La portion du tournoi à la ronde s'est terminée jeudi soir. Un tournoi à la ronde des plus rocambolesques. Au moment d'effectuer le dernier lancer du Canada jeudi en fin de soirée, le dernier lancer de cette portion du tournoi, 8 équipes sur 12 avaient encore espoir de participer à la ronde des médailles. En effet, si le Canada avait réussi à disposer de la Suède, pas moins de cinq équipes se seraient retrouvées dans un bris d'égalité pour la quatrième place et le Canada aurait pu terminer en première position. Du jamais vu, à mon souvenir d'analyste francophone en curling!

Brad Jacobs et sa troupe ont cependant déçu, non seulement les partisans du Canada, mais également ceux de la Chine, de la Suisse, de la République tchèque et de la Norvège. Ils se sont fait quelques amis cependant du côté de l'Écosse qui elle, avec cette défaite du Canada, s'est vu octroyer la première position. La Suède quant à elle, malgré un tournoi à la ronde laborieux, termine deuxième. Les plus heureux furent sûrement les Danois, qui accaparent ainsi la troisième place sans avoir à se taper une multitude de bris d'égalité. Ils devront affronter le Canada en quart de finale vendredi soir. Rasmus Stjerne et ses hommes ont réussi à vaincre le Canada plus tôt dans la journée donc ils aborderont ce match de quart de finale avec confiance.

Parlant de confiance, on peut affirmer sans hésitation que celle-ci a déserté le camp canadien en milieu de tournoi à la ronde. Brad Jacobs a amorcé le tournoi en force avec cinq victoires consécutives. Leur performance laissait croire que le Canada serait très difficile à battre et qu’il se dirigeait vers un quatrième titre mondial consécutif. Tout à coup le ciel leur a tombé sur la tête! Il n’affrontait pas le Gaulois cependant, mais la République tchèque. À partir de cette défaite, on a vu les joueurs du Canada, particulièrement Brad Jacobs, hésitants. Dans les matchs qui ont suivi cette défaite, tout semblait plus laborieux pour les Canadiens. Placements, appels de jeu, stratégies, communication, etc. Dans le creux de la vague, Brad Jacobs a écrit le tweet suivant :

           @bradjacobs15: I feel 65 years old. How guys like Martin, Howard and Stoughton have been skipping for so long is very impressive, I'm #mentallydone #toast

Il se dit épuisé dans ce message qu'il adresse à ses partisans. Il se sent comme s’il avait 65 ans!

Comment un jeune homme dans la force de l’âge comme lui, en excellente condition physique, peut-il se sentir épuiser après huit ou neuf matchs de curling en cinq jours? N'est-ce pas là ce qu'ils font presque toutes les semaines au cours de la saison hivernale? Ne sont-ils pas préparés à jouer ce genre de compétition?

La réponse est à la fois oui et non. Bien sûr qu'ils sont préparés physiquement et mentalement à disputer de nombreux matchs serrés et exigeants. Ils sont prêts à brosser avec énergie 80 pierres par match, deux matchs par jour. Leur condition physique devrait leur permettre de maintenir un niveau de concentration optimal même en période d'activité intense et exigeante.

Par contre, il y a une chose à laquelle on ne peut pas s'entraîner. Il y a une chose que l’on n’apprend pas dans les salles de gym ou sur les glaces. Il y a une chose que notre entraîneur ne peut pas contrôler et ce dernier n’a pas de potion magique à offrir à ses joueurs : elle s'appelle la pression.

La pression de porter la feuille d'érable sur son dos lorsque l'on joue au curling. La pression d'être le favori. La pression d'avoir des millions de partisans qui ne s'attendent à rien de moins que des victoires. Apprendre à contrôler, à négocier avec cette pression ne s'enseigne pas. Elle se vit. Elle s'acquiert avec l'expérience. Sa maîtrise vous propulse vers les sommets ou vous écrase sans vous offrir l’occasion de vous reprendre.

Brad Jacobs dit dans son tweet ne pas comprendre comment Martin, Stoughton Howard et compagnie font pour vivre ces situations d'année en année. Ces joueurs d’élite le font parce qu'ils ont payé leur dû. Parce qu'ils ont acquis cette expérience au fil des années. À leur première expérience dans une situation similaire à celle de Brad Jacobs, ils ont probablement ressenti les mêmes émotions. La seule différence est que ceux-ci ont probablement partagé leurs émotions avec leurs coéquipiers, leurs proches, leurs entraîneurs. Ils ne l'ont pas affiché sur les réseaux sociaux. Autre temps, autres mœurs.

Pour conclure, disons qu'à l'instar de ces grands capitaines canadiens, si jamais Brad Jacobs réussissait à retrouver l'énergie nécessaire pour remporter ses trois prochains matchs et terminer sur la plus haute marche du podium, il aura mérité ses lauriers et pourra affirmer lui aussi haut et fort, comme l’ont fait les Martin, Howard, Stoughton et plusieurs autres avant lui :

«Vini, vedi, vici!1 »

 

1 «Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » - Jules César