MONTRÉAL – Tout était en place pour que la première saison de la formation Israel Start-Up Nation sur le World Tour soit catastrophique. Au mieux décevante.

Quand son propriétaire, l’homme d’affaires montréalais Sylvan Adams, a commencé les démarches pour racheter la licence de la formation Katusha-Alpecin, en 2019, rien ne laissait présager qu’une pandémie menacerait la transition normale de son équipe vers le plus haut championnat de cyclisme sur route au monde.

Mais après Paris-Nice, en mars, l’Union Cycliste Internationale (UCI) a annoncé la suspension de ses activités. Il a fallu attendre deux mois avant qu’une ébauche de reprise soit présentée. Et encore, la proposition demeurait conditionnelle à l’endiguement du virus dans les zones visitées. À tout moment, une recrudescence des cas risquait de provoquer l’avortement d’un Grand Tour ou le deuil d’un « Monument ». C’est d’ailleurs ce qui est arrivé en octobre, quand la fragilité de la situation en France a forcé les organisateurs de la classique Paris-Roubaix à mettre une croix sur l’événement.

En plus, « nous avons obtenu notre licence World Tour très tard, le 1er novembre, précise Adams. Pas mal tous nos coureurs avaient été signés en pensant qu’on allait être inscrit dans la [ProSeries, la division inférieure], avec possiblement des invitations aux grands tours comme on en avait reçu dans le passé. Alors on avait une équipe qui n’était pas vraiment une équipe de World Tour. Et malgré ça, je peux dire qu’on a réussi plusieurs premières. »

« Moi, ma marque, c’est Israël »

L’UCI a finalement réussi à sauver le noyau de la saison du World Tour. Ses trois compétitions phares – le Tour de France, le Giro et la Vuelta – ont toutes atteint la ligne d’arrivée. Plusieurs courses d’un jour, dont quatre Monuments, ont pu être complétées. Et en rétrospective, Sylvan Adams peut dire que son équipe a réussi son entrée dans la cour des grands.

Israel Start-Up Nation a vu Alex Dowsett remporter une étape du Giro. Dan Martin a fait la même chose à la Vuelta, qu’il a terminée avec une impressionnante quatrième place au classement général. Il avait aussi enregistré une cinquième place à la Flèche Wallonne.

Parmi les autres « premières » qu’il veut célébrer, Adams mentionne le prix de la Combativité qui a mené Krists Neilands sur le podium de la quatrième étape du Tour de France et la remise du maillot bleu du meilleur grimpeur à Rick Zabel après la première étape du Giro.

« On avait des attentes, mais ça a été peut-être au-delà de nos attentes », conclut le grand patron.

La seule ombre au tableau a été le rendement du groupe qui a été convoqué au Tour de France. Le meilleur résultat au général fut la 40e place de Dan Martin. Collectivement, Israel Start-Up Nation a pris le 19e rang sur les 22 équipes inscrites.

« Le Tour a été un peu décevant, concède Adams, mais on n’a pas été chanceux. On visait de gagner la première étape avec André Greipel. Notre crainte était qu’il ne passe pas à travers les ascensions à Nice, mais finalement il a tout fait seulement pour chuter juste avant le sprint final. On avait aussi espoir qu’il l’emporte sur les Champs-Élysées, où il avait déjà gagné deux fois, mais il est tombé malade trois jours avant la fin et n’a pas pu finir le Tour. Martin s’était blessé au dos au Critérium du Dauhiné une semaine avant le départ et n’était pas bien. Ben Hermans revenait lui aussi d’une blessure et n’a pas montré son vrai visage. »

Un ambassadeur engagé

Mais pour dire vrai, la simple présence d’Israel Start-Up Nation au départ de la Grande Boucle était considérée comme une victoire pour Adams.

Le milliardaire québécois est déménagé à Tel-Aviv en 2016 avec l’ambition de redorer l’image du pays qui avait accueilli ses parents après la Seconde Guerre mondiale. « Je me suis fait faire des cartes d’affaires avec un nouveau titre quand j’ai déménagé ici il y a quatre ans : ambassadeur auto-proclamé d’Israël », dit-il fièrement.

« Mon sionisme vient de mes parents »

Rapidement, sa passion pour le cyclisme s’est imposée comme un vecteur idéal pour ses ambitions. Lorsqu’il a été approché pour s’impliquer dans l’équipe Israel Cycling Academy, Adams a décidé de s’en porter acquéreur aux côtés de Ron Baron, un riche homme d’affaires local. L’année suivante, il a délié les cordons de sa bourse afin de faire passer la formation à un niveau de compétition plus élevé.

En 2018, le philanthrope a frappé un grand coup en convaincant les organisateurs du Giro de disputer ses trois premières étapes en Israël.

« Notre but, c’est à la fois de promouvoir le cyclisme en Israël et d’en faire l’un des sports majeurs du pays, mais aussi de porter la bannière à l’extérieur et de montrer la belle image de notre pays et de notre projet à travers le monde. On est différent dans la mesure où on ne porte pas le nom d’un commanditaire comme les autres équipes. Moi ma marque, c’est Israël. »

La prochaine étape de son plan était d’amener le maillot bleu et blanc au départ de l’événement le plus prestigieux du monde cycliste, ce qui a été rendu possible par l’adhésion de l’équipe au World Tour. Avant chaque étape du Tour de France, cet automne, Adams sortait son vélo et précédait le peloton sur les derniers kilomètres du parcours.

« Notre équipe est là pour aider le développement des Canadiens »

« Les gens sur le bord de la route voyaient mon maillot et criait ‘Allez Israël, allez!’ J’étais tellement fier. Ça me faisait le même effet qu’un bon vent de dos! »

Même loin de son pays natal, Adams continue d’épauler ses compatriotes. La première équipe World Tour d’Israel Start-Up Nation comptait trois coureurs canadiens dans ses rangs, dont les Québécois James Piccoli et Guillaume Boivin. Ils étaient notamment supervisés par le Montréalais Paulo Saldanha, qui porte chez ISN le titre de directeur de la performance. Le prolifique Michael Woods rejoindra tout ce beau monde en 2021.  

Adams, qui avait aussi supporté la défunte équipe SpiderTech au tournant des années 2010, a récemment fait un don de 2 M$ pour la réfection du vélodrome de Bromont, qui porte désormais son nom.

« J’ai toujours ma nationalité canadienne et je n’ai pas oublié mes racines, promet-il. J’ai un amour pour le Canada, le Québec et ma ville de Montréal et je considère qu’Israel Start-Up Nation, c’est l’équipe professionnelle à la fois pour les jeunes Israéliens et les Canadiens. Ce n’est pas un accident si quatre des six Canadiens qui sont sur le World Tour sont chez nous! »