Vingegaard en excellente position pour le doublé
« J'ai cru que mon compteur avait des ratés tellement j'allais vite ». Jonas Vingegaard a pris une sérieuse option sur une deuxième victoire dans le Tour de France en écrasant le chrono mardi à Combloux dans des proportions que personne, même pas lui, n'aurait pu imaginer.
Ils étaient inséparables, se tenant en dix secondes après deux semaines à ferrailler épaule contre épaule. Un monde sépare désormais le Danois de son rival slovène Tadej Pogacar, qui a cédé une minute 38 secondes à la fusée jaune dans un contre-la-montre alpestre qui entre de plain-pied dans l'histoire des performances les plus fulgurantes.
« J'ai passé la meilleure journée de ma vie sur un vélo. Je l'ai senti tout de suite, dès que je suis parti, j'envoyais des watts très élevés, alors que je voulais en garder sous la pédale. J'ai même cru que mon compteur de puissance avait des ratés tellement j'allais vite », a déclaré le leader de Jumbo-Visma.
Bondissant comme un guépard, le Danois a avalé les 22,4 kilomètres du parcours à une allure folle, reléguant son équipier et spécialiste du chrono Wout Van Aert à près de trois minutes, un écart incroyable sur une telle distance.
« Je suis le meilleur des gens normaux », a commenté le Belge qui a tiré son chapeau, ou plus exactement sa casquette, en quittant, avec un énorme sourire, le « hot seat » sur lequel patientent les leaders provisoires de l'étape.
« C'est impossible de comprendre de tels écarts. Enfin si, c'est possible. Ces deux-là sont tellement au-dessus de tout le monde », a ajouté le Belge, alors que le troisième au classement général, Adam Yates, pointe à près de... neuf minutes.
« Pogacar va nous attaquer jusqu'à Paris »
De fait, même archi dominé, Pogacar n'a pas fait un mauvais chrono, terminant lui aussi loin devant les autres. Mais la stratégie de troquer son vélo de chrono contre une machine plus légère au pied de la côte de Domancy s'est retournée contre lui puisqu'il a continué à perdre du temps dans la montée face à Vingegaard, resté sur le même vélo.
« Ça m'a coûté quelques secondes peut-être mais ce n'est pas ça qui a fait la différence aujourd'hui. Ce n'était pas ma meilleure journée. Je n'ai rien pu faire de plus », a réagi le Slovène, vainqueur en 2020 et 2021.
Le Tour est-il joué ? « Non, a assuré Vingegaard. Il reste encore beaucoup d'étapes très difficiles. On doit continuer à se battre.»
Sur le papier, il reste deux étapes à Pogacar pour tenter de renverser la vapeur. Dès mercredi lors de l'étape-reine de cette 110e édition entre Saint-Gervais et Courchevel, avec le terrible col de la Loze où la moindre défaillance se paye en minutes.
Et samedi dans les Vosges avec une succession de cols propices à une offensive d'envergure, à la veille de l'arrivée à Paris.
« Pogacar va nous attaquer jusqu'à Paris et même encore dans le bus entre Paris et la Slovénie », a prévenu le patron de Jumbo-Visma, Richard Plugge.
Mais la perspective d'une troisième victoire de Pogacar a pris un sacré coup dans l'aile et le Slovène lui-même ne s'en cachait pas.
« La course va changer »
« Ce n'est pas encore fini mais il a creusé un gros écart, ça va être difficile de le combler », a réagi celui qu'on surnomme Pogi, dont le visage livide et le regard hagard tranchait avec la détermination froide de son concurrent dont les cuisses remontaient comme des pistons, moulées dans une combinaison intégralement jaune.
Dans le propre camp de Vingegaard, on avait du mal à se remettre de la performance stratosphérique du Danois qui avait assuré dimanche qu'il ne se dopait pas, une question qui se pose inévitablement tellement il va vite.
« Pouah, je sais pas quoi dire, c'est énorme, on ne s'attendait pas du tout à un tel écart », a déclaré Mathieu Heijboer, responsable de la performance chez Jumbo-Visma et en charge du chrono, à l'AFP.
« Les jambes ont parlé, a-t-il ajouté. Maintenant l'écart est fait. Je ne dis pas que le Tour est joué. Mais la course va changer, c'est sûr.»
Wout Van Aert, déjà ravi que son équipe ouvre enfin son compteur sur ce Tour, a également invité à la prudence. « Il faut rester calme. On a gagné le Tour l'an dernier mais on l'a aussi déjà perdu en 2020. »
Il y a trois ans, Tadej Pogacar avait réussi un coup d'éclat similaire en déboulonnant Primoz Roglic, alors leader de Jumbo-Visma, lors du chrono de la Planche des Belles Filles.
Il faudra un exploit du même acabit au Slovène s'il veut encore renverser le Tour.