MONTRÉAL – Enrique Yenny partait de loin, au sens propre et figuré, quand il a obtenu une opportunité avec les Alouettes la saison dernière. En toute honnêteté, son rendement sur les tentatives de placement a été désastreux durant plusieurs semaines. Plus d’un an plus tard, le botteur mexicain a effectué d’immenses progrès, mais il n’a pas convaincu la formation montréalaise de retenir ses services. 

Yenny a été sélectionné par les Alouettes dans le cadre de l’initiative de la LCF 2.0 du commissaire Randy Ambrosie. Un projet lancé pour augmenter la représentation internationale dans le circuit afin de mousser la visibilité de la LCF à l’extérieur du Canada et des États-Unis. 

Son arrivée dans le nid des Oiseaux était donc intrigante. En voyant la puissance de sa jambe sur les dégagements, on a pu comprendre comment les Alouettes ont décelé du potentiel chez lui parmi le bassin de joueurs mexicains admissibles. 

Cela dit, ça faisait parfois peur de le voir s’exécuter sur les placements. La hauteur du botté était très déficiente et la précision, rarement au rendez-vous. À vrai dire, on a parfois craint que ses coéquipiers devant lui se fassent atteindre derrière le casque par le ballon en tentant de le protéger des adversaires. 

Toutefois, Yenny mérite qu’on lui rende ce qui lui revient. Depuis, il a bûché sans relâche pour corriger les défauts qui plombaient ses efforts. Il espérait ainsi poursuivre l’aventure avec les Alouettes, mais les dirigeants ont choisi de le laisser devenir joueur autonome en février. 

C’est en discutant avec le commissaire de la ligue professionnelle au Mexique, la LFA (Liga de Football Americano Profesional), qu’il a eu vent de ce qui se tramait. 

« Il était en contact avec quelques personnes de la LCF et il m’a dit que les Alouettes ne savaient pas ce qu’ils allaient faire avec moi. À ce moment, mon nom apparaissait encore sur la formation affichée sur le site web, mais il a été retiré ensuite donc j’ai déduit que j’ai été libéré », a-t-il expliqué au RDS.ca. 

« Après, j’ai parlé avec Éric (Deslauriers, directeur des opérations football) pour lui demander ce qui se passait. Il m’a dit que le club regardait toutes ses options », a ajouté Yenny à partir de sa ville natale d’Aguascalientes, au nord-ouest de Mexico. 

L’athlète de 26 garde donc une petite porte ouverte pour un retour avec les Alouettes. 

« Je préfère attendre le dénouement pour la saison 2020 et je verrai s’ils veulent me ravoir avec eux », a-t-il prononcé entre deux quarts de travail dans une entreprise qui développe des logiciels. 

Cependant, de ce qu’on a pu comprendre via des contacts avec des membres des Alouettes, l’inconstance de Yenny demeure un écueil de taille. 

Voilà pourquoi Yenny s’entraîne chaque matin avant de se rendre au boulot. Il en profite d’ailleurs pour publier ses meilleurs coups sur les réseaux sociaux. À titre d’exemple, il a réussi quelques placements au-delà de 60 verges ce qui aurait été impensable à ses premiers pas en sol montréalais. 

Bien sûr, il effectue les bottés sans la présence de joueurs qui foncent vers lui et sans la pression reliée à une partie.  De plus, il bénéficie de l’altitude de sa région mexicaine pour l’envol du ballon. 

Par contre, on doit préciser que Yenny a participé (avec les Pioneros) à six matchs de la saison de la LFA qui a été stoppée en raison de la pandémie et il a complété quatre de ses six tentatives de placement. Il a notamment accompli un placement de 60 verges, un record pour ce circuit. 

« J’étais vraiment fâché que la saison soit arrêtée parce que je voulais continuer de pratiquer et avoir plus de vidéos de matchs à envoyer aux équipes. Ç’aurait été plus facile d’avoir une autre chance dans la LCF. C’est mon objectif principal d’y retourner », a admis Yenny. 

Prêt à revenir au Canada pour six parties 

En attendant des nouvelles positives de son agent, il ne trouve pas trop exigeant de jumeler travail et entraînement. 

« Ce n’est pas difficile, je suis capable de maintenir cette cadence. En fait, c’est amusant parce que je n’ai pas de temps morts. Je suis toujours occupé », a réagi celui qui s’exprime assez bien en anglais grâce à des études aux États-Unis, là où il a été recruté pour le football.  

Pendant que les joueurs canadiens et américains de la LCF s’impatient du sort de la saison 2020, Yenny peut subvenir à ses besoins grâce à son travail qui demeure son plan B. 

« Je suis très reconnaissant d’avoir un emploi, ça me permet d’avoir des revenus. Mais ça ne change pas que je veux continuer de jouer au football », a-t-il maintenu. 

Il se dit même prêt à revenir au Canada pour un calendrier réduit de six parties malgré le déplacement que ça implique dans son cas. 

« Absolument. Pour moi, ce serait vraiment une autre belle occasion de démontrer ce que je peux faire pour m’implanter pour plusieurs années. »

Son horizon pour s’y établir dans la LCF demeure à moyen terme. Sa femme l’incite d’ailleurs à s’accrocher à son but surtout que le couple n’a pas d’enfant pour le moment. 

« On n’a pas fixé un échéancier pour que je m’établisse dans la LCF. Elle m’encourage dans cette aventure », a noté le sympathique botteur.

Au passage, il a tenu à remercier Mickey Donovan, le coordonnateur des unités spéciales  des Alouettes, et Boris Bede qui a été son coéquipier pendant la saison 2019. 

« J’ai beaucoup appris d’eux, ils m’ont aidé à corriger ma technique et à mieux prendre mes pas vers le ballon. Je continue de travailler là-dessus et ça me permet d’afficher des progrès. Je vais aussi régulièrement au gymnase pour devenir plus flexible », a indiqué Yenny. 

« Je trouve que je me débrouille assez bien pour obtenir une autre chance. Oui, je suis capable de démontrer de la constance, je veux le prouver », a conclu Yenny qui parviendrait à confondre bien des sceptiques en gagnant son pari.