MONTRÉAL – « Hey, Diego, tu dois faire ta première entrevue aujourd’hui, mais que se passe-t-il? » Les coéquipiers de Diego Kuhlmann n’allaient pas manquer l’occasion de l’agacer quand ils ont vu, à la fin de l’entraînement quotidien, que son nom était inscrit sur le tableau des requêtes médiatiques.

 

Quelque peu gêné, mais surtout amusé par la situation, le Mexicain de 24 ans ne pouvait guère s’empêcher de sourire en entendant les taquineries lancées par ses partenaires.

 

Pour ceux qui l’avaient oublié, une place a été ajoutée sur la formation active des équipes de la Ligue canadienne de football pour leur permettre de miser sur un joueur mexicain ou européen. Du côté des Alouettes de Montréal, c’est Kuhlmann qui a obtenu ce privilège.

 

Kuhlmann a rarement foulé le terrain depuis le début de sa saison recrue, mais il a donné un coup de main sur des schémas nécessitant plus de joueurs de ligne offensive. Il campe le rôle du septième ou huitième joueur de ligne offensive pendant les rencontres. 

 

Puisque les Alouettes ont déjà confirmé leur qualification éliminatoire et qu’il a participé à 15 parties en sol canadien, l’occasion était intéressante de revenir sur son expérience au Canada surtout après le match avec des conditions hivernales à Winnipeg.

 

« C’était ma première expérience dans la neige et c’était fou! », a-t-il lancé avec une intonation qui voulait tout dire.

 

Diego Kuhlmann (no 62)« Je n’avais jamais expérimenté des conditions météorologiques comme celles-ci. Mais, pour être honnête, j’ai trouvé cela plutôt cool. La neige a rendu la place très vivante et c’était intéressant comme contexte même si c’était très froid. D’ailleurs, je ne me souviens pas d’avoir été exposé à une journée aussi froide », a-t-il enchaîné dans un anglais vraiment solide dans les circonstances.

 

Kuhlmann avait pu se préparer mentalement puisque les prévisions ne laissaient aucun doute. Il a toutefois sous-estimé le tout.  

 

« Oh oui, on nous avait avertis durant la semaine, mais je ne m’attendais pas à une telle quantité! Il y en avait vraiment beaucoup », a confié le numéro 62 en riant.

 

Le collègue Didier Orméjuste a raconté durant la diffusion de la partie que l’ailier défensif Antonio Simmons n’avait jamais joué une partie dans un climat plus froid que la Caroline du Nord. Pour lui, le choc de la neige a été colossal, mais ça n’a pas été aussi brutal pour Kuhlmann.

 

« C’était un peu difficile physiquement parce que c’était froid, mais ça passe plus facilement quand tu dois te concentrer sur une tâche », a noté celui qui n’arrête pas de se faire dire qu’il doit se préparer à de telles conditions sous peu à Montréal.

 

Sur le terrain, l’adaptation de Kuhlmann avait été classée dans les dossiers à long terme. À vrai dire, l’échéancier qu’il s’est fixé vise un rôle de partant en 2020. Disons qu’une année pour se familiariser avec la LCF n’était pas un luxe.

 

« Je me considère vraiment privilégié d’être ici, je n’ai pas beaucoup joué parce qu’on arrive au sein d’un calibre de jeu différent. Je dois m’habituer à ce niveau et ce processus a commencé par raffiner les bases et les techniques de mon jeu. J’espère que je vais rester avec les Alouettes pendant plusieurs années, je trouve que la transition se passe assez bien », a-t-il jugé.

 

« Je crois que c’est réaliste comme scénario (d’être partant la saison prochaine). J’aime entretenir plusieurs objectifs à atteindre et c’est l’un d’eux. Je n’ai jamais été relégué dans un rôle de spectateur avant cela. Au Mexique, j’étais l’un des meilleurs joueurs », a mentionné le colosse de 6 pieds 4 pouces et 268 livres.

 

Quand il revoit les images de son jeu en sol mexicain, Kuhlmann constate que ce fut précieux pour lui d’aboutir dans le circuit canadien. Il parvient maintenant à exécuter des jeux qu’il ne pouvait même pas envisager il y a quelques mois.

 

Sur le plan personnel, Kuhlmann a également observé une belle évolution. Il peut désormais se considérer comme l’un des gars de la « gang » de la ligne offensive.

 

Diego Kuhlmann« Au départ, c’est sûr que c’était un peu plus difficile de bâtir des liens étroits avec mes nouveaux coéquipiers. On provient quand même de cultures différentes. La langue n’aidait pas non plus, mais je me suis amélioré à ce chapitre », a reconnu l’athlète originaire de Cuernavaca, une ville située à environ 80 kilomètres au sud de Mexico.  

 

Son anglais, il l’a appris dans des écoles privées, mais rien ne vaut la pratique au quotidien comme il le rappelle. Quant à son football, il peut remercier l’influence d’un voisin.

 

« J’ai commencé à jouer à l’âge de neuf ans. Il y a quand même plusieurs amateurs et joueurs de football au Mexique. L’un de mes voisins agissait comme entraîneur et il voyait que j’étais plus costaud que tous mes amis. Il a dit à ma mère qu’elle devrait me faire essayer ce sport. Avant, j’avais tenté ma chance au basketball, au soccer, mais ça ne me stimulait pas tant. Ce fut complètement différent pour le football », a-t-il précisé.

 

Lorsqu’il a complété son temps supplémentaire après les entraînements, Kuhlmann s’attarde à découvrir les espaces verts de la métropole québécoise qui n’a pas l’ampleur de Mexico.

 

« C’est une ville magnifique. D’où je viens, les espaces verts sont rares. Étant donné que j’aime les activités extérieures, je marche beaucoup dans la ville et je suis heureux d’être ici. Je suis fasciné par le changement de couleur des feuilles dans les arbres, je n’avais jamais vu ça auparavant et c’est magnifique », a raconté la recrue qui a pu compter sur la visite de sa mère, de sa copine et d’un ami jusqu’ici.

 

La beauté de la chose, c’est que le projet du commissaire Randy Ambrosie d’internationaliser la LCF permet à Kuhlmann de vivre son adaptation à Montréal avec deux autres joueurs mexicains, le botteur Enrique Yenny et le demi défensif Juan Tamayo qui font partie de l’équipe d’entraînement. Voilà trois joueurs qui s’accrochent à leur rêve de s’implanter dans le circuit canadien et qui doivent hausser leur niveau de jeu pour que ça se concrétise.

 

Si Kuhlmann y parvient, plus personne ne lui tirera la pipe quand un journaliste souhaitera discuter avec lui. Ce serait tout un accomplissement pour un jeune homme qui habitait à 4700 kilomètres de Montréal.