Ce grimpeur venu d'ailleurs
Tour de France dimanche, 21 juil. 2013. 16:27 samedi, 14 déc. 2024. 13:06Chris Froome, grimpeur venu d'ailleurs, a conclu victorieusement dimanche le Tour de France dont la 100e édition s'est achevée en soirée à Paris sur le succès inédit d'un coureur né en Afrique, le deuxième en deux ans pour les Britanniques.
De la hiérarchie 2012, il ne reste que Froome. Pour des raisons différentes, les autres coureurs présents dans le top-10 de l'année passée ont disparu de la scène. Sauf le grimpeur de l'équipe Sky, deuxième l'an passé derrière son compatriote Bradley Wiggins qu'il avait aidé loyalement.
Sur le podium des Champs-Élysées, l'avenue où l'Allemand Marcel Kittel (Argos) a gagné le sprint de la 21e étape dans le crépuscule de juillet, Froome a cotoyé des représentants de la nouvelle génération, le Colombien Nairo Quintana (23 ans), et de l'ancienne, l'Espagnol « Purito » Rodriguez (34 ans). Deux grimpeurs qui ont trouvé leur maître en la personne du maillot jaune, vainqueur de deux des quatre arrivées au sommet (Ax-3 Domaines, Mont Ventoux) et aussi du sélectif contre-la-montre de Chorges.
Ce 100e Tour, entamé dans l'île de Beauté pour l'un des départs les plus somptueux de l'histoire, a réuni tous les ingrédients d'un grand spectacle. Parcours splendide, absence de temps mort (pour une moyenne élevée), incertitude... au moins relative. Car, si le Britannique a pris les commandes dès la 8e étape, au soir de la première étape pyrénéenne, il a vite montré, sans le vouloir, le défaut de la cuirasse.
Contador dans la difficulté
Le lendemain, son équipe, toute-puissante l'année passée, s'est liquéfiée, à l'exemple de l'Australien Richie Porte qui l'avait si efficacement aidé la veille. Par la suite, elle a affiché à plusieurs reprises ses limites. Sans conséquences pour son chef de file.
Froome n'a donné qu'un seul réel signe de faiblesse, dans la montée de l'Alpe d'Huez, à cause d'un début de fringale. Il a montré aussi ses lacunes techniques en étant piégé par une « bordure » dans la plaine du Berry (13e étape). Faute de l'éducation cycliste que reçoivent les jeunes de la « vieille Europe », habitués à courir au plus juste.
Pour son bonheur, le Kenyan de naissance, qui a entamé sa carrière dans une équipe sud-africaine, un autre de ses pays d'attache, a trouvé dans le système Sky les éléments pour développer ses aptitudes. Comme l'a montré son sprint dans le Mont Ventoux -l'image-choc de ce Tour-, afin de distancer l'Espagnol Alberto Contador, dépassé par le rythme fou de son cadet.
Double vainqueur de l'épreuve à la fin des années 2000, Contador a reculé à la quatrième place. Coureur de caractère, il a attaqué à maintes reprises. Mais sans avoir les jambes à hauteur de son tempérament de battant.
Son directeur sportif Philippe Mauduit reconnaît que « ça va devenir de plus en plus difficile » de gagner un autre Tour : « On est à un tournant de générations, des coureurs comme Quintana arrivent et d'autres, qui ne sont pas encore trentenaires (Froome), continuent de progresser. »
Héritage empoisonné
À 28 ans, le Britannique, qui incarne à un très haut degré le compromis grimpeur/rouleur, semble parti pour une série. Si l'on se fie à son aveu, à la veille de l'arrivée à Paris : « C'est ma sixième année seulement chez les professionnels, j'ai des progrès à faire dans tous les secteurs. »
Vainqueur à 13 reprises cette saison, le lauréat 2013 a reconnu vouloir continuer à se concentrer sur la course-phare de l'année, à l'opposé de la démarche de Wiggins tourné sans réussite vers le Giro cette année. « Je ne pense pas changer grand-chose, j'espère que je serai encore mieux préparé », a-t-il seulement lâché.
Il reste à Froome à éliminer la suspicion qui a entouré ses performances, bien plus - curieusement - que celles de Quintana, pourtant proches des siennes dans le Ventoux. Le Britannique l'a répété maintes fois de sa voix douce : « Je le comprends par rapport à l'histoire du Tour. »
Premier lauréat de l'ère post-Armstrong, après le séisme provoqué par l'annulation pour dopage des sept victoires (1999 à 2005) de l'Américain, il en récolte l'héritage empoisonné. À lui de convaincre les médias et surtout le grand public, échaudé par tant d'affaires, que sa vitesse de pédalage dans les cols et sa recherche quasi-obsessionnelle de la maigreur respectent toutes les règles.