Le Giro, aux mains de Tom Dumoulin, s'interroge sur la capacité du rouleur néerlandais à tenir bon dans la dernière semaine très montagneuse, à commencer par la monstrueuse 16e étape mardi, avec le Mortirolo et le Stelvio sur la route de Bormio.

Une position de force

De loin supérieur aux grimpeurs dans l'exercice du contre-la-montre, Dumoulin dispose d'un confortable matelas. L'avance sur Nairo Quintana (2 min 41 sec) et sur Thibaut Pinot (3 min 21 sec) doit être augmentée du gain prévisible dans le dernier "chrono" dimanche entre Monza et Milan (29,3 km). Au moins de deux minutes, reconnaît-on dans le camp du Colombien même si les avis divergent de l'un à l'autre. Les autres adversaires sont plus loin encore.

Le vainqueur sortant, l'Italien Vincenzo Nibali (4e), pointe déjà à 3 min 40 sec. Sans pour autant être sorti complètement du jeu selon son manager Alex Carera: «Les prochaines étapes lui conviennent et il monte en puissance. Il est toujours dans le coup pour le maillot rose». Le «Requin de Messine» semble être plus dubitatif: «Mes valeurs sont très bonnes. Mais le niveau est très haut, il y en a qui sont meilleurs que moi.»

Une équipe vulnérable

L'amertume de Dumoulin à l'arrivée au Blockhaus (9e étape) reste dans les mémoires. Il venait de perdre son compatriote Wilco Kelderman dans la chute due à une moto des carabiniers. Et avec lui, son coéquipier le plus sûr pour la montagne. 

Sans Kelderman, l'équipe Sunweb s'en remet à trois coureurs (Ten Dam, Geschke, Preidler). C'est peu en prévision des enchaînements de cols et des traversées des vallées. Dumoulin doit donc compter sur sa finesse tactique, jouer avec les alliances, miser sur les intérêts de chaque équipe pour garder ou améliorer sa position au classement, comme souvent dans la dernière semaine d'un grand tour.

Une performance exceptionnelle

Le natif de Maastricht a rivalisé au Blockhaus et assommé ses adversaires à Oropa. Deux montées pentues mais sèches, venues à la fin d'étapes courtes. «Oropa me convenait parfaitement», a reconnu Dumoulin, qui a développé une puissance exceptionnelle dans cette ascension de près de 12 kilomètres (à 6,2 %).

Le numéro du grand rouleur venu des Pays-Bas (1,86 m pour 69 kg) a impressionné et étonné ses adversaires. «Je suis surpris, il est meilleur grimpeur que nous l'imaginions», a reconnu Quintana, lundi, lors de la journée de repos.

Les chiffres par rapport à la performance ahurissante de Marco Pantani en 1999 diffèrent selon les pointages de chronométrage. Il reste que Dumoulin, comparé par ses caractéristiques à Miguel Indurain (le quintuple vainqueur du Tour entre 1991 et 1995), a approché les temps de Pantani, réalisés à l'époque de l'EPO indétectable.

Une mise en garde

«Sa prestation est physiologiquement compatible avec les valeurs qu'il exprime dans le contre-la-montre: une Ferrari peut aussi aller vite sur une montée», estime dans le 'Corriere della Sera' Fabrizio Tacchino, le formateur des techniciens italiens, qui avance plusieurs explications sur le porteur du maillot rose. Entre autres, sa perte de poids menée intelligemment par Dumoulin depuis la Vuelta 2015, qu'il avait ratée de peu, et le facteur météo très favorable du Giro (pas de pluie, peu de vent, température clémente).

Si Dumoulin est évidemment donné pour favori de cette 100e édition («le grand favori» de l'avis de Thibaut Pinot), le technicien italien met toutefois en garde avant la troisième semaine: «À partir de mardi, c'est autre chose. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de haute altitude ou deux-trois grandes montées à la suite. Un physique comme celui de Dumoulin, avec un système immunitaire à la limite, peut être mis en difficulté par des attaques importantes, ou même céder brusquement.» Mais, ajoute-t-il, «si ses adversaires ne tentent pas le tout pour le tout, Dumoulin gagnera».