PARIS (AP) - Pratiquement resté sur le carreau de la mine de Carmaux, Lance Armstrong a survécu à une terrible déshydratation lors du premier contre-la-montre individuel du Tour du Centenaire avant de se refaire une santé, pour finalement enlever sur les Champs-Elysées son cinquième titre consécutif dans la Grande Boucle.

L'Américain visera l'an prochain un sixième sacre, exploit encore jamais réalisé. Il aura 32 ans.

"Je crois qu'on peut gagner le Tour à 32 ans, même à 34, a déclaré le Texan. Car sur trois semaines, l'expérience compte beaucoup."

Flamboyant lors de ses quatre premiers succès, le coureur d'Austin s'est transformé en gestionnaire avaricieux pour décrocher le cinquième, qui l'a vu rejoindre au palmarès dimanche Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain.

Il a plus contré qu'attaqué dans ce Tour 2003 où il a pourtant établi un nouveau record de vitesse en bouclant le périple à la moyenne de 40,940 km-h.

L'Espagnol Iban Mayo et son compatriote Joseba Beloki ont été les premiers à tenter de déboulonner la statue du commandeur dans la montée vers l'Alpe d'Huez. L'impertinent Kazakh Alexandre Vinokourov s'est joint à la sarabande, avant que l'imposant Jan Ullrich ne se dévoile comme le plus dangereux rival. Royal dans le contre-la-montre de Cap'Découverte (Carmaux), l'Allemand de 29 ans a ensuite lui aussi attaqué le maître dans la montée de Bonascre, avant de récidiver sans succès dans le Tourmalet.

Au final, Armstrong l'a emporté avec une marge de 61 secondes sur Ullrich, infime pour le leader de l'US Postal Service habitué à écraser l'adversité par au moins six minutes d'avantage.

Plusieurs grains de sable ont contrarié la belle mécanique lors de ce Tour 2003. La canicule, des chutes, et une préparation trop dévoreuse d'énergie.

"C'était trop dur, et je ne le referai pas", a-t-il dit à propos du Dauphiné Libéré, où juste avant le Tour il avait signé sa deuxième victoire consécutive. Mais au prix d'une chute, la première depuis plusieurs années, et d'une belle frayeur.

Sans la première victoire de l'US Postal dans le contre-la-montre par équipes, la marge de manoeuvre de l'Américain vainqueur d'un cancer il y a quelques années, aurait été encore plus limitée. Car entre Joinville et Saint-Dizier, son "train bleu" avait relégué la formation Bianchi de Jan Ullrich à 43 secondes.

Sans ce chrono par équipes, Armstrong l'aurait emporté de 18 secondes sur les Champs-Elysées.

Affaibli par des ennuis intestinaux avant le début du Tour, Armstrong a souffert physiquement jusqu'à sa rédemption dans la montée vers Luz-Ardiden. Mentalement, il n'a su offrir à l'opposition sa carapace traditionnelle, son visage impassible de Sphinx. Contrarié par de multiples incidents indépendants de sa volonté, il a même évoqué une conjuration sans véritablement la nommer: ses freins étrangement déréglés dans le Galibier, la roue avant de son coéquipier Pavel Padrnos desserrée dans l'étape de Marseille...

L'opposition a pris acte des fissures dans la cuirasse. Jan Ullrich reviendra, sans doute avec une équipe plus forte l'an prochain. Vinokourov, troisième à 4:14 minutes, se dispersera moins avant le Tour. L'Américain Tyler Hamilton, quatrième à 6:17 minutes avec une clavicule fracturée, peut espérer beaucoup mieux en étant valide. Enfin, les Espagnols Haimar Zubeldia et Iban Mayo, de la formation Euskaltel, qui pointent aux alentours de sept minutes, auront compris qu'Armstrong n'est plus un aigle en montagne, et chercheront sans doute à l'attaquer de plus loin...

"Armstrong peut encore gagner, mais chaque année ses rivaux seront plus coriaces", a estimé dimanche l'Espagnol Indurain, vainqueur comme Armstrong de cinq Tours de France d'affilée.

"Remporter le Tour de France en cinq occasions est déjà un exploit rare."