Pierre Léveillé jouit d’une grande crédibilité dans le monde de la course à pied au Québec. Récemment, il a communiqué avec moi pour m’informer qu’une personne qu’il connaissait très bien avait couru 9000 km dans une même année, soit en 2020.

Vous comprendrez mon hésitation avant de lui répondre. Je croyais à une mauvaise blague, mais pourtant, je ne le connais pas sous cet angle. Du tac au tac, je lui ai répondu que le gars ne pouvait conserver une moyenne de 25 km par jour pendant 365 jours consécutifs, que c’était logiquement impossible.

Il a insisté et finalement, j’ai succombé. J’ai communiqué avec Dominc Royer, l’extra-terrestre qui est possiblement arrivé de Mars suite à la dernière exploration de la NASA sur cette planète !

Non, mais sérieux !

« Je n’aurais jamais cru que j’allais atteindre cet objectif car ma plus grosse année avait été de 5800 km ! » Ouf ! Quand même.

Le coureur de 32 ans devait participer à cinq marathons en 2020 comme lapin de cadence pour des chronos qui tournaient aux alentours des 3h. Tout a été annulé à cause de la pandémie. « J’ai commencé à courir comme un vrai malade et je me suis retrouvé avec 4,000 km au compteur au mois de juin. Je n’avais que cette préoccupation car tout était fermé. C’est à ce moment que je me suis dit que je pouvais me rendre à 8000 km d’ici la fin décembre. On m’a traité de fou à maintes reprises », me raconte-t-il en riant.

UN CHIFFRE QUI FRAPPE L’IMAGINAIRE

Le 13 décembre, il avait complété ses 8000 km et un copain l’a mis au défi de se rendre jusqu’à 9000 km, ce qui représentait 1000 km en 18 jours. « Je me suis dit que c’était trop ». On devine que cette attitude de sa part n’a pas duré ! Car la dernière journée, il dit s’être contenté de 40 km !

En décembre dernier, dépanneurs et toilettes n’étaient pas disponibles. Souvent, il a dû revenir à la maison pour s’abreuver, manger, changer ses vêtements et repartir ! Nous lui avons demandé s’il a voulu épater la galerie avec cette incroyable performance ? « Je suis conscient que ce chiffre frappe l’imaginaire. Je suis un passionné de la course à pied. Je cours lentement pour éviter les blessures et je ne te cacherai pas qu’aujourd’hui, quand les gens m’en parlent, je ressens un sentiment de fierté. »

Kinésiologue et massothérapeute à la boutique Endurance où il y travaille depuis sept ans, Dominic croit avoir fait preuve de sagesse dans ce défi. « Je vais t’avouer que parfois, après 30 km, j’avais le goût de rentrer à la maison. Il fallait que je m’en éloigne pour continuer. L’aspect mental joue pour beaucoup dans ce genre d’accomplissement. »

Tout au long de l’entretien, je me demandais ce qui avait bien pu le motiver autant à courir. Je l’ai su. « J’ai vécu une séparation et je ressentais le besoin de régler des choses avec moi-même. J’ai appris à me connaître car on se retrouve rarement seul avec nous-mêmes. Ça m’a permis de répondre à plusieurs interrogations et de trouver des solutions à mes problèmes. Je pense être parvenu à mettre le doigt sur mes bobos. »

Par exemple, en décembre, Dom avait l’habitude de festoyer mais en 2020, il a dû respecter son horaire rigide car il ne pouvait se permettre de sauter une journée. Il court depuis 2012 mais détrompez-vous, il n’a aucunement l’intention de poursuivre avec cette cadence.

UNE MINCE LIGNE

« Tu sais, la ligne est mince entre devenir une personne inspirante et frapper le mur. Voilà pourquoi je devrai opter pour un chemin différent, je trouverai bien un autre défi qui saura me plaire. »

Excellent joueur de baseball pendant plusieurs années, il se souvient que les équipes n’optaient pas pour ses services à cause de son talent mais les équipes savaient que lorsqu’il se retrouvait sur leur alignement, elles allaient traverser un calendrier gagnant.

Dominic a fouillé dans les archives au Québec. Il serait étonnant de voir un adepte de la course à pied qui a couru autant en douze mois et cela même au niveau canadien. Toutes ses sorties sont répertoriées sur Strava. Il sait qu’il aurait pu se déplacer à vélo, en auto, sur une planche à roulettes ou même prêter sa montre à un ami. Il ne possède pas d’auto, ni de vélo, ni une planche.

Toutefois, il jure sur la tête de son père qu’il a vraiment franchi les 9000 km et il sait que plusieurs personnes l’ont vu défiler durant toute l’année 2020.

Il donne cet exemple qui vient prouver comment il pouvait être intense. « Mon ex-beau-frère réside à l’Assomption. À l’époque, je disais à ma femme de se rendre en auto chez-lui et que j’allais faire les 40 km en courant pour la rejoindre. Une fois sur place, je prenais une bière avec eux mais en courant sur un tapis roulant ! »

Je venais d’obtenir la clef.

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