Il faut parfois voir la vérité telle qu’elle existe. Inutile de mettre des œillères pour tenter de cacher ce qui peut se dérouler.

 

Je reviens sur cet article publié jeudi dernier et qui a causé de nombreuses réactions et activé plusieurs discussions. À vrai dire, je m’en attendais et je m’étais préparé à divers propos, positifs comme négatifs.

 

Je pense qu’il faut comprendre correctement la situation. D’ailleurs, Sébastien Bolduc, organisateur du marathon de Rimouski a senti le besoin et pris le tempsBolduc 1 de nous expliquer clairement ce que vivaient les responsables des événements suite aux exigences de la santé publique du Québec.

 

Ses propos sont venus jeter une lumière nette et sans ombrage sur ce qui se déroule présentement. Pour ceux et celles qui n’auraient pas lu les propos de Sébastien Bolduc, voici ce qu’il avait à raconter suite à mon dernier article :

 

 

LES EXPLICATIONS

 

À titre d’organisateur du Marathon de Rimouski, je suis assez dubitatif quand je vois de grands événements lancer leurs inscriptions comme si de rien n’était dans les conditions actuelles. Est-ce en raison d’une confiance inébranlable que les règles s’assoupliront considérablement d’ici l’automne, d’un aveuglement volontaire, d’une planification extrêmement rigoureuse, ou parce que les inscriptions constituent le principal revenu de l’organisateur? Mais pour ma part, dans l’état actuel des choses, l’organisation d’un événement regroupant quelques milliers de participants, surtout en milieu urbain, m’apparait comme tout un défi, pour ne pas dire difficilement envisageable.

 

On réfère souvent à la limite de 2500 personnes, qui vient d’être rehaussée à 3500. Or ce n’est pas le seul paramètre imposé aux organisateurs, et pas nécessairement le plus contraignant. Au-delà de ce chiffre, les consignes exigent aussi de tenir compte d’une superficie minimale par personne qui varie selon que celles-ci occupent une place fixe ou qu’elles circulent sur un site.

 

Ainsi, un organisateur de spectacle peut aménager des sections de 250 personnes où il doit prévoir une superficie de 4 mètres carrés par personne. Toutefois, pour un événement sportif où les gens circulent sur un site, il faut tenir compte d’un minimum de 10 mètres carrés par personne. Pour donner un exemple concret, au Marathon de Rimouski, le site où se tiennent l’accueil des participants, le départ et l’arrivée, en bordure du fleuve, est évalué à environ 16000 mètres carrés. Nous avons déjà accueilli plus de 4000 participants, et avec les spectateurs, les accompagnateurs et les bénévoles, il y avait probablement de 6000 à 8000 personnes au plus fort de la journée.

 

Avec le ratio exigé de 10 mètres carrés par personne, si l’interprétation que nous faisons des règles est exacte, il faut considérer nous ne pourrions y accueillir plus de 1600 personnes cette année, y compris les spectateurs. Et même si le gouvernement augmentait la limite à 10000 personnes, tant que le ratio de 10 mètres par personne sera exigé, la limite sera celle imposée par la superficie du site, c’est-à-dire 1600.

 

Bolduc 5C’est pour cette raison que nous envisageons de tenir un événement d’environ 800 participants afin de respecter la limite de 1600 personnes, en présumant d’un spectateur ou d’un accompagnateur par coureur. Toutefois, est-ce que ce calcul sommaire satisfera les autorités publiques, ou nous exigera-t-on de clôturer le périmètre du site et d’en contrôler l’accès? On ne le sait pas encore, et ça fait partie des réponses que nous attendons. Je passe outre certaines autres petites tracasseries que soulèvent les consignes à respecter, mais une chose semble assez certaine : dans les conditions actuelles, notre capacité d’accueil est 4 à 5 fois moins élevée qu’à l’habitude.

 

En tenant pour acquis que notre événement accueillerait seulement 20 % à 25 % de sa clientèle habituelle, vient ensuite la question des finances. Une portion des coûts est constituée de frais variables, c’est-à-dire qui sont relativement proportionnels au nombre de participants. C’est le cas par exemple des dossards, des puces de chronométrage, des chandails et des médailles, ou des fournitures pour les ravitaillements. Ceux-là ne sont pas trop un problème.

 

Toutefois, les dépenses comme la signalisation, les premiers soins, la location d’équipement ou l’animation, sont à peu près les mêmes, peu importe le nombre d’inscrits. Et le déploiement logistique n’est pas nécessairement réduit d’autant avec les règles actuelles. Par exemple, dans l’aire de départ ou d’arrivée, où les participants sont moins mobiles, il faut tenir compte d’un ratio de 4 mètres carrés par personne, ce qui veut dire qu’il faut aménager des aires de départ et d’arrivée pour 50 ou 60 personnes de dimensions qui permettraient d’en accueillir normalement 10 fois plus. Les économies d’échelle sont donc limitées. Enfin, il y a de nouveaux coûts à assumer, ou du moins à prévoir, en lien avec les mesures sanitaires, ne serait-ce que pour le lavage des mains ou le port du masque pour les bénévoles.

 

Au niveau des revenus, le calcul est simple. Vingt-cinq pour cent de la clientèle habituelle, ça donne pas mal 25 % des revenus habituels. Il faut aussi considérer que les revenus connexes, comme la vente d’articles promotionnels ou la présence d’exposants sur le site, pourraient être eux aussi compromis.

 

On en arrive donc à la profitabilité de l’événement. En fait, pour le Marathon de Rimouski, je devrais plutôt parler de la volonté de présenter un budget à peu près équilibré. Notre événement étant organisé par un OBNL et par une équipe entièrement bénévole, sans aucun salarié, nous ne cherchons qu’à équilibrer le budget, question de pérennité, mais si nous devons assumer 70 % des coûts habituels avec seulement 25 % des revenus auxquels nous sommes habitués, vous comprendrez facilement que le compte n’y est pas!

 

Plusieurs personnes nous proposent généreusement d’augmenter un peu le coût d’inscription pour nous aider à boucler le budget. Mais pour arriver avec 70 % des coûts et 25 % des revenus, il faudrait pratiquement tripler les tarifs, ce qui nous semble prohibitif.

 

Dans la réflexion, il faut aussi tenir compte des délais, que ce soit pour signer les ententes avec les fournisseurs, demander les différentes autorisationsBolduc 3 nécessaires et procéder aux commandes des fournitures nécessaires, et en temps de Covid, tout est plus long, plus cher et plus compliqué. Un petit événement local avec 100 coureurs peut s’organiser en quelques jours, mais plus l’événement est gros, plus ça demande de la planification. Pour le Marathon de Rimouski, le point de non-retour est d’environ 2 mois avant le départ, c’est-à-dire au plus tard en début juillet pour être prêt le 12 septembre. Ça approche rapidement!

 

Enfin, sachez que peu importe ce que contient le libellé du formulaire d’inscription, l’organisateur est tenu de vous rembourser intégralement, y compris les frais de transaction qui sont perçus par la plateforme d’inscription, s’il n’est pas en mesure de présenter l’événement, et ce, peu importe la raison. C’est une disposition de la Loi sur la protection du consommateur auquel nul ne peut déroger, donc si vous ne souhaitez pas participer à un événement virtuel ou reporter votre inscription à une autre année, vous avez droit de récupérer votre argent.

L’an passé, lors de l’annulation de l’événement, notre organisation a remboursé intégralement toutes les inscriptions, ce qui nous a coûté près de 6 000 $ en frais de transaction. Pour éviter que ça se reproduise cette année, nous attendrons évidemment d’avoir une très bonne confiance, pour ne pas dire une quasi-certitude, de pouvoir tenir l’événement selon les paramètres annoncés avant d’ouvrir les inscriptions.

 

Dans ces circonstances, croyez-moi que c’est tout un défi de tenter d’organiser un événement, et le défi croît avec la taille de ce dernier. Soyez indulgents et compréhensifs envers les organisateurs, parce qu’il y a pas mal plus à considérer que la limite de 2500 ou 3500 personnes à laquelle on réfère généralement. Je constate que plusieurs organisations tardent à s'avancer, et je n’y vois pas un signe de peur, de résignation ou de défaitisme, mais plutôt le signe d’une démarche rigoureuse et prudente en cette période ou plein de questions restent en suspens. Et comme le dit l’adage, quand ça l’air trop beau pour être vrai, c’est que c'est peut-être le cas.

 

 

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