MONTREAL - Après des mois de tergiversations, les politiciens ont finalement remporté leur pari de ramener le Grand Prix du Canada de F1 à Montréal à des conditions acceptables pour le contribuable. Un an après avoir refusé une offre sensiblement semblable des gouvernements dans une ultime tentative de sauver l'événement, Bernie Ecclestone s'est finalement résolu à organiser de nouveau la course dans la métropole.

"Aujourd'hui, c'est une grande journée pour Montréal. La F1 dit oui à Montréal et Montréal dit oui à la F1, mais pas à quel n'importe prix", a lancé, enthousiaste, le maire Gérald Tremblay, entouré notamment du ministre fédéral des Travaux publics, Christian Paradis, et du ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand.

"Nous voulions une course de classe mondiale qui respecte la capacité de payer des contribuables. Nous sommes maintenant en pole position pour le 13 juin 2010", a-t-il ajouté.

À l'unisson, les intervenants jurent que toutes les parties sortent gagnantes de cette entente. En vertu de celle-ci, les trois paliers de gouvernements et le secteur touristique privé, par le biais de Tourisme Montréal, versent un total 75 millions $ sur cinq ans pour la tenue de l'événement.

Le gouvernement du Canada et Tourisme Montréal octroient chacun 5 millions $ par année, le gouvernement du Québec contribue à hauteur de 4 millions $ et la ville de Montréal ajoute 1 million $. En contrepartie, ils toucheront une partie des revenus de la billetterie.

Pour Raymond Bachand, qui chiffre à 18 millions $ par an les retombées fiscales du Grand Prix, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une offre financièrement responsable.

"Essentiellement, il s'agit de la même proposition que celle que nous avions déposée en novembre 2008, a-t-il précisé. Nous avions alors mis sur la table 10 millions $ par année. Cette fois-ci, c'est 15 millions $ mais avec 30 pour cent des revenus de la billetterie, ce qui devrait nous rapporter entre 4 et 6 millions $."

L'an dernier, Ecclestone réclamait quelque 175 millions $ pour organiser une course à Montréal pour cinq ans. Comment alors expliquer ce revirement de la part d'un homme d'affaires intransigeant?

"L'économie mondiale a changé et Montréal demeure une belle course pour lui", a ajouté le ministre Bachand.

Le maire Tremblay a précisé que Ecclestone souhaitait le retour du Grand Prix et il a aussi rappelé qu'il n'est plus seul maître à bord dans la société Formula One Management.

"Il s'agit d'une société à capital de risques et ils n'ont retiré aucun revenu de Montréal en 2009. Les grands constructeurs ont également fait pression pour que la course revienne à Montréal", a dit le maire.

Pas de passe-droit

Plusieurs sources ont laissé entendre que Ecclestone voulait obtenir l'assurance des gouvernements qu'il n'aurait pas à payer des impôts ici et que c'est cela qui a retardé la conclusion d'une entente.

"M. Ecclestone n'a jamais demandé de ne pas payer ses impôts au Canada, a clarifié M. Bachand. Il veut être traité comme n'importe quel autre contribuable.

"Pour être très précis, a-t-il poursuivi, deux compagnies seront impliquées dans l'organisation du Grand Prix. C'est la firme de François Dumontier - Octane Management - qui agira comme opérateur, qui vendra les billets et qui aura la responsabilité de collecter les taxes et de payer les impôts. Quant à Ecclestone, il va payer ses impôts comme il l'a déjà fait par le passé. Il n'y a aucun passe-droit."

Pourquoi alors a-t-il fallu autant de temps avant une annonce officielle?

"Fondamentalement, l'entente a été conclue au mois d'août, a répondu M. Bachand. Mais les avocats se sont ensuite mis au dossier. Un accord esquissé sur deux pages est devenu trois contrats complexes. Il fallait régler les questions fiscales, protéger notre investissement et régler une foule de clauses techniques entre le parc Jean-Drapeau et l'opérateur."

Et à ses dires, Montréal a conclu une entente avantageuse par rapport à d'autres villes qui organisent un Grand Prix.

"Je connais certaines ententes et je peux vous dire que nous avons conclu une excellente transaction. Il y a des villes dans le monde qui paient beaucoup plus cher pour leur Grand Prix", a déclaré le ministre.

Surtout que les gouvernements se sont assuré de protéger leur investissement en prévoyant une clause où l'organisateur s'engage à présenter une course de calibre mondial, sans quoi ils pourront se retirer du contrat.

M. Ecclestone bénéficie-t-il pour sa part d'une clause échappatoire qui lui permettrait de mettre fin unilatéralement à l'entente s'il recevait des offres plus alléchantes ailleurs?

"Non, il n'y aucune clause qui lui permettrait de se dégager de l'entente de cinq ans, a juré Gérald Tremblay, sous l'oeil approbateur de l'avocat de la ville. Vous pouvez vérifier les contrats. Et en plus, nous avons une option de renouvellement pour cinq autres années qui l'oblige à négocier de bonne foi."

La ministre du Tourisme, Nicole Ménard, également présente à la conférence de presse, évalue les retombées totales du Grand Prix à 89 millions $ en plus d'offrir une vitrine incroyable à Montréal avec 300 millions de spectateurs dans 144 pays.

"C'est l'événement touristique numéro 1 à Montréal, au Québec et au Canada", a rappelé M. Bachand.

Le Championnat du monde 2010 de F1 prévoit 19 courses. Le Grand Prix de Bahreïn donnera le coup d'envoi de la saison, le 14 mars.