C’est seulement le troisième match de la saison et on a l’impression que c’est le jour de la marmotte. Quand vient de temps de parler d’une performance des Alouettes, souvent le premier sujet est le manque d’attaque, le fait qu’on ne marque pas beaucoup de points et qu’on ne fait pas avancer le ballon avec des séquences soutenues. C’est le même disque qui saute depuis trois semaines. Les Als ont inscrits respectivement 17, 19 et 16 points alors qu’on en vise 30, ils ont réalisé 19, 16 et 17 premiers jeux alors qu’on en vise normalement 25, puis le nombre de jeux offensifs s’est élevé à 42, 49 et 51 alors qu’on en vise 65 pour considérer ça comme une bonne performance.

Incapable de générer de l'attaque

C’est clair que l’attaque se cherche et qu’il y a des problèmes d’exécution. La bonne nouvelle, c’est que je vois une équipe qui travaille fort et qui veut bien faire, mais en bout de ligne, ça ne met pas des points de tableau. Par contre, ça ne veut pas dire qu’on n’est pas en train d’installer des bases pour plus tard dans la saison. On va souhaiter que ça s’améliore. Au football, ce manque d’attaque met de la pression sur la défense, qui doit passer beaucoup de temps sur le terrain. On a perdu la bataille du temps de possession lors des trois matchs (35 minutes pour les Eskimos contre 25 minutes pour les Alouettes la semaine dernière, puis 32 min 30 sec pour les Lions contre 27 min 30 pour les Als jeudi).

Comme on n’a pas d’attaque soutenue, on ne contrôle pas non plus le temps de possession et on n’a pas beaucoup de jeux explosifs ni de présence dans la zone payante (une seule hier). L’élément le plus important pour moi, c’est qu’il va falloir commencer à produire en premier essai : il faut aller chercher un minimum de 6 verges en premier et 10, et même plus idéalement. Le problème, c’est qu’on se retrouve trop souvent en deuxième essai et long et on devient trop prévisible, l’adversaire peut faire des choses différentes en défense. En premier et 10, c’est une question de sélection de jeux (c’est l’entraîneur qui choisit les jeux et qui doit anticiper ce que l’adversaire va lui présenter), puis d’exécution des jeux. De part et d’autre, on se cherche encore. En première demie, il y a eu 15 situations de premier et 10, mais les Alouettes n’ont gagné que 3,2 verges en moyenne pour un total de 48 verges. Ça veut dire que tu as passé pas mal de temps en deuxième et long. En deuxième et court, tu as plus de chances de convertir ton essai donc tu vas aller chercher un premier jeu et rester sur le terrain plus longtemps, et donc augmenter ton temps de possession tout en protégeant ta défense.

Autre chose importante, au football on dit toujours qu’il faut faire des jeux explosifs. Mais au football à trois essais, c’est difficile de traverser le terrain comparativement à quatre essais dans la NFL. Tu ne peux te contenter de toujours avancer à coup de 5 verges seulement, il faut gruger de gros morceaux de terrain. Le meilleur moment pour réussir ça, c’est disons en deuxième et 3 parce que l’adversaire n’a pas le choix d’appliquer une couverture homme à homme. Quand tu es en deuxième et court, l’adversaire devient plus prévisible et tu peux choisir des stratégies en conséquence, en plaçant tel receveur contre tel demi défensif. Ça n’arrive pas assez souvent pour les Alouettes malheureusement. Même si le football est un jeu scientifique, parfois il ne faut pas trop se casser la tête. Hier, deux des plus gros jeux des Alouettes, soit l’attrapé de 27 verges de Tiquan Underwood et celui de 34 verges de B.J. Cunningham, sont survenus contre une défense homme à homme.

Des dommages collatéraux en défense

Du côté de la défense, il faut davantage se concentrer sur les deuxièmes essais. Hier, les Lions ont converti 67 % de leurs deuxièmes essais. Ce n’est donc pas surprenant qu’ils aient contrôlé le temps de possession. Souvent les Alouettes ont gagné le premier essai défensivement et ont forcé le deuxième et long, mais les Lions ont tout de même réussi à convertir sept deuxièmes essais de plus de huit verges : une fois sur un 2e et 10 ils ont gagné 36 verges, puis sur un 2e et 15 ils ont gagné 16 verges. Ça, c’est frustrant et ça fait que les Moineaux sont plus stressés sur le terrain.

Ça m’amène au style des Montréalais. Le but suprême est de ne pas trop allouer de points. Considérant toutes les blessures dans la tertiaire, cette défense m’épate. Elle a alloué 17 points à une reprise et 23 points à deux reprises. En plus, avec l’attaque qui n’aide pas beaucoup, je ne leur enlève rien. Mais je veux aborder un angle différent. On a clairement une défense qui a une philosophie de « on plie, mais on ne casse pas ». On va peut-être concéder des verges, mais on ne va pas donner beaucoup de points. Pour l’instant ça fonctionne relativement dans les circonstances, par contre il y a des dommages collatéraux qui viennent avec cette philosophie. C’est difficile de gagner la bataille du positionnement sur le terrain pour ton équipe parce que même si tu n’accordes pas beaucoup de points, c’est rare que l’adversaire va faire juste deux jeux suivis d’un botté. Donc même si l’adversaire ne marque pas points, il gagne constamment deux ou trois premiers jeux avant de dégager. Pendant ce temps-là, tu te fais refouler dans le fond de ta zone et tu n’as pas le ballon en main (en moyenne hier, les Lions ont amorcé leurs séquences offensives de leur ligne de 36, contrairement à la ligne de 26 pour les Alouettes.). À cause de ça, la défense passe beaucoup de temps sur le terrain et s’épuise. On voit régulièrement les Alouettes manquer de jus. Parmi les autres dommages collatéraux, ça fait en sorte que l’attaque a moins de séquences, donc moins de rythme, puis elle sent l’urgence de devoir produire et subit du stress. En fin de quatrième quart, les Lions ont développé une séquence de huit jeux et 75 verges durant 4 min 15 sec sur laquelle ils ont marqué le touché victorieux alors qu’il restait moins de trois minutes à faire la partie. C’était similaire la semaine dernière avec les Eskimos, qui ont brûlé les trois dernières minutes. Même lors de la victoire contre la Saskatchewan, sur la dernière séquence, les Roughriders ont enchaîné 12 jeux en 2 min 22 pour des gains de 47 verges, mais Montréal s’en est tiré puisqu’ils ont raté le botté. Ça vient nous rattraper en fin de match. Il faut trouver une solution pour quitter le terrain, que ce soit en créant des revirements ou en forçant l’autre à dégager pour redonner le ballon à son attaque. Il faut trouver un équilibre. Montréal est victime de son style, même si l’attaque n’aide pas.

« Des punitions frustrantes pour nous »

Je suis impressionné par la jeune tertiaire malgré toutes les blessures, mais défensivement, on ne met pas beaucoup de pression. Les quarts-arrières adverses ont tenté 123 jeux aériens, mais les ailiers défensifs des Alouettes ont concrétisé seulement 1 sac et 11 pressions. On aimerait ça en voir plus. Mais ce qui me fait encore plus peur, c’est la performance des plaqueurs à l’intérieur de la ligne défensive : aucun sac et 2 pressions. J’ai de la misère à croire ça. Souvent, les schémas défensifs ne fonctionnent pas, et en plus, on voit rarement un joueur gagner son duel à un contre un depuis le début de la campagne. La semaine prochaine, Bo Levi Mitchell s’amène en ville, ce ne sera pas un pique-nique non plus. Il faut absolument générer plus de pression.

C’est sans oublier l’indiscipline qui est revenue nous hanter. L’équipe permet à ses rivaux de poursuivre leurs séquences et de marquer des points. Même l’entraîneur-chef Jacques Chapdelaine l’a dit après le match, on n’est pas assez bon pour se permettre ça. On n’est pas encore une équipe de premier plan qui est capable de survivre à ce type de bévues. C’est un autre problème à solutionner.

Sur une note positive, je veux souligner la prestation de Boris Bede, il était en feu hier. Il affichait une confiance exceptionnelle et a réussi ses trois bottés de 51, 45 et 29 verges. Il a même recommencé à faire ses célébrations en imitant un joueur de baseball qui frappe un coup de circuit. J’avoue que j’étais sceptique en le voyant célébrer de la sorte au départ, mais son coéquipier et centre-arrière Jean-Christophe Beaulieu m’a révélé qu’il était bien heureux de le voir agir ainsi. Ça rappelle sa première année, alors qu’il avait été solide (36 en 40 sur ses bottés de précision). Il célébrait et simulait qu’il avait un genre de bazooka dans les mains. L’année passée, il ne faisait rien de tout ça et ça s’est moins bien passé. On va lui souhaiter que sa nouvelle célébration aura le même impact qu’à sa première saison. Surtout quand l’attaque peine à marquer des touchés, il faut que ton botteur capitalise sur les autres occasions.

Une attaque qui éprouve encore des difficultés