Le gros kayak vert gisait au milieu du salon. Oui, il y a une télévision mais je remarque qu’elle n’est même pas branchée. Dominic Chevrier m’accueille avec un large sourire. Immédiatement, je sens que je m’adresse à une bonne personne qui dégage de la zénitude. D’ailleurs, j’observe quelques bouddhas dans ses appartements.

L’univers de cet adepte de course à pied et de vélo est on ne peut plus simple. « Tu sais, les chandails que je ne porte plus, je ne les conserve pas. » Le meilleur restait à venir.

Natif de Terrebonne, il aura 45 ans en août. « Quand j’étais kid, je me surprenais à regarder les vélos au travers les vitrines et je rêvais », m’explique celui qui court depuis sa tendre enfance. Ses déplacements, il les fait à la course ou en vélo. Début vingtaine, il consulte des revues de vélos et est fasciné par les gens qui partent à l’aventure. Il réalise rapidement que ces humains ne sont pas différents de lui. Il décide alors de s’embarquer dans un projet qui fera basculer sa vie.

À 24 ans, avec son vélo, il se voit offrir un billet d’avion aller seulement pour l’Angleterre. Il n’a que 1700$ dans les poches. Il rentrera au bercail deux ans plus Dominic Chevrier #5tard ! Tout au long de son périple, il se déplacera à vélo. L’Écosse, l’Irlande, la France, la Belgique, l’Allemagne, la Finlande pour ne nommer que ceux-là, se retrouveront sur sa liste.

« Au plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu des idées de grandeur ». À Paris, il fait la connaissance d’une fille originaire de la Russie mais qui parle en Français. Il lui confie qu’il aimerait bien se rendre en Russie. Il doit trouver une façon de traverser la frontière, car ce pays n’accueille pas facilement. Elle lui organise une invitation via un club de sport à Saint-Pétersbourg où il devra participer à des compétitions qu’il ne fera jamais.

« J’ai dû laisser ma copine de l’époque avant de partir et ce fut un moment extrêmement difficile pour moi », relate-t-il. Dans les villes qu’il visitait, il lui arrivait de chanter et de jouer de la guitare dans les endroits publics. Il avait appris une trentaine de chansons qu’il répétait à deux reprises. Il pouvait amasser une centaine de dollars à chaque fois, ce qui lui permettait de s’héberger.

Il a complètement traversé la Russie pour atteindre la ville la plus opposée de Saint-Pétersbourg soit Magadan, un endroit abandonné où l’on retrouve une prison dans laquelle il est impossible de s’échapper. Magadan est située sur le même parallèle que la Baie d’Ungava, ce qui explique que parfois, il pouvait rouler à des températures de -30 Celsius !

Dominic Chevrier #4Une compagnie minière qui exploitait de l’or débourse son billet d’avion en direction d’Anchorage. « J’ignore ce que j’aurais fait n’eut été de cette contribution. Il ne me restait pratiquement plus un sou ! » Il reçoit son vélo en retard, une énorme inquiétude, car il s’agissait de son moyen de transport. Finalement, tout rentre dans l’ordre et se dirige vers Edmonton où il amorcera son retour jusqu’au Québec. Un voyage qui aura duré 22 mois, d’une distance de 25,000 km en vélo. Incroyable. « Ce fut une école de vie, un séjour qui a modifié mes lignes de pensée. En Russie par exemple, régulièrement, les gens m’invitaient à dormir chez eux. Ils me donnaient ce qu’ils n’avaient pas. Ils accusaient un retard de 60 ans et là-bas, tu retrouves les deux extrêmes dans la façon de vivre ».

Dans les années qui suivront, les défis ne cesseront de se succéder. Encore aujourd’hui, la planification s’avère de mise. Soudainement, un grognement vient interrompre notre conversation. Je me retourne pour regarder derrière moi. J’aperçois un énorme cochon. « Je te présente Vegie, un male de 80 kilos qui aura 4 ans en décembre prochain. C’est comme un chien. Il dort même avec nous dans le lit », m’explique tout bonnement Dominic. Mais pourquoi avoir choisi un porc ?

C’est à ce moment que toute la philosophie véganisme entre en considération. Lui et son épouse ont décidé de transformer leur alimentation il y a cinq ans pour devenir végan. »Je n’ai jamais voulu faire des affaires comme tout le monde. Je ne suis pas un conventionnel. Je cours pour les animaux et je les aide en ne mangeant plus de viande. Nous avons développé une certaine compassion et j’ai même l’intention d’organiser une course qui me permettrait d’amasser des fonds pour verser à des associations qui protègent les animaux. »

Calme, sérénité, compassion, des mots qui appartiennent au vocabulaire de Dominic. « Je ne prends jamais le chemin le plus facile dans la vie et cela peu importe le milieu. Cette façon contribue à me faire grandir.»

Employé de Postes Canada depuis cinq ans, il se rend au travail à vélo et livre son courrier en courant ! De cette façon, il peut franchir 100km de course à pied et plusieurs km de vélo par semaine. L’hiver, il court en short et a déjà fait la distance marathon à -20 Celsius !

Dominic et Caroline Mainville, mariés depuis 2011, ont choisi de ne pas avoir d’enfant. « Un choix qui nous convient. » D’ici deux ans, il voudrait poursuivre son travail en Gaspésie, un terrain de jeu incroyable pour ce personnage particulier. « Je ne suis pas un gars de vitesse. J’aime me déplacer du point A au point B. Pour moi, cela représente une aventure à chaque jour. Il faut vivre le moment présent et savoir apprécier. Tu sais, si je me retrouvais seul sur la terre, je vivrais dans les montagnes ! »

Celui qui espère courir un jour le trail des Appalaches, a pris part à cinq marathons, il y a bien longtemps car dorénavant, on ne parle que d’épreuves en forêt. Pour lui, l’époque des triathlons avec les vélos formule Ferrari est révolue dans son esprit. Le voilà converti au vélo sur de la roche, avec de plus grosse roues, un milieu qui lui convient mieux que le sophistiqué.

Même s’il sait qu’il vieillira un jour, il continuera à s’imposer des défis tout en s’ajustant à travers les années. Et Vegie sera toujours là pour grogner sa joie de voir son maître se surpasser !