Laurent, mineur de profession, décédé à 92 ans, doté d’une endurance peu commune et sa femme, Bernadette Bisson, décédée à 82 ans, du caractère à revendre, voilà ce qui explique en partie les prouesses des membres de la famille Rancourt à la course à pied. Un clan de douze enfants, dix gars et deux filles. Sur le lot, neuf gars et une fille courent régulièrement.

Né à Sainte-Germaine-Boulé, Bernard Rancourt célébrera ses 65 ans le 28 octobre prochain et là, on parle d’un phénomène. Timide, il devient inconfortable quand on lui fait remarquer qu’il sort véritablement du peloton.

Au moment d’écrire ces lignes, c’est plus de 400 marathons courus par les Rancourt. « Nous sommes assidus lors des entraînements. Personnellement, je dois parfois modérer mes allures Rancourt #2car je suis assez intense », nous confiait-il, à deux jours du marathon de Montréal qui allait être son 93e en carrière. Son frère Benoît en totalise 152 ! Bernard devrait franchir la centaine à Montréal en 2020. Pourquoi dans la métropole ? Tout simplement parce que l’une de ses deux filles y demeure ! Pas compliqué le monsieur, n’est-ce pas ?

Il entame  la course à pied dans les années 70 uniquement dans le but de se préparer pour les différents sports hivernaux qu’il pratiquait. Il faudra attendre en 1982 à Rouyn-Noranda pour un premier marathon dans une grande souffrance, avec peu d’entraînement et un temps exceptionnel de 3h47 ! Il ne voulait plus revivre pareil cauchemar. Or, comme plusieurs, il s’est fait prendre au piège !

L’année suivante, il roule 3h15 à ce même 42km. À ses yeux, un marathon, c’est 32km de patience et 10km de course. Habituellement, il obtient 1h42 pour sa première portion et 1h41 pour la 2e. De ce fait, il parvient à conserver les mêmes standards depuis 2011. « Je fais des foulées économiques. » Inouï.

Ce qu’il adore dans ce milieu est le social. Il aime jaser, croiser d’autres adeptes et ça transpirait durant l’entrevue. « J’admire les gens qui courent pendant cinq heures. Il faut être capable de s’auto-évaluer dans ce milieu, ce qui m’a permis de progresser comme être humain. » Avec 11 participations à Boston dont huit consécutives, il faut une femme compréhensive. Christiane Audet ne court pas.

Un beau 40 ans de mariage. Il gesticule quand vient le temps de nous raconter comment il l’a remarquée. « Ce fut un vrai coup de foudre. J’avais 17 ans et je travaillais à l’entrée lors d’une soirée dansante. Quand je l’ai aperçue, j’ai figé. Elle n’avait que 14 ans mais je savais déjà que c’était la bonne. » Le mariage fut célébré le 28 juillet 1979.

Chez les Rancourt, les voyages deviennent une occasion de fraterniser, des rendez-vous qui amplifient les liens familiaux. On devine que le groupe est soudé solidement. Ses deux filles, Anicée, 37 ans et Jade, 35 ans ne courent pas.

Aucune blessure depuis 2015, il reconnaît être plus raisonnable pour ses entraînements. « C’est agréable d’établir des performances mais ce ne sont pas nécessairement mes plus beaux souvenirs », ajoutant que la tradition se poursuit après un marathon pour ces coureurs, soit de prendre une p’tite bière tout en décortiquant le marathon. Je l’ai surpris lorsque je lui ai demandé s’il courait autant si ses chronos n’étaient pas au rendez-vous. « Voilà une bonne question et j’avoue n’avoir jamais pris du recul sur le sujet. Oui, le temps représente le résultat d’un effort mais il existe tellement d’autres facteurs qui me réjouissent autour des marathons. Lorsque je ralentirai, je m’ajusterai. Tu sais, la nécessité est la mère des inventions », mentionne celui qui franchit 60km par semaine en entraînement.

Le fait saillant de sa carrière survient au marathon de Montréal. En 1984, il roule 2h59:30 et l’année suivante, 2h59:45. Il se met alors de la pression et estime qu’il ne peut se permettre des temps Rancourt #3supérieurs à 3h. En 1986, il revient à Montréal et ne termine même pas son marathon. En 1989, il décide de tout arrêter. Brûlé, il devient incapable de trouver de la motivation. Physiquement et mentalement, rien ne va plus.

Sous l’invitation de son frère Benoît qui réside à Québec, il reprend le collier pour la première édition du marathon des deux rives Lévis-Québec. « Ce fut ma pire expérience à vie car j’avais oublié comment on courait un marathon. À partir de cet instant, il devenait clair dans mon esprit que pour mes prochains défis, j’allais tous les compléter. Disons que depuis ce temps, je gère mieux mes participations. »

Bernard a œuvré longtemps dans le milieu forestier et aujourd’hui, il travaille occasionnellement pour une compagnie privée dans la location de main d’œuvre pour les mines. Il donne des formations pour une vingtaine d’heures par semaine. Il anticipe prendre sa retraite à 68 ans.

Bernard se souvient que son père courait des 5km à 60 ans. « Tu sais, ces gens là étaient résilients. » Je le croyais sur parole car j’en avais justement un devant moi !