BREST - Le Tour de France repart samedi de Brest pour une course alléchante, sans favori unique, qui cherche surtout à reconquérir une crédibilité mise à mal par les affaires des dernières éditions.

Inspirée par le grand large de l'Océan qui jouxte la rade du grand port du Finistère, l'épreuve s'est émancipée de la tutelle de l'UCI (Union cycliste internationale), la fédération avec laquelle son organisateur (ASO) poursuit un dur conflit depuis près de quatre ans. Elle s'est placée sous le couvert des instances nationales et l'autorité morale de l'Agence mondiale antidopage (AMA).

Car les scandales à répétition qui ont miné le plus grand évènement de la saison cycliste, sans ruiner pour autant sa popularité, ont tous trait au dopage, fléau du sport contemporain. De suspensions en mises à l'écart, c'est une dizaine de coureurs qui auraient pu prétendre jouer un rôle majeur et qui sont absents du Tour 2008.

En deux ans, depuis le mémorable coup de balai de Strasbourg en 2006, un gros ménage a été fait. Les rescapés ont dû sacrifier à des contraintes de plus en plus poussées qui laissent espérer une course à dimension humaine, attractive, loin de l'époque symbolisée par l'inflexible américain Lance Armstrong, invaincu dans le Tour de 1999 à 2005.

Evans pour repère

L'incertitude, au moins, s'impose au départ des 3559,5 kilomètres, la distance qui sépare Brest de Paris où l'arrivée est attendue le 27 juillet. L'éviction de l'équipe Astana qui a payé les dommages causés ces deux dernières années a provoqué la mise de côté du dernier vainqueur du Tour, l'Espagnol Alberto Contador.

Dès lors, c'est son suivant, l'Australien Cadel Evans, battu seulement de 23 secondes en juillet dernier (3 secondes, bonifications déduites) qui s'installe au rang de premier prétendant. Sans garantie de maillot jaune pour un coureur dont la constance, qualité fondamentale dans une course de trois semaines, représente le meilleur atout.

"Je vais regarder de près Menchov qui s'est préparé tranquillement pour le Tour, Cunego, les frères Schleck et bien sûr Valverde s'il a la même forme qu'au Dauphiné", énumère l'Australien (31 ans) de l'équipe Silence, conscient de jouer la chance de sa carrière.

Avec Evans pour point de repère, le Tour s'ouvre aux appétits multiples: du rapide Espagnol Alejandro Valverde (Caisse d'Epargne), qui pourrait se signaler dès samedi après-midi à Plumelec, au brillant italien Damiano Cunego (Lampre), inspiré par un parcours qui fait une courte incursion dans son pays -seule sortie à l'étranger de l'édition 2008-, du Russe Denis Menchov (Rabobank), l'énigmatique dominateur de la dernière Vuelta, aux chefs de file de l'équipe CSC.

Un parcours emballant

A côté de Carlos Sastre, l'Espagnol abonné aux accessits (4e en 2006 et 2007), pour leader théorique, la formation danoise aligne un duo inédit à ce niveau de deux frères, Frank et Andy Schleck, tous deux capables d'aller très loin. Avec avantage pour Andy, le cadet, néophyte à l'âge de 23 ans de la Grande Boucle mais déjà deuxième du Giro l'année passée.

L'éventail des candidats (Soler, Sanchez, Ricco, voire Kirchen) s'élargit aussi à tous ceux qui affirment viser une étape mais rêvent secrètement d'un coup à la Pereiro, une échappée de grande ampleur sur un peloton passif, qui permit à l'Espagnol (seul ancien vainqueur en lice) de s'imposer en 2006. Mais l'audience mondialisée -180 pays le retransmettent- du Tour est telle qu'un succès d'un jour suffit au bonheur de beaucoup.

Le parcours ? Il a été conçu par Christian Prudhomme, directeur enthousiaste de l'épreuve, afin de sortir des schémas préétablis. A l'exemple de la première journée d'une course sans bonification, qui traverse d'emblée la Bretagne intérieure pour rejoindre les hauteurs de Plumelec. Les sprinteurs, ces hommes souvent en vue dans la première semaine (Hushovd, Freire, McEwen, Cavendish, Ciolek, Steegmans, Zabel, Chicchi, Séb. Chavanel), n'ont rien de garanti.

Le passage tôt venu dans le Massif Central, deux jours après le premier contre-la-montre ramené mardi à 29,5 kilomètres autour de Cholet, la gradation dans les difficultés pyrénéennes, les grands cols des trois journées alpestres, tout concourt à séduire dans l'équilibre de ce Tour novateur, que les coureurs français abordent avec un moral en hausse.

Pour peu que la course marque aussi une rupture avec les mauvaises habitudes, c'est l'ensemble d'un sport, bien au-delà du conflit sur sa gouvernance, qui se parerait de couleurs franches.