est pas à tout prix, parce que j'ai vraiment beaucoup de chance d'être en DTM», a dit Spengler du championnat allemand où il a commencé à évoluer en 2005, après avoir été recruté au sein de la filière Mercedes.

«C'est une série qui est très bonne, très compétitive, et je préfère avoir une voiture pour gagner que d'être en F1 dans une voiture de fond de grille», a expliqué Spengler, vendredi, lorsque La Presse Canadienne l'a croisé dans les paddocks du Grand Prix du Canada à l'Ile Notre-Dame.

La chance de gagner, Spengler l'a eue en DTM jusqu'ici puisqu'il compte huit victoires en un peu plus de 60 courses en carrière, dont une en trois épreuves jusqu'ici cette saison. À part sa première campagne, à l'issue de laquelle il a fini 16e, il a toujours terminé parmi les cinq premiers au classement des pilotes. Il a obtenu le troisième rang en 2006 et 2007, puis le deuxième l'an dernier.

Même s'il a son lot de partisans, Spengler a connu un parcours moins visible que les Jacques Villeneuve, Patrick Carpentier et Alexandre Tagliani à cause de l'éloignement. Il aimerait bien que la DTM vienne un jour disputer une course à Montréal afin que les Québécois apprennent à mieux connaître cette série.

Malgré cet anonymat relatif, les aspirants pilotes d'ici ne devraient pas hésiter à s'exiler en Europe afin de tenter leur chance, estime Spengler.

«Il n'y pas de chemin obligé. Il n'y a pas de règles, en fait, dit-il de la voie à suivre pour devenir un pilote professionnel. C'est sûr qu'en karting, le niveau en Europe est supérieur à celui d'Amérique du Nord. Il y a beaucoup plus de pilotes et en Europe, on a plus de chances de se faire repérer par un constructeur comme Mercedes ou d'autres.» C'est ce qui est arrivé à Spengler, d'ailleurs.

«Il faut être bon, il faut avoir de bons résultats et puis après, si on a la chance de se faire repérer, on obtient un test. Par exemple, moi j'ai eu un test en Formule 3 avec Mercedes. Le test s'est très bien passé et j'ai été choisi comme pilote Mercedes junior à partir de l'année 2003 en F3», explique-t-il.

Même si la F1 semble désormais un rêve lointain, Spengler se satisfait fort bien de sa situation actuelle. Et ils sont de nombreux pilotes à faire de même.

«Il y a peu de séries dans le monde, aujourd'hui, où les pilotes peuvent gagner leur vie, souligne-t-il. La DTM, selon moi, c'est la meilleure série de voitures de tourisme au monde.

«Je dirais que c'est l'équivalent de NASCAR en Europe, ajoute-t-il. Des foules d'à peu près 100 000 à 150 000 personnes viennent voir les courses. C'est très populaire et elle regroupe de grands constructeurs allemands. BMW arrive l'année prochaine, et il y a Mercedes et Audi qui sont là depuis longtemps. C'est une série très professionnelle.»

Extraordinaires à conduire

Et les voitures qu'on retrouve en DTM sont «extraordinaires à conduire», affirme Spengler.

«Ce sont des voitures d'à peu près 470 forces, avec des moteurs V8 de quatre litres, qui pèsent 1050 kg avec le pilote. Les voitures sont donc très légères comparativement à NASCAR, décrit-il. On a beaucoup d'appui aérodynamique, donc on prend jusqu'à trois fois et demi le poids de notre corps dans les virages — c'est cinq à cinq fois et demi dans une F1 — donc on n'est pas si loin. Ce sont de très belles voitures qui font beaucoup de bruit, de beaux bruits.

«C'est pour ces raisons que les gens en Allemagne aiment beaucoup cette série. Les courses sont très disputées aussi, note-t-il. Le niveau de pilotage est extraordinaire. La fin de semaine dernière, il y a eu un écart de quatre dixièmes de secondes entre 15 pilotes aux essais. Il y a beaucoup de bons pilotes et de bonnes voitures.»