Qui aurait cru il y a quelques semaines à peine que les Alouettes ne seraient qu’à une victoire de prendre part au match de la Coupe Grey?

Les devins ayant prédit un tel revirement alors que l’équipe affichait un dossier de 1-7 ne sont sans doute pas nombreux. C’est pourtant la situation inattendue dans laquelle se retrouve la troupe de Tom Higgins, qui se rendra à Hamilton dimanche pour y disputer la finale de l’Est face aux Tiger-Cats sur les ondes de RDS dès 13 h.

Les Montréalais en seront alors à une deuxième visite cette saison au Tim Horton’s Field, un terrain sur lequel les Tiger-Cats n’ont pas encore subi la défaite cette année (6-0). Heureusement, les Alouettes ont déjà eu la chance de se familiariser avec le nouveau domicile de leurs rivaux à l’occasion de leur dernier match de la saison.

Il n’y aura donc pas de sources de distractions pour les Als, pas de nouveau vestiaire à apprivoiser ou de couloirs à explorer afin de faire son chemin vers le terrain. L’équipe n’aura qu’à se soucier de sa performance sur celui-ci.

Et cette fois, il n’y aura pas place à l’erreur. Lors de leur précédente escale à Hamilton, les Alouettes avaient échappé le premier rang du classement dans l’Est et donc un accès direct à la finale de la division en s’inclinant 29-15 à la suite de revirements aussi coûteux qu’insolites.

Nous n’avons qu’à penser au cafouillage sur un botté de dégagement des Tiger-Cats finalement recouvré par ces derniers, ou encore la passe vers l’arrière et hors cible de Jonathan Crompton vers Chris Rainey, qui a finalement été récupérée par les Ticats pour un touché.

J’ai de la misère à croire que les Alouettes se tireront encore dans le pied de la sorte en commettant des erreurs semblables une deuxième fois, contre ces mêmes adversaires.

Plier sans casser

Les Tiger-Cats poseront donc les pieds sur la pelouse Tim Horton’s Field après avoir profité d’une semaine de congé supplémentaire. Pour une formation âgée, cela s’avère souvent un avantage, mais pour une équipe jeune comme celle des Ticats, cette période de repos peut jouer des tours.

Il faudra donc surveiller de près la façon dont les Tiger-Cats amorceront le duel. Après deux semaines sans match, certains pourraient connaître un lent départ. Si tel est le cas, la défense montréalaise a tout intérêt à sauter sur l’occasion.

La mission première de cette unité est à mon avis de provoquer un revirement dès le quart initial afin de prendre rapidement l’ascendant.

Il importe bien sûr que la défense des Alouettes poursuive son bon travail. Continuera-t-elle de plier, mais sans casser tout en appliquant de la pression? Cette unité en est certainement capable. À l’image de ses précédents matchs, l’unité défensive doit forcer les Tiger-Cats à bûcher fort pour chaque verge gagnée.

Les Alouettes devront notamment tirer avantage du manque d’opportunisme des Tiger-Cats à la porte des buts. En 47 présences dans la zone payantes cette saison, l’attaque d’Hamilton n’a inscrit que 19 touchés pour un taux de réussite de 40 %, le pire rendement de la LCF. D’où l’importance de leur compliquer la vie pour chaque verge grugée.

Les Oiseaux pourront favoriser une couverture homme à homme et y aller de quelques blitz, mais ils devront se méfier de Zach Collaros, un quart mobile capable de faire mal à l’adversaire en cas d’erreur. D’autant plus que les Ticats misent sur de rapides receveurs.

Ainsi, si Collaros parvient à échapper au blitz et qu’il étire le jeu, il pourrait placer les demis défensifs dans une position vulnérable. Un bon dosage au sein des stratégies employées est donc de mise pour la défense des Alouettes, ce qui est justement sa force. C’est à elle de jouer selon ses propres termes, un luxe qu’elle peut se permettre. Pas question d’offrir une passe gratuite aux Tiger-Cats.

Pour ce faire, il faudra presser Collaros et le contenir. Les Tiger-Cats se classent en effet deuxièmes dans le circuit au chapitre des verges amassées par son groupe de quarts-arrières avec 699 verges au sol, derrière les Eskimos d’Edmonton (816 verges).

La tâche de la défense des Alouettes ne s’arrête pas là, il faudra aussi freiner le jeu au sol. Lors du dernier affrontement entre les deux équipes, Nic Grigsby a couru à 19 reprises pour des avancées de 93 verges. Pour espérer accéder au match ultime, les Alouettes ne peuvent pas se laisser dominer physiquement et ainsi permettre à l’opposant de dicter l’allure de la rencontre.

Heureusement, contrairement au précédent face à face avec les Tiger-Cats, les Alouettes pourront compter sur les précieux services d’Alan-Michael Cash, qui s’était blessé au mollet durant la séance d’échauffement.

Véritable héros obscur, Cash est l’une des deux grosses brutes avec Scott Paxson qui ont pour mission première de stopper le jeu au sol au centre de la ligne à l’attaque. Son absence est loin d’avoir été négligeable lors du revers des siens le 8 novembre dernier. Dimanche, ça ne devrait pas être aussi facile pour les Tiger-Cats de courir.

N’empêche, les Alouettes devront être sur leurs gardes car on ne pourra jamais reprocher aux Tiger-Cats de manquer de créativité en attaque. Ils n’ont pas peur d’utiliser des concepts de jeux qui partent dans tous les sens. Après deux semaines de préparation, c’est clair que les entraîneurs en réservent d’autres aux Alouettes. Il leur faudra donc avoir à l’œil les marchands de vitesse comme Brandon Banks et Terrell Sinkfield.

Une recette bien simple

La recette du succès des Alouettes en attaque est d’une évidence même : protéger le ballon. C’est vrai lors de chaque match, encore plus sur la route et encore plus en éliminatoires, où tout est amplifié. Lors du dernier duel, les Alouettes avaient donné le ballon au Tiger-Cats en trois occasions.

En plus de garder possession du ballon, les Alouettes devront courir, ce qui propulsera à l’avant-plan l’une des plus belles luttes attendues au cours de cette rencontre. La performance de la ligne à l’attaque des Alouettes nous en dira long sur les succès de l’équipe, elle qui sera opposée à tout un front défensif.

On souligne souvent l’excellence de la ligne défensive des Eskimos, des Roughriders et des Alouettes, mais celle des Ticats est assez solide merci. Avec 77 verges au sol allouées en moyenne par match, Hamilton occupe le premier rang du classement à ce point de vue. On pourrait croire que c’est parce c’est l’équipe contre qui on court le moins souvent dans la LCF, mais ils sont aussi bons premiers pour le nombre de verges concédées par course en moyenne avec 4,6.Bref, les équipes affrontant les Tiger-Cats ne se risquent pas avec le jeu au sol, de peur de frapper un mur.

Cela ne doit toutefois pas apeurer les Alouettes et surtout pas les convaincre d’éliminer le jeu au sol de leur plan de match. C’est ce qu’ils ont fait la dernière fois, alors que Tyrell Sutton n’avait obtenu que cinq portées. On a vu ce que cela a donné…

À l’instar des Tiger-Cats, les Alouettes devront profiter de chacune de leur présence dans la zone payante pour inscrire un maximum de points et non pas se contenter de frapper à la porte. Il faut à tout prix la franchir. Avec deux bonnes unités défensives qui se livreront une rude bataille, c’est peut-être cela qui fera la différence au son du coup de sifflet final.

À domicile, les Tiger-Cats n’ont alloué que 156 points à domicile cette saison, soit un point de plus que les 155 concédés par les Stampeders, premiers de la ligue à cet égard. Les Alouettes ne peuvent donc se permettre de laisser un touché leur filer entre les doigts, ce qu’ils ont brillamment fait contre les Lions de la Colombie-Britannique dimanche dernier avec cinq majeurs en autant de visites dans la zone payante.

Il importera aussi de gruger de grosses parties de terrain à l’occasion. Duron Carter et S.J. Green se devront donc de capter quelques passes de plus de 30 verges, ce qui est tout à fait faisable contre une défense qui a accordé 28 passes du genre cette saison, un sommet dans la LCF.

Pour espérer profiter de cette faiblesse, les Alouettes devront pouvoir compter sur plus de précision de la part de leur quart-arrière Jonathan Crompton, qui a la malheureuse tendance à bousiller de telles occasions. Avec un pourcentage de passes complétées oscillant généralement entre 50 et 55 %, Crompton rate régulièrement la cible alors que ses receveurs sont laissés complètement sans surveillance.

Contre une bonne défense semblable à celle d’Hamilton, les Alouettes ne pourront traverser le terrain à coup de quatre verges…

Une réelle menace

En ce qui a trait aux unités spéciales, je n’ai d’autre choix de concéder l’avantage aux Tiger-Cats. Leur botteur est excellent et leur retourneur est très dangereux.

La bataille entre le botteur des Alouettes Sean Whyte et le spécialiste des retours de botté des Tiger-Cats Brandon Banks sera elle aussi déterminante dans l’issue de cette rencontre. Whyte n’a pas de marge de manœuvre et doit offrir une performance impeccable. Il doit à tout prix éviter les dégagements en milieu de terrain puisque les Tiger-Cats ont déjà réussi 11 retours de bottés de plus de 40 verges cette saison.

La menace est donc bel et bien présente.

La récente victoire des Alouettes acquise de façon éclatante en demi-finale de l’Est contre les Lions a toutefois de quoi inspirer confiance aux Montréalais, qui s’amèneront gonflés à bloc à Hamilton.

La pression repose de plus sur les épaules des Tiger-Cats, qui sont les favoris en vertu de leur premier rang dans l’Est. Cela est cependant loin de leur garantir un voyage à Vancouver pour la grande finale.

Aucune équipe ayant remporté le championnat de sa division lors des deux dernières saisons n’a accédé au match de la Coupe Grey. De quoi encourager les Alouettes et leurs partisans…

*Propos recueillis par Mikaël Filion