Le combat de Sheever sur le ring de The International 8
eSports / Jeux vidéo lundi, 27 août 2018. 11:02 lundi, 27 août 2018. 11:02Par Alban Quénoi - Depuis maintenant sept ans, The International pose son empreinte indélébile sur le jeu vidéo compétitif. Bien entendu, c’est à travers son immense trésor de guerre qu’il s’illustre, pactole accumulé par le soutien de la communauté, mais aussi le génie marketing de Valve. Mais au-delà des millions, le TI se distingue par ses moments mémorables, ses reportages et entrevues inédites, souvent osées ou carrément ridicules, que l’on doit à l’immense équipe de talents réunie pour l’occasion.
De l’inimitable Paul “RedEye” Chaloner à la folie de Jake “SirActionSlacks” Kanner, sans oublier les marquantes entrevues des malheureux éliminés menées avec abnégation par Alex “Machine” Richardson, Valve sait rendre son événement phare unique, d’année en année. Reportages sur des foyers de communauté du Brésil jusqu’au Japon, affrontements entre l’Humanité et l’OpenAI d’Elon Musk, il y en a pour tous les goûts.
Mais l’un des moments marquants de cette semaine de compétition restera pour moi le combat d’une vie : celui de Jorien van der Heijden, alias Sheever, face à la maladie.
Sheever est un visage bien connu des amateurs de Dota 2. Impliquée de longue date dans la scène, la Néerlandaise a connu un parcours presque classique pour le milieu. Joueuse de Warcraft III et ses déclinaisons, puis Dota 2 depuis la beta, c’est à travers un tournoi amateur qu’elle commente ses premières parties. Elle rejoint l’équipe de GosuGamers en 2012, année de The International 2 sur lequel elle est invitée en tant que commentatrice. Elle ne manquera que l’édition de 2013, passant principalement au rôle d’hôte, tant pour les TI que pour la Dream League ou encore le Starladder.
Une trajectoire frappée de plein fouet début mai 2017 : Jorien est diagnostiquée d’un cancer du sein, à 32 ans.
Dans un milieu professionnel souvent réputé pour le moins compétitif, la nouvelle aurait pu sonner le glas de sa carrière. Mais Sheever est finalement convaincue par sa soeur de rendre sa condition publique, ce qu’elle fait deux semaines plus tard, sur sa chaîne Twitch. Sheever tient à jour un blog dédié, révélant les détails de cette lutte de longue haleine face au crabe.
Depuis ce jour, les messages de soutien ont afflué de toutes parts sur la scène Dota 2, et au-delà. Un support crucial, de la part d’une communauté qu’on dit souvent extrême, voire toxique, pour ne pas dire… “cancer”.
Le symbole le plus fort est probablement ce tweet de la part de John Bain :
Hey @sheevergaming stay strong, eat well and rest. You'll be thru the treatments and back in action in no time. DOTA has no surrender button
— TotalBiscuit (@Totalbiscuit) May 14, 2017
Une pique envers League of Legends? Plutôt anecdotique, ce point de discordance entre les deux MOBA dominants n’est qu’un point d’appui pour un message puissant de la part de TotalBiscuit, qui lui nous a quitté en mai dernier, après quatre ans de lutte contre un cancer du côlon.
Ce sont également les organisations qui se sont joint au mouvement : Sheever a pu continuer à travailler pour de multiples tournois malgré sa condition, entre deux traitements de chimiothérapie ou radiothérapie.
C’est donc dans ce contexte qu’a été diffusé mercredi au TI8 “Sheever’s story”. Un portrait touchant de Jorien van der Heijden et sa famille, en première ligne de soutien avec son compagnon Owen Davies, également commentateur Dota 2. Un documentaire émouvant, à contrepied de l’ambiance habituelle d’un événement esport, qui restera personnellement gravé dans ma mémoire comme l’un des moments les plus forts du sport électronique.
Depuis quelques années, les organisateurs rivalisent de créativité pour transformer chaque compétition en un spectacle aux ascenseurs émotionnels intenses. Mais mercredi, Valve est allé sur un terrain pour le moins inexploré, face à une audience que l’on pourrait imaginer peu concernée par un sujet aussi grave que le cancer du sein.
Je me suis posé un instant la question de la pertinence de ce reportage dans un tel contexte. Mais l’image qui a suivi sa diffusion au Rogers Arena de Vancouver aura dissipé tout doute : Sheever au centre d’une loge emplie par ses collègues de travail et amis, sa seconde famille. Un hommage au combat menée par un des membres les plus attachants de cette communauté, permettant par là-même de mettre un coup de projecteur sur un ennemi bien différent de ceux affrontés lors des joutes virtuelles.
De nombreuses organisations et initiatives existent pour la lutte contre le cancer. Pour plus d’informations, tournez-vous vers le site de la Société canadienne du cancer.