La ligne est mince entre une victoire et une défaite pour les Alouettes cette saison.

Une fois de plus et pour la sixième fois en autant de rencontres, la troupe de Tom Higgins a été compétitive et dans le coup jusqu’à la toute fin face au Rouge et Noir d’Ottawa vendredi soir. Voilà pour la bonne nouvelle.

La moins bonne, et cela s’apparent de plus en en plus à une tendance, les Montréalais ne sont pas en mesure de réaliser le gros jeu faisant basculer le match en leur faveur, comme ce fut le cas dans le revers de 26-23 infligé par la formation ontarienne.

Alouettes 23 - Rouge et Noir 26

Si on s’attarde aux quatre défaites encaissées par les Alouettes (2-4) cette saison, elles ont successivement été décidées par de minces écarts de 4, 2, 3 et 3 points. Douze points au total, ce n’est pas grand-chose, mais force est d’admettre quand dans les duels serrés, l’adversaire des Alouettes est souvent en mesure d’effectuer les jeux décisifs.

Or, même si la fiche des Alouettes après un tiers de saison a de quoi décevoir, je préfère tout de même l’édition 2015 de la précédente. Avec un dossier de 1-7 en milieu de campagne 2014, les Alouettes n’allaient nulle part et ils n’étaient pas dans le coup. Tout ça a changé.

Il suffit maintenant à nos Oiseaux de demeurer unis, tout en comprenant qu’ils ne sont pas si loin du but. Et nul besoin d’être entraîneur pour identifier ce qui a fait défaut face au Rouge et Noir.

D’abord, les revirements.

Victimes de trois vendredi, les Alouettes ont conclu la soirée avec un différentiel de moins-2 sur ce plan. Affublée d’un tel ratio, n’importe quelle équipe de football aurait de la difficulté à remporter un match.

Le jeune quart Rakeem Cato est notamment responsable de deux d’entre eux, alors qu’il lancé deux interceptions dans la zone payante. Certes, il n’y a rien de garanti dans le monde du sport et avec des suppositions on peut extrapoler longuement, mais reste que les Alouettes se sont ainsi privés d’un minimum de six points au tableau, soit deux bottés de précision.

Les revirements continuent donc de faire mal aux Alouettes, spécialement sur la route, où ils sont toujours en quête d’un premier gain cette saison.

Au fil des revers subis loin du Stade Percival-Molson cette année, l’attaque montréalaise a remis le ballon à l’adversaire à neuf reprises, alors que l’unité défensive a été en mesure de le subtiliser qu’une seule fois aux attaques rivales.

Avec un différentiel de moins-8, inutile donc de chercher bien loin des explications aux insuccès des Alouettes à l’étranger.

En moyenne, les Alouettes remettent le ballon trois fois par match à l’adversaire. Or, ce qui est encore plus décevant considérant les attentes élevées que nous avons envers l’unité défensive, c’est qu’elle n’a volé le ballon qu’une seule fois sur la route. Pas d’interception, pas d’échappé recouvré... Le seul revirement provoqué a été réussi vendredi alors que la défense a freiné l’attaque du Rouge et Noir en situation de troisième essai, ce qui n’est même pas un revirement pour les puristes du football.

À cette forte tendance qu’il faut vite casser s’est ajoutée l’indiscipline face au Rouge et Noir, alors que les Alouettes ont écopé de 15 pénalités contre 8. Deux d’entre elles ont été particulièrement assassines, à commencer par celle qui a annulé le touché de Stefan Logan sur un retour de botté de dégagement.

L’autre, une pénalité d’obstruction, est survenue en fin de match et a offert trois chances au Rouge et Noir de pénétrer dans la zone de but à partir de la ligne de 1. Au football canadien, vous conviendrez qu’il est bien difficile d’échouer en de telles circonstances.

Les revirements et l’indiscipline c’est bien beau, mais ce n’est pas tout.

Déjà, avant le match de samedi, le manque d’opportunisme des Alouettes était criant, comme le prouvent les trois statistiques suivantes : 

-          Un taux de réussite de 44 % (7 en 16) dans la zone payante, c’est-à-dire les touchés marqués à l’intérieur de la ligne de 20;

-          En 12 séquences offensives amorcées en zone ennemie, les Montréalais n’ont marqué qu’un seul touché

-          Sur les 11 revirements provoqués cette saison, les Alouettes n’ont marqué que 14 points;

Une lourde tendance qui s’est transportée jusqu’à Ottawa, où les Alouettes ont eu le ballon cinq fois à l’intérieur de la ligne de 20 pour n’inscrire qu’un touché, selon des calculs non officiels effectués par moi-même. C’est beaucoup de points laissés sur le terrain.

N’empêche, tout n’est pas noir pour l’attaque montréalaise qui, contrairement à l’an dernier, fait avancer le ballon et amasse des verges. Tout ce qui manque, c’est une meilleure exécution, de meilleures décisions du quart ainsi que de de meilleurs choix de jeux du coordonnateur offensif.

Le bon et le mauvais d’une recrue

Certains reprocheront peut-être à Cato ses deux interceptions, mais c’est ça typique d'une recrue. Certains jeux sont attribuables à son manque d’expérience. Passer à contre-courant, c’est un péché capital. En courant vers les lignes de côté à sa droite, Cato a aussitôt annoncé qu’il allait lancer dans le trafic vers sa gauche, où la défense adverse et Antoine Pruneau l’attendaient pour réaliser l’interception.

Les Alouettes ont ainsi retraité pour la mi-temps avec une mince avance de 12-7 plutôt qu’une priorité de 15-7 ou même 19-7 si on ne cafouille pas. Une réussite qui aurait changé toute la dynamique du match et l’ambiance dans les deux vestiaires.

Rakeem CatoLa deuxième interception lancée par Cato est quant à elle plutôt attribuable au manque de chimie entre ce dernier et le receveur Fred Stamps, qui en étaient à leur quatrième match ensemble.

Se familiariser avec un nouveau quart ou de nouveaux receveurs, ça ne se fait pas instantanément, ça exige des répétitions lors de matchs et de séances d’entraînement. J’ai l’impression que Cato s’attendait à un tracé au poteau de Stamps, qui a plutôt effectué une feinte pour envoyer le demi défensif le couvrant vers l’intérieur pour ensuite repartir vers l’extérieur. Stamps s’était donc dégagé, mais Cato a sans doute mal interprété le déhanchement de son coéquipier.

Joueur recrue est donc synonyme de manque de constance, et ce peu importe le sport. Ce sont de beaux jeux suivis immédiatement de jeux qui te laissent un peu plus perplexe.

Fidèle à ce qu’il nous a offert depuis ses débuts, Cato s’est donc montré imperturbable. C’est ainsi qu’après avoir lancé une interception, il a couronné une belle série offensive en joignant Samuel Giguère dans la zone des buts. Bref, il oublie vite.

Je m’en voudrais toutefois de ne pas souligner le brio de la défense du Rouge et Noir qui, après avoir vu Cato causer toutes sortes d’ennuis aux Stampeders de Calgary grâce à sa mobilité, a fait montre d’une belle discipline pour contenir le quart des Alouettes.

La pression était soutenue et arrivait souvent à cinq joueurs, qui travaillaient d'ailleurs comme les cinq doigts de la main. Plus souvent qu’autrement, Cato a été contenu dans sa pochette, en plus d’être victime de trois sacs du quart. La pression provenait souvent du centre, le chemin le plus direct et le plus rapide, le pire scénario pour un quart-arrière. Disons que les portes de sortie pour Cato étaient rarement entrouvertes.

Une situation qui a forcé le porteur de ballon Brandon Rutley à se démarquer… quand on lui en a offert la chance du moins.

À son premier départ en remplacement de Tyrell Sutton, Rutley a effectué sept courses pour des gains de 40 verges, en plus de réussir 7 attrapés pour des avancées de 71 verges en première demie. À son retour du vestiaire, Rutley n’a couru qu’à trois reprises pour des gains de 12 verges. C’est tout.

Il est donc décevant qu’il ait été si peu sollicité alors qu’il était pourtant la bougie d’allumage de l’offensive montréalaise. S’agit-il d’une coïncidence, je ne sais pas, mais une chose est certaine, dans les deux revers des Alouettes face au Rouge et Noir cette saison, le jeu au sol a été laissé complètement de côté en deuxième demie.

Lors du premier duel, Sutton avait couru 11 fois avec le ballon pour des gains de 70 verges en première demie, avant de n'obtenir que quatre courses en deuxième demie. C’était pour le même genre de scénario, c’est-à-dire un match serré où on ne pouvait absolument pas parler de football de rattrapage.

On est donc en droit de questionner la sélection de jeux.

Une chose est certaine, Rutley a répondu présent. Il a fait avancer les chaîneurs et ses courses étaient productives, ce qui compliquera peut-être les décisions de ses entraîneurs une fois Sutton de retour.

L’effet Logan

On ne peut pas reprocher quoi que ce soit aux unités spéciales, spécialement Stefan Logan, qui a une fois de plus été brillant sur les retours de bottés. Il a souvent offert un positionnement favorable à son attaque, si bien qu’on peut même se permettre de parler de l’effet Stefan Logan.

Après son retour de botté de dégagement ramené jusque dans la zone des buts, mais malheureusement annulé en raison d’une pénalité, Logan a mis à mal la confiance du botteur du Rouge et Noir Anthony Alix, qui n’a plus été le même par la suite.

Il a raté trois bottés de suite avant de devoir céder sa place à Christopher Milo, fraîchement arrivé avec la formation ontarienne et dont la tâche devait uniquement être les bottés de précision.

De peur de remettre le ballon dans les mains de Logan, Alix a souvent effectué des bottés trop courts qui s’apparentaient à un excellent retour pour les Alouettes.

Le brio de Logan n’était toutefois pas suffisant. Un gros jeu de la défense était ce dont avait besoin la formation montréalaise, surtout en fin de rencontre. Avec moins de 10 minutes à faire au match, les Alouettes venaient de reprendre les devants grâce au touché de Giguère, mais la défense n’a pas été en mesure de défendre cette mince avance de six points.

Autre match serré, autre défaite

Si on s’attarde aux statistiques de cette rencontre, je peux vivre avec les 24 points et 417 verges alloués par la défense, mais pas les 31 premiers essais réussis par l’attaque du Rouge et Noir. Un total impressionnant qui illustre le haut niveau d’exécution de cette unité.

C’est d’autant plus éloquent si on considère qu’Ottawa n’a réussi que deux gros jeux offensifs au cours de cette rencontre; une course de 34 verges et une passe de 38 verges. Seulement trois fois les Alouettes ont forcé le Rouge et Noir à dégager après deux jeux.

Des 24 points marqués par le Rouge et Noir, trois touchés ont été inscrits à la suite de séquences de 78, 85 et 75 verges. Ajoutez à cela un placement réussi lors d’une séquence amorcée à leur ligne de 14. C’est sans compter une série offensive longue de 61 verges freinée à la ligne de 14 des Alouettes à la suite d’un échec en situation de troisième essai.

La défense montréalaise n’a donc pas appliqué une pression soutenue sur le quart Henry Burris, une facette qui fait défaut depuis quelques matchs chez les Alouettes.

Malgré tout, les Alouettes n’ont surtout pas le temps de s’apitoyer sur leur sort puisqu’ils seront de nouveau confrontés à une semaine de préparation courte à l’aube de leur match de jeudi face aux Eskimos d’Edmonton au Stade Percival-Molson.

J’espère que les Alouettes vont se présenter de mauvaise humeur, car ce sera certainement le cas de leurs prochains rivaux, qui viennent d’échapper une victoire contre les Lions.

*Propos recueillis par Mikaël Filion