SHERBROOKE – Pendant que Kyries Hebert versait une larme, Luc Brodeur-Jourdain avait de la difficulté à encaisser cette « méchante surprise » que constitue le départ du secondeur étoile, Bear Woods.

Hebert, Brodeur-Jourdain et tous leurs coéquipiers des Alouettes de Montréal ont eu à se familiariser à la vie sur le terrain – et à l’extérieur – sans celui qui aura été un influent meneur.

Quelques heures après avoir appris le départ de leur fidèle complice, les joueurs des Alouettes peinaient encore à expliquer ce qui venait de se produire. À 36 ans, Hebert a vu des coéquipiers quitter par dizaines au cours de sa carrière, mais il n’avait jamais réagi de cette façon.

« C’est la seule fois que j’ai versé une larme pour la perte d’un coéquipier.

« Ça démontre à quel point j’étais émotif. C’est probablement aussi parce qu’on n’avait jamais vu venir ce coup. Tu arrives et son casier est vide… Du temps où j’ai pu lui parler, il était déjà rendu au Vermont. C’était une décision bien au-delà de ma tête et ça demeure reste du sport professionnel. Tu peux tout donner et être retranché éventuellement. Le football ne t’aimera jamais autant que tu pourras l’aimer », a confié Hebert qui se plaisait bien auprès d’un autre joueur aussi intense que lui.

Tout comme Hebert, Brodeur-Jourdain reconnaît que la matinée a été difficile.

« J'aimerais qu'on procède d'une autre façon la prochaine fois »

« Pour moi, c’est une méchante surprise. On était dans le vestiaire en matinée et ça commençait à se parler dans le vestiaire, mais rien n’avait été officialisé. Personne ne s’était encore adressé aux joueurs avant d’aller sur le terrain », a expliqué le vétéran.

Nul doute, le directeur général des Alouettes de Montréal, Kavis Reed, a procédé à son geste le plus téméraire. 

« C’est une décision qui vient de nos supérieurs. Peu importe qu’on soit d’accord ou non, ça ne changera rien. Il faut juste avoir confiance au processus qui est effectué. Chose certaine, il faut donner une grosse note d’appréciation au travail effectué par Woods. C’est un joueur qui a tout donné et qui ne l’a pas eu facile. Il a surmonté des blessures importantes qui ont nécessité des opérations. Néanmoins, il avait une éthique de travail irréprochable. Il était investi émotivement dans cette équipe. C’est la perte d’un bon vétéran », a tenu à souligner Brodeur-Jourdain qui le respectait pour ces raisons.

John Bowman, qui s’apprête à entamer sa 12e saison dans l’uniforme montréalais, n’aurait jamais prédit ce scénario.

« Si quelqu’un ose dire qu’il a vu ça venir, il est complètement dans l’erreur », a-t-il avancé sans détour.

Certes, les joueurs devront composer avec cette perte, mais c’est avant tout le coordonnateur défensif, Noel Thorpe, qui hérite d’un casse-tête complexe. En fait, c’est comme s’il se retrouvait avec un casse-tête pour lequel il lui manque un morceau, un gros morceau.

Thorpe s’est rallié à la décision de l’organisation et il a préféré mettre l’accent sur la valeur ajoutée de l’Américain né en Floride qui a grandi en Alabama.

« Avant tout, il a eu une immense contribution au sein de notre unité et notre club. Il a été une pièce maîtresse de notre défense et on va s’ennuyer de lui. J’ai pu lui parler, il était très positif », a exposé le spécialiste de la défense. 

« J’ai eu la chance de bien le connaître, on va le manquer. On lui souhaite le mieux, mais il faut maintenant passer à la prochaine étape. Il faut réfléchir un peu à sa contribution et redoubler d’ardeur ensuite », a poursuivi Thorpe qui avait trouvé un allié de taille en Woods.

Thorpe n’est pas payé pour procéder aux embauches ou aux retranchements, mais il réalise déjà que ce ne sera pas facile de compenser pour la perte de leadership provoquée par ce geste.

À tout le moins, il peut se dire qu’il a été en mesure de trouver des solutions de rechange comme il l’avait fait lorsque Woods s’était blessé dont en 2015.

« C’est difficile de remplacer un joueur comme lui avec une seule personne. C’est de l’adversité qu’il faudra surmonter. Mais, depuis que Coach Thorpe est en place, d’autres joueurs ont été en mesure de remplacer ceux qui sont tombés au combat. Il a trouvé le moyen de garder notre unité parmi les meilleures de la LCF », a exprimé Hebert qui redevient pratiquement un candidat incontournable comme partant parmi les secondeurs. 

« Mieux vaut un an trop tôt qu'un an trop tard »

« Personne n’est irremplaçable ou plus important que l’organisation qu’il représente. S’il a été libéré, c’est parce qu’il y avait une opportunité ou une solution au sein de l’équipe ou qui se dessine à l’horizon. Il y a certainement un plan derrière ça », a soulevé Brodeur-Jourdain qui serait déçu d’apprendre que ce ne soit pas le cas.

Ce geste inattendu a causé un impact immédiat sur tous les joueurs. Les entraîneurs ne risquent pas de miser des athlètes qui se croient assurés d’un poste.

« On ne peut que redoubler d’ardeur parce que si ça peut arriver à un joueur de sa stature, ça peut arriver à nous tous », a mis en garde John Bowman.

Authentique jusqu’au bout de ses tresses, Woods a joué un rôle prépondérant au sein de l’escouade défensive des Alouettes. Les joueurs des Alouettes seraient bien étonnés de ne pas le recroiser rapidement sur leur chemin.

« Ce n’est pas la fin pour lui, une autre équipe se trouvera le meilleur joueur défensif de l’Est », a ciblé Hebert au sujet de ce fervent de guitare et de lutte.

« Chaque fois qu’une équipe se départit d’un meneur de la trempe de Bear, c’est difficile. C’est le côté éprouvant de notre métier. Tous les athlètes auront à passer par là, ça m’est arrivé en étant échangé. Il va nous manquer, mais on doit être prêts pour la saison », a reconnu le quart-arrière Darian Durant qui avait entendu plusieurs choses positives à son sujet.

Woods devait être rejoint prochainement par sa conjointe et ses deux jeunes enfants qui découvriront plutôt leur nouvelle destination.

Anthony Sarao comme piste de solution ?

La situation demeure hâtive, mais Anthony Sarao émerge comme un candidat potentiel intéressant. Celui qui a été partant avec les Trojans de USC possède des atouts intéressants.

« Son curriculum vitae est excellent, c’est un vrai leader. Il assume déjà un rôle dans ce sens depuis le camp de printemps et il est très athlétique », a dit Reed qui le juge prêt à jouer au niveau professionnel.

« Je vois un joueur prometteur avec de bons instincts. Il est résistant et il comprend déjà assez bien notre défense. J’aime ses qualités jusqu’à présent », a observé Thorpe.

Mais la grande question, est-il prêt à assumer un rôle de partant ? 

« S’il doit l’être, il devra l’être. Mais c’est trop tôt pour le dire présentement », a répondu Thorpe.

« Ce n’est pas ma décision, mais je vais y mettre tous les efforts. Ma mentalité ne change pas, peu importe, je veux profiter de mes opportunités et aider l’équipe de mon mieux », a commenté Sarao, un athlète de 24 qui a grandi en admirant le travail des Sean Taylor, Ray Lewis et NaVorro Bowman dans la NFL.

Le Québécois Nicolas Boulay aimerait sans doute prouver qu’il peut en faire autant. On peut prêter des intentions similaires à Frédéric Plesius, mais il faudra patienter quelque peu.

La solution n’est pas si limpide actuellement, mais le DG des Alouettes a déterminé que son groupe de secondeurs devient plus athlétique à la suite du départ de Woods.

« On est une défense hybride, on a besoin des joueurs qui peuvent jouer différentes formations. Ça prend des athlètes polyvalents. Ce n’est rien contre Bear qui est probablement un futur membre du Temple de la renommée, mais on voulait rajeunir cette unité et on voulait un groupe plus athlétique », a conclu Reed.

Une défensive remodelée