MONTRÉAL – La saison des Alouettes de Montréal était déjà vieille de quelques semaines. Chaque joueur devait s’avancer, à tour de rôle, pour s’adresser au groupe pendant 45 secondes. Les confidences se promenaient des intérêts dans la vie, à la famille, aux rêves à accomplir jusqu’au moment où Antonio Simmons a révélé qu’il était *aveugle de l’œil droit!

 

« C’est un peu spécial, mais c’est ainsi qu’ils l’ont su et ils étaient tous surpris. Certains coéquipiers avaient remarqué quelque chose parce que je plisse toujours de l’œil droit », a admis Simmons au RDS.ca.

 

L’Américain de 23 ans, qui est né en Floride, doit composer avec cette réalité depuis sa naissance et l'information s'est rendue jusqu'aux oreilles du collègue Didier Orméjuste qui a proposé le sujet à l'auteur de ces lignes. 

 

« Je suis né prématuré si bien qu'un mes deux yeux n’étaient pas entièrement développés et ça ne s’est pas corrigé par la suite pour mon œil droit », a expliqué l’ancien de l’Université Georgia Tech.

 

Cet obstacle n’était pas suffisant pour freiner l’athlète à la passion débordante qui a trouvé une manière d’atteindre le football professionnel. L’ailier défensif de six pieds trois pouces et 246 livres n’adopte surtout pas l’approche de le crier sur tous les toits. Loin de lui l’idée de s’en servir à titre d’excuse.

 

« En grandissant, je croyais vraiment que c’était normal. Heureusement, ça n’a pas fait une grande différence dans ma vie dans le sens que j’étais en mesure de jouer avec mes deux frères. Je n’avais pas un handicap qui m’empêchait de faire du sport », a précisé celui qui a complété son année recrue dans la LCF avec 45 plaqués et trois sacs du quart.

 

Voilà où l’histoire devient encore plus fascinante. Non seulement il a réussi un exploit d’accéder à ce niveau, mais il a appris que c’était anormal très tardivement. Après tout, il n’avait rien connu d’autre que de voir que d’un seul œil. Ça explique pourquoi Simmons n’avait pas alerté sa mère plus tôt. Antonio Simmons

 

« C’est seulement vers l’âge de 13 ans que j’ai fini par poser la question à mes frères. Je leur ai demandé s’il pouvait voir de leur œil droit », a confié Simmons qui avait suscité un grand étonnement de ses frères.

 

En réfléchissant à son parcours, une question s’impose. Elle est délicate, mais incontournable surtout qu'il a obtenu des auditions dans la NFL avec les Buccaneers de Tampa Bay et les Broncos de Denver avant d’aboutir avec les Alouettes.

 

Alors, crois-tu que tu jouerais dans la NFL si tu pouvais miser sur une vision normale?

 

« Je continue de croire que je peux jouer dans la NFL. Ça demeure mon but et je crois que je vais y parvenir. Quand j’étais avec les Broncos, ils avaient déjà quatre ou cinq joueurs au sein de l’organisation pour le poste de secondeur extérieur, ce n’était tout simplement pas la bonne situation pour moi. Ils voulaient me garder parce qu’ils aimaient ma façon de pourchasser les quarts », a réagi Simmons en trouvant une manière intéressante de répondre.

 

Confiant en ses moyens, le numéro 93 des Alouettes n’est pas du style à se morfondre de son état. Il accepte le tout avec la tête haute.

 

« J’ai eu à jouer avec cette condition toute ma vie et ça m’a permis d’être le joueur que je suis. Si je voyais de mes deux yeux, je considère que je serais le même joueur. Je ne veux surtout pas m’en servir comme excuse. Je me contente de jouer au maximum de mes capacités », a insisté celui qui profite de la saison morte pour compléter son diplôme universitaire en Administration.

 

Simmons a même connu du succès comme receveur

 

À sa première année en sol canadien, Simmons est parvenu à devenir un complément intéressant à John Bowman sur la ligne défensive. Tout de même, l’équipe a peiné à imposer de la pression sur les quarts adverses.

 

Simmons est persuadé qu’il s’imposera davantage en 2020 alors qu’il comprend mieux les subtilités du football canadien. Là où il a excellé en 2019, c’est en utilisant ses qualités athlétiques pour effectuer des plaqués très loin de son point de départ et même parfois dans les zones couvertes par les demis défensifs.

 

Sa mobilité et sa rapidité sur le terrain s’expliquent par une raison bien simple. Transformé en ailier défensif dans le dernier droit de son école secondaire, Simmons était un receveur de passes à la base.

 

La transition n’a pas été facile à accepter et à effectuer, mais il a ajouté une cinquantaine de livres à sa charpente et il a confondu une tonne de sceptiques comme il aime le rappeler.

 

« Bien des gens ont douté de moi en grandissant. Les gens ne pensaient pas que je me rendrais aussi loin au football. On a toujours eu tendance à me sous-estimer et j’ai utilisé le tout comme motivation. Il y a eu ce match durant lequel j’ai réussi cinq sacs et j’ai déclaré que je serais le meilleur ailier défensif en ville. J’ai été enseveli sous bien de la haine pour avoir dit ça, mais ça s’est avéré plutôt vrai parce que j’ai fini avec une saison de 29 sacs », a raconté Simmons.

 

À moins d’un revirement de situation, il devrait être de retour dans la métropole québécoise ce printemps et l’entraîneur-chef Khari Jones s’est attardé sur son potentiel.

 

Antonio Simmons« Pour une première saison, j’ai été bien impressionné. Il ne fait que commencer à s’habituer à la LCF et on lui a demandé d’accomplir bien des choses à partir de sa position d’ailier défensif. Il est tout simplement une belle combinaison de vitesse et de force. Il va récolter les statistiques prochainement. Jusqu’à présent, il n’a pas réussi une tonne de sacs, mais il détient les atouts », a noté Jones en soulignant qu’il a forcé les autres équipes à le surveiller de près.

 

Ciante Evans et Patrick Levels font partie de ses meilleurs amis dans le nid. Ils ont voulu vanter ses qualités tout en n’oubliant pas de le taquiner.

 

« C’est un joueur qui se dévoue beaucoup, il est énergique et très physique. Il se présente avec toute une passion et il a été en mesure de progresser durant la saison », a décrit Evans.

 

« Dès son arrivée, on a remarqué que c’est un grand travaillant et un passionné. Il voulait devenir meilleur qu’il l’était et il continue de grandir », a ajouté Levels qui s’assure d’être exigeant envers lui pour qu’il exploite l’ensemble de son potentiel.

 

« Il m’a montré ses meilleurs faits saillants comme receveur à l’école secondaire, mais je lui ai dit qu’il n’aurait jamais été capable de faire ça contre une vraie opposition, un vrai calibre comme celui que j’ai connu au Texas », a lancé Evans avec un grand sourire.

 

Peut-être qu’Evans dit vrai, mais cogner à la porte de la NFL avec un œil, disons que ce n’est pas si mal.

 

*On a consulté des experts de la vue afin d'utiliser le terme approprié pour décrire la vision de l'oeil droit de Simmons. L'un d'eux a confirmé que son oeil droit est considéré légalement aveugle tandis qu'un autre préfère l'utilisation du terme handicap visuel.