Vendredi s’amorce la deuxième portion du Championnat mondial de curling masculin en provenance de Bâle, en Suisse. Le Canada, représenté par la formation de Kevin Koe, a terminé au premier rang du tournoi à la ronde avec une fiche presque parfaite de 10 victoires et une seule défaite et affrontera le Danemark en demi-finale.

Vous avez bien lu! Le Danemark de Rasmus Stjerne, et non pas contre Niklas Edin ou Thomas Ulsrud comme la plupart des observateurs l’avaient anticipé. Edin et Ulsrud ont remporté à eux deux les trois derniers Championnats mondiaux et étaient parmi les favoris pour accéder à la ronde des médailles. La formation écossaise de Tom Brewster, qui a atteint la grande finale à deux reprises au cours des dernières années, a également raté la ronde des médailles. Cette situation fait en sorte que le Danemark, le Japon et les États-Unis se joindront au Canada dans la deuxième portion de ce prestigieux tournoi.

Comment expliquer en quelques mots cette déconfiture de trois des équipes favorites? Comme ancien joueurs de curling, le premier réflexe lorsque l’on assiste à autant de surprises dans un tournoi donné est de jeter un coup d’œil immédiatement du côté des conditions de glace. Le curling est sûrement un des sports où les conditions de jeu peuvent le plus influencer les résultats des matchs. Une glace de moins bonne qualité est certainement un des plus importants facteurs pour ramener les équipes sur un pied d’égalité.

La raison est fort simple : des glaces de mauvaise qualité enlèvent plusieurs options aux joueurs en présence. Dans de moins bonnes conditions de jeu, plusieurs pages des livres de stratégies doivent être éliminées. Ceci prive généralement les équipes les plus talentueuses d’une multitude de coups de finesse qui distinguent les meilleures formations de celles qui aspirent à la devenir. À ce niveau de jeux tous les joueurs sont capables de jouer des poids de sorties avec efficacité ou de faire des placements dans la maison. Mais lorsque la qualité de la glace est déficiente, les sorties en douceur, les contournements précis, les placements appuyés et toute la gamme de coups de finesse ne font guère partie des plans de matchs.

Cette semaine, en raison des conditions météorologiques difficiles à Bâle, les techniciens de glace ont eu beaucoup de difficulté à contrôler la condensation, ce qui a affecté grandement la qualité des coups tentés. Ces conditions ont privé les meilleures formations de certains avantages, pour ne pas dire d’avantages certains. Donc, premier facteur égalisateur important.

L'importance des nouvelles brosses

Un deuxième facteur égalisateur dont nous avons parlé abondamment au cours de la semaine, pour ne pas dire au cours des derniers mois, est l’utilisation des nouvelles brosses et les différentes techniques de brossage utilisées par l’ensemble des formations participant à ce Championnat mondial.

Évidemment c’est plus évident pour un œil avisé que pour les spectateurs qui commencent à s’intéresser au curling, mais les nouveaux outils dont se servent les joueurs sont nettement plus efficaces que par le passé. Plusieurs observateurs les trouvent trop efficaces. Les brosseurs réussissent dorénavant à modifier considérablement les trajectoires des pierres lancées, les faisant même courber au besoin. Notion qui, il y a quelque mois à peine, était tout à fait inexistante dans notre sport. Ceci étant dit, la nécessité dans la précision des tirs est remplacée par une efficacité du brossage. Nul besoin dorénavant d’atteindre le balai (la cible de votre capitaine) avec une précision presque microscopique; les brosseurs apporteront les correctifs nécessaires en cours de route!

Difficile de trouver mieux comme égalisateur des forces en présence. Il est beaucoup facile d’apprendre à bien manipuler la brosse de curling que d’apprendre à appliquer la rotation sur une pierre tout en touchant avec précision la cible donnée par le capitaine. Cette habilité a toujours été la plus difficile à maîtriser pour les joueurs de curling. C’est toujours cette habilité qui a séparé les joueurs d’élite de ceux qui rêvent de le devenir. Malheureusement, cette habilité particulière est dorénavant compensée par un petit coup de brosse d’un côté ou de l’autre au bon moment.

Pour paraphraser un commentaire lu sur les réseaux sociaux cette semaine, « C’est un peu comme si on plaçait un entonnoir devant les cibles pour les archers aux prochains Jeux Olympiques ». Ce commentaire d’un joueur de curling de la région de Québec, Thomas Munroe, donne une excellente image de ce qui est en train de se produire au curling.

Dans ce dossier, l’association des joueurs de curling a réagi beaucoup plus rapidement que la Fédération mondiale de curling. Lors de leur dernière compétition tenue il y a quelques semaines à peine, Pierre Charrette, qui gère les tournois du Grand Chelem, a limité drastiquement l’utilisation de ces nouveaux outils de travail et les résultats furent probants.

La Fédération mondiale de curling a promis d’apporter des modifications à son livre de règlements pour la saison prochaine. Sous prétexte de s’assurer de prendre les bonnes décisions et de ne pas vouloir pénaliser aucune des formations participantes au Championnat mondial, cette lenteur administrative, comparativement à la rapidité d’exécution démontrée par l’Association des joueurs, aura donc fini par pénaliser certaines formations, dont quelques-unes des meilleures au monde.