Après des années à se fier à l’allure de course, à la fréquence cardiaque et au ressenti, voici une nouvelle venue dans le monde de la course à pied : la puissance. Préparez-vous à voir augmenter le nombre de coureurs tenant compte de cette donnée. Mesurer votre puissance : voilà une nouvelle façon de progresser comme coureur. 

En cyclisme, les capteurs de puissance sont utilisés depuis des années. Il n’est pas rare d’entendre plusieurs fois le terme watt au gré d’une conversation entre deux cyclistes. Et dans le cas des professionnels, on ne s’interroge pas : leurs pédaliers sont tous équipés de capteurs. Arriver à quantifier cette mesure durant la course à pied, de par la nature complexe de ce sport en raison des foulées variables (contrairement au mouvement constant du pédalier), représentait unWatch bien plus grand défi. Ce n’est qu’en 2015 qu’a été lancée sur le marché la technologie Stryd, capteur léger de la grosseur d’un pouce et qu’on installe sur le dessus de la chaussure.

 

En avance sur son temps, le Stryd n’est pas encore très connu des coureurs, même si cela ne saurait tarder. Polar offre aussi maintenant une telle technologie dans une montre. En bref, ces capteurs mesurent la puissance au moyen d’une combinaison d’accéléromètres et de gyroscopes. D’autres fabricants étant en mode recherche et développement, attendez-vous à ce que divers capteurs soient mis au point dans les prochaines années. Pour plusieurs, dont l’auteur de ces lignes, c’est une des futures avenues de l’entraînement des coureurs. 

 

 

Une question de ratio puissance/poids

L’unité de mesure de la puissance est le watt (W). Les watts sont en quelque sorte la puissance de votre moteur, qui doit contrer la résistance de la course (reliée à la gravité entre autres), de l’air et de la pente. En biomécanique, on mesure la puissance en divisant l’énergie nécessaire pour faire l’effort (en joules) par le temps (en secondes). On ajoute à cela l’énergie dévolue à lutter contre la gravité, laquelle fait entrer en scène un joueur majeur : le poids. Dans le cas d’activités n’imposant pas une lutte importante contre la gravité, comme le cyclisme sur le plat ou le patin, la puissance donne une idée très juste du niveau de performance ; ainsi, dans un contre-la-montre en vélo sur le plat, plus vous développez de watts, plus vous allez vite.

 

En ce qui concerne des activités qui demandent de lutter contre la gravité, comme le cyclisme en montée et la course à pied, on tient compte du poids. En course, donc, tout est une question de ratio puissance/poids. À puissance égale, le coureur plus léger l’emporte. Les meilleurs coureurs d’endurance ont d’ailleurs tous en commun d’être légers. Seule exception, les sprinteurs : une bonne masse musculaire et des fibres rapides sont essentielles afin de développer un maximum de puissance. Pareillement, les coureurs en sentier ont souvent des jambes plus musclées que les coureurs de route, et donc, en théorie, un moins bon ratio puissance/poids. Cela est probablement dû aux forts dénivelés (en descente comme en montée), qui requièrent une bonne endurance musculaire. Une meilleure masse musculaire semble alors souhaitable.

 

Développer une bonne puissance (maintenant qu’en outre on a la capacité de la mesurer), maintenir un poids santé léger et rechercher une bonne économie de course sont de toute évidence des stratégies utiles pour progresser comme coureur.

 

 

Trois applications pratiques

Mieux quantifier l’effort. Plus juste que l’allure ou la fréquence cardiaque, la puissance reste fiable peu importe la surface, le dénivelé, le vent ou le niveau de fatigue. À l’aide d’un capteur, votre entraîneur et vous pourrez plus facilement comparer vos résultats ainsi que suivre et quantifier votre évolution.

Gérer son effort. En vous fiant à la puissance développée pendant la course, vous doserez votre effort de façon optimale, à l’image de Christopher Froome qui, sur un col du Tour de France, jette un œil à son capteur de puissance. Toujours plus nombreux sont ceux qui arrivent à faire des splits négatifs grâce à cette méthode.

Évaluer son économie de course. En comparant par intermittence vos watts par kilogramme, vous constaterez à quels moments une moins grande puissance est développée pour une allure donnée, synonyme d’une économie de course accrue. Beaucoup plus simple et accessible qu’un laboratoire de physiologie de l’exercice.

 

Puissances développées par les meilleurs coureurs

 

Puissance (en watt/kg) développée par le meilleur marathonien (élite). Autres puissances chez les meilleurs coureurs de 100 m = de 11 à 12 W/kg ; de 5 km et 10 km  = 7 W/kg ;  de marathon (récréatif) = de 3 à 4 W/kg. Femmes = valeurs inférieures d’environ 10 %

 

 

À l’ère du #nohumanislimited mis de l’avant lors du franchissement de la barrière des deux heures par Eliud Kipchoge, il est intéressant de constater que des limites de puissance existent et n’ont jamais été dépassées.

  • 6,4 W/kg pour les hommes
  • 5,7 W/kg pour les femmes

 

Q & R

J’utilise déjà un capteur de puissance sur mon vélo de triathlon. Pour mon entraînement de course,  puis-je me fier aux mêmes valeurs de puissance ?

 

Ce serait si simple et pratique de pouvoir se fier aux mêmes valeurs de puissance. Malheureusement, ce n’est pas le cas. La course et le cyclisme sont des activités comportant d’importantes différences biomécaniques. Le travail contre la gravité et les mécanismes d’amortissement et de propulsion, entre autres, sont bien plus exigeants à la course. Il n’existe pas de règle d’équivalence, étant donné que certaines personnes arrivent à déployer davantage de puissance en vélo tandis que d’autres sont plus puissants à la course. L’idéal est d’effectuer deux tests de puissance au seuil fonctionnel (mieux connu par son abréviation anglaise FTP), l’un à vélo et l’autre à la course, afin de déterminer vos valeurs d’entraînement.

 

 

Auteur : Jean-François Harvey,  ostéopathe, kinésiologue et auteur des livres Courir mieux.

 

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