LA TOUSSUIRE (AP) - Les purs grimpeurs ont pris le pouvoir mercredi lors de la 16e étape du Tour de France marquée par la victoire du Danois Mickaël Rasmussen et la terrible défaillance de l'Américain Floyd Landis, qui en s'écroulant dans la dernière ascension de la journée a démontré qu'il ne possédait ni le moteur ni le carburant de Lance Armstrong.

Sur une attaque de Carlos Sastre (CSC) à 12 km de l'arrivée dans la station savoyarde, Landis est resté collé dans le goudron en fusion, alors que l'autre Espagnol Oscar Pereiro Sio (Caisse d'Epargne-Iles Baléares) s'envolait prendre le maillot jaune qu'il avait déjà détenu deux jours, à Montélimar et Gap.

Landis, désormais pointé à 8:08 minutes du meneur, a perdu le Tour et ne deviendra pas le troisième Américain vainqueur de la Grande Boucle après Greg LeMond et Armstrong.

Après avoir tenu la route lors des trois premières ascensions de la journée, il a cédé dans l'ultime montée. Dans celle où traditionnellement, Armstrong imposait "à la pédale" sa loi d'airain au peloton, à 100 rotations/minute.

Cette deuxième étape de la trilogie alpestre, longue de 182 km entre Le Bourg d'Oisans et la station savoyarde, a donc tenu toutes ses promesses en bouleversant le classement général.

Deuxième derrière Landis le matin, Pereiro Sio possédait désormais 1:50 minute d'avance sur Carlos Sastre, alors que l'Allemand Andreas Kloden (T-Mobile) était troisième à 2:29 minutes.

Le Français Cyril Dessel (AG2R), resté avec les meilleurs, était quatrième à 2:57 devant l'Australien Cadel Evans (à 2:56) et le Russe Denis Menchov (Rabobank), vainqueur de la dernière Vuelta (à 3:58).

Ils étaient donc six à se tenir en moins de quatre minutes.

Les grimpeurs espagnols, en s'adjugeant les deux premières places du général à cinq jours de l'arrivée sur les Champs-Elysées, tenaient la corde pour marcher sur les traces de leur compatriote Pedro Delgado, autre roi des montagnes, vainqueur du Tour en 1988.

"Je ne sais pas si je vais gagner le Tour, car dans un Tour fou comme celui-ci, il faut voir au jour le jour", a déclaré Oscar Pereiro Sio, premier maillot jaune espagnol sur le Tour depuis Igor Gonzalez de Galdeano en 2002. "Le podium, j'ai le droit d'y penser."

L'ex-vainqueur de la Classique des Alpes devrait une nouvelle fois bénéficier d'un terrain favorable, jeudi, lors de la 17e étape longue de 200,5 km entre Saint-Jean-de-Maurienne et Morzine, qui sera marquée par les ascensions du Col des Saisies, de la Colombière et de Joux-Plane.

Il possède assez de ressources en contre-la-montre, pour se tirer du dernier chrono individuel, long de 57 km, qui aura lieu samedi entre Le Creusot et Montceau-les-Mines.

"Si Oscar est en jaune vendredi (au sortir des Alpes), je pense qu'il peut aller au bout", avait déclaré son directeur sportif Eusebio Unzue, lundi à Gap, lors de la deuxième journée de repos du peloton.

La Toussuire, dont le nom vient de "tochière", les souches dans lesquelles on taillait les baguettes de bois qui servaient au berger à guider son troupeau, a prouvé que Landis n'avait jamais véritablement dirigé le peloton. Il avait laissé Pereiro lui prendre le jaune à Montélimar, sans réagir à une échappée de 200 km de l'Espagnol. Trop seul dans sa formation Phonak, sous antalgiques dans ce Tour en raison d'une tête de col du fémur en compote, il a rendu les armes après avoir fait illusion dans trois ascensions sur quatre.

"Il n'était pas bien, je l'ai aidé autant que j'ai pu", a déclaré Axel Merckx, son coéquipier belge, qui l'a accompagné jusqu'à sa défaillance.

Vainqueur du maillot à pois l'an dernier, Rasmussen a pris la direction des opérations dès la premier col de la journée, le Galibier, "toit du Tour 2006", culminant à 2646 m. Accompagné du Français Sandy Casar et du Slovène Tadej Valjavek, il a ensuite basculé seul en tête au sommet du Col de la Croix-de-Fer, deuxième difficulté hors catégorie du jour, avant l'ascension du col du Mollard et l'arrivée inédite sur la Toussuire à 1705 m.

"Quand j'ai vu que j'étais bien dans la Croix-de-Fer, j'ai compris que je pouvais accompagner les meilleurs jusqu'au bout", a déclaré Pereiro Sio.

Tous les favoris ont abordé ensemble l'ascension de la Toussuire, alors que Rasmussen, à l'étage supérieur, s'envolait pour revêtir le maillot de meilleur grimpeur.

Denis Menchov, victorieux à Pla-de-Beret dans les Pyrénées, a lancé la première attaque, à 15 km du sommet. Les T-Mobile de Kloden ont permis à Landis de revenir. Mais il n'a rien pu sur la deuxième accélération, celle de Carlos Sastre qui a fini deuxième de l'étape à 1:41 minute de Rasmussen.

Le Danois a reçu une meule de Beaufort et du vin de Savoie pour son exploit. Troisième de l'étape, Pereiro Sio est lui en passe de devenir le premier grimpeur vainqueur du Tour depuis Marco Pantani en 1998.

Quatrième la veille à l'Alpe d'Huez, Landis franchissait la ligne en 23e position, à plus de 10 minutes de Rasmussen, drapeau américain en berne.